«Tout reste encore à réaliser», confie le futur cardinal Czerny
Le jésuite canadien Michael Czerny, sous-secrétaire de la Section migrants et réfugiés du Dicastère pour le service du développement humain intégral, figure parmi les nouveaux cardinaux créés par le pape François le 5 octobre 2019. Le Père Czerny interprète ce choix du pape de le faire cardinal comme un encouragement à approfondir son travail.
Propos recueillis à Rome par Arthur Herlin, I.MEDIA
Que représente pour vous cette décision du pape de vous remettre la pourpre cardinalice?
Cette décision du pape est selon moi chargée de sens et de dimensions. C’est un encouragement à approfondir ce que j’ai réalisé depuis dix ans pour le Saint-Siège. Cela me fait prendre conscience que tout reste encore à réaliser. Ce qui me motive, c’est l’Evangile vécu et incarné dans l’histoire et par le peuple de Dieu en marche. Et ce qui me passionne, c’est aider l’Eglise à accompagner sans laisser aucun peuple avec la sensation d’être abandonné. L’Eglise a en fin de compte très peu de solutions à offrir aux personnes qui rencontrent des problèmes, mais il s’agit de susciter chez eux le sentiment que l’Eglise est avec eux, coûte que coûte. C’est ce que Dieu nous promet. Il n’apporte pas toujours la solution mais nous assure qu’il ne nous abandonnera jamais. Jésus concrétise cela aussi, à nous de l’aider à poursuivre cette mission.
Votre cardinalice est-il un nouveau signe du soutien du pape aux migrants?
Même si l’on observe de nombreuses nouvelles concernant la situation, les médias ne sont pas toujours parvenus à les porter au grand jour. Bien sûr, on fait face à de nombreux défis, mais il y a aussi beaucoup de témoignages de créativité, de générosité, de courage. Certains migrants ont réussi à s’intégrer et aident à leur tour les autres. On pourrait pleurer devant ce type d’exemple. Ma propre famille originaire de République tchèque a été accueillie en 1958 au Canada avant d’obtenir la citoyenneté canadienne et d’aider à son tour d’autres réfugiés. Ce type d’histoire manque cruellement. Quand la pression va retomber autour de la question des migrants, nous comprendront alors qu’il ne s’agit pas seulement d’une tragédie émergente mais d’une opportunité pour les pays de croître et de se développer.
On observe une indifférence croissante sur cette question dans certains pays. A force de marteler le même message, le risque n’est-il pas de devenir inaudible?
En un sens, l’Evangile est aussi répétitif ! Mais il est vrai qu’il faut communiquer de façon plus complète. Il convient de ne pas rappeler sans cesse les devoirs, mais d’apporter des propositions concrètes aux problématiques auxquelles nous faisons face. Mais ceci n’est pas tant de la responsabilité du pape et du Vatican que de l’Eglise locale. Celle-ci doit localiser les défis et trouver des réponses possibles. Depuis le Vatican, nous mettons tout en œuvre pour les aider à intervenir de la meilleure manière possible. Par exemple, le message de la Journée mondiale du migrant – ›Il ne s’agit pas seulement de migrants’– invite à faire évoluer notre regard. Ceux qui n’entendent plus les messages n’ont pas appris les contradictions du système dans lequel nous vivons, qui tend à exclure et polariser, ainsi qu’à intensifier les inégalités. (cath.ch/imedia/ah/mp)