Toussaint: tous appelés à la sainteté!
Même si tous les médias, y compris catholiques, l’associent systématiquement à la mort, et aux cimetières, la Toussaint est avant tout une grande fête de la vie. Elle rassemble «le peuple immense de ceux qui cherchent la face du Seigneur».
Il est dommage d’avoir transformée la Toussaint en un «rituel tristounet des chysanthèmes» en la groupant avec la commémoration des fidèles défunts célébrée le lendemain, déplore l’abbé François Xavier Amherdt dans son dernier livre Les inouïs de l’Evangile. Pour le professeur de théologie pastorale à l’Université de Fribourg, la visite sur les tombes ne doit pas réduire la célébration festive de ce jour en une simple cérémonie du souvenir plus ou moins affligée.
Une foule innombrable
«Les saints ne constituent pas une caste restreinte d’élus, mais une foule innombrable, vers laquelle la liturgie nous invite à élever le regard, rappelait en 2006 le pape Benoît XVI. Dans cette multitude, il n’y a pas seulement les saints officiellement reconnus, mais les baptisés de chaque époque et nation, qui se sont efforcés d’accomplir avec amour et fidélité la volonté divine. Nous ne connaissons pas le visage ni même le nom de la plupart d’entre eux, mais avec les yeux de la foi, nous les voyons resplendir, tels des astres emplis de gloire, dans le firmament de Dieu.»
«Le paradis est le baiser de Dieu»
Commentant le thème de l’espérance, dans son style de curé de campagne plus concret et plus imagé, le pape François expliquait le 25 octobre 2017: «Le paradis n’est pas un lieu de conte de fée, ni un jardin enchanté. Le paradis est le baiser de Dieu, Amour infini, et nous y entrons grâce à Jésus, qui est mort en croix pour nous. Là où il y a Jésus, il y a la miséricorde et le bonheur; sans Lui, il y a le froid et les ténèbres. A l’heure de la mort, le chrétien répète à Jésus: «Souviens-toi de moi». Et même si plus personne ne se souvenait de nous, Jésus est là, à nos côtés. Il veut nous emmener dans le lieu le plus beau qui existe. Il veut nous y emmener avec ce peu ou ce grand bien qu’il y a eu dans notre vie, afin que rien ne soit perdu de ce qu’il avait déjà racheté.»
«Si nous croyons cela, la mort cesse de nous faire peur, et nous pouvons également espérer quitter ce monde sereinement, avec une grande confiance», concluait le pape.
La sainteté est le plus beau visage de l’Eglise
Une foule immense
«La fête de tous les saints que nous faisons aujourd’hui mérite d’être célébrée avec toute dévotion, recommande saint Bernard de Clairvaux au XIIe siècle. En effet, si la fête de saint Pierre, de saint Étienne, ou de tout autre saint nous paraît grande, et l’est, en effet, combien plus grande doit être pour nous celle que nous faisons aujourd’hui, puisque au lieu d’être la fête d’un seul saint, elle est la fête de tous les saints.»
La liturgie de la Toussaint est centrée sur le récit des béatitudes. Sur la montagne, Jésus adresse à la foule neuf paroles qui commencent toutes par le mot ›heureux’. Pour le pape François, «la sainteté est le plus beau visage de l’Eglise». Dans son exhortation apostolique Gaudete et Exsultate (Réjouissez-vous et exultez de joie!), publiée en 2018, il rappelle que «Dieu veut que nous soyons saints et il n’attend pas de nous que nous nous contentions d’une existence médiocre, édulcorée, sans consistance»(1).
La sainteté «de la porte d’à côté»
La sainteté selon le pape François n’est pas un idéal inaccessible et désincarné, mais un chemin concret qui invite à avancer, en affrontant la complexité de la réalité avec ses défis et ses opportunités. «J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu: chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire. Dans cette constance à aller de l’avant chaque jour, je vois la sainteté de l’Eglise militante. C’est cela, souvent, la sainteté ‘de la porte d’à côté’, de ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu.»(7)
Un saint triste est un triste saint
«Un saint n’est pas quelqu’un de bizarre, de distant, qui se rend insupportable par sa vanité, sa négativité et ses rancœurs», explique encore le pape François. «Le saint est capable de vivre joyeux et avec le sens de l’humour. Tout en demeurant réaliste, il éclaire les autres avec un esprit positif et rempli d’espérance.» (122)
«Je ne crois pas dans la sainteté sans prière, bien qu’il ne s’agisse pas nécessairement de longs moments ou de sentiments intenses.» (147) «J’ose donc te demander: Y a-t-il des moments où tu te mets en sa présence en silence, où tu restes avec lui sans hâte, et tu te laisses regarder par lui? Est-ce que tu laisses son feu embraser ton cœur? Si tu ne lui permets pas d’alimenter la chaleur de son amour et de sa tendresse, tu n’auras pas de feu, et ainsi comment pourras-tu enflammer le cœur des autres par ton témoignage et par tes paroles?» (151)
«Notre chemin vers la sainteté est aussi une lutte constante (162) rappelle enfin le pape. « La vie chrétienne est un combat permanent. Il faut de la force et du courage pour résister aux tentations du diable et annoncer l’Evangile.» (cath.ch/mp)
Une fête depuis le Ve siècle
La solennité de Tous les saints, ou Toussaint, célébrée le 1er novembre, remonte aux premiers siècles de l’Eglise.
Jusqu’au Ve siècle, les saints étaient honorés dans les lieux où ils avaient vécu ou étaient morts. Chaque localité avait sa liste de saints et conservait un récit de la mort de ses martyrs.
Le Symbole des apôtres, en exprimant la foi dans la ›communion des saints’, évoque l’Église comme la communauté de tous les croyants, qu’ils soient vivants ou morts, tous appelés par Dieu et transformés dans le Christ et l’Esprit. Faire mémoire des saints lors de la liturgie est donc tout à fait légitime.
Lors de certaines persécutions, le nombre des martyrs fut si grand que seuls les plus connus restèrent dans les mémoires. Les autres étaient honorés à l’occasion d’une fête de Tous les Martyrs, attestée dès le Ve siècle.
La fête de Tous les saints fut d’abord célébrée le dimanche après la Pentecôte. Le 13 mai 610, le pape Boniface IV transforma en église le Panthéon de Rome qu’il dédia à Marie et aux Martyrs et fit de ce jour la fête de tous les saints. En 835, le pape Grégoire IV en fixa la date au 1er novembre. Cette célébration devint rapidement une solennité commune dans toute l’Europe latine. MP
Toussaint et Fête des morts
La célébration de Toussaint fut suivie localement d’un office des morts dès le IXe siècle. En 998, les moines de Cluny instituèrent une fête des trépassés le 2 novembre, qui entra dans la liturgie romaine comme commémoration des fidèles défunts au XIIIe siècle.
Cependant, du fait qu’en de nombreux pays, le 1er novembre est un jour férié, l’usage s’est établi de commémorer les morts le jour de la Toussaint en se rendant notamment dans les cimetières décorés et fleuris pour l’occasion.