Tim Walz, colistier de K. Harris, un luthérien «très à gauche»
Le gouverneur du Minnesota Tim Walz a été choisi le 6 août 2024 comme colistier de la candidate démocrate Kamala Harris dans la course à la présidence. Mais quelles chances a ce luthérien très progressiste de séduire l’électorat religieux, notamment catholique?
Tim Walz aime se présenter comme «un papa luthérien du Minnesota» (Minnesotan Lutheran Dad). Marié et père de deux enfants, il se décrit comme un défenseur de la famille et un chrétien pratiquant. Il est en même temps proche du lobby des armes, notamment de la puissante National Rifle Association (NRA), un engagement plutôt insolite pour un démocrate.
Ce profil «d’habitant typique du Midwest» pourrait en partie expliquer sa présence sur le ticket démocrate pour la présidentielle du 5 novembre. Une tentative probable de grappiller des voix dans les milieux conservateurs pas totalement convaincus par le trumpisme.
L’aspect «républicano-compatible» de Tim Walz apparaît cependant mineur comparé à sa politique globalement «très libérale», selon l’acception américaine. Une vision du monde certainement en phase avec ses affiliations religieuses. Il est en effet membre de l’Evangelical Lutheran Church in America (ELCA). Né de parents catholiques, le politicien a adopté à l’âge adulte la foi luthérienne, très répandue dans le Minnesota, un État où se sont établis de nombreux colons originaires de Scandinavie.
«Abortion-friendly»
L’ELCA est connue pour ses positions très progressistes sur diverses questions de société. Cette Église ordonne notamment des femmes et des personnes LGBTQ+, soutient le mariage pour tous et s’engage activement pour la justice sociale. Elle constitue une frange «très à gauche» de la communion luthérienne et du christianisme américain, en général plutôt conservateur.
Beaucoup de positions de Tim Walz se retrouvent ainsi en porte-à-faux avec l’enseignement catholique et les principes de la Conférence des évêques catholiques américains. Le principal point de désaccord étant probablement l’interruption de grossesse, à laquelle l’Église catholique américaine est traditionnellement très hostile.
«Il est évident que M. Walz n’a pas une vision catholique de la personne humaine» – Rachel Lu
«La position de M. Walz sur l’avortement a été claire et sans compromis tout au long de sa carrière politique. Il souhaite que l’avortement soit accessible à tous, à tout moment et pour n’importe quelle raison», commente le magazine jésuite America. En tant que gouverneur du Minnesota, Tim Walz a supprimé tout financement public pour les centres d’aide aux femmes enceintes, ainsi que les protections pour les enfants nés vivants après une tentative d’avortement. Il a également promu activement son État comme «abortion-friendly», appelant les résidentes d’États plus restrictifs à venir dans le Minnesota pour le pratiquer plus aisément. Les IVG dans cet État du Midwest ont ainsi augmenté de près de 40% au cours des dernières années.
Option pour l’éducation
D’autres domaines de désaccord concernent l’euthanasie, les technologies de reproduction artificielle et l’idéologie du genre, sur lesquels le peut-être futur vice-président prône une presque totale dérégulation. «Il est évident que M. Walz n’a pas une vision catholique de la personne humaine et qu’il ne partage pas le point de vue catholique sur la meilleure façon de protéger la dignité humaine», affirme dans America Rachel Lu, une auteure et mère de famille catholique résidant dans le Minnesota.
Un aspect susceptible de rapprocher le sénateur du catholicisme pourrait tout de même être son option très forte en faveur de l’éducation et de l’enfance. Tim Walz a déclaré vouloir faire du Minnesota «le meilleur État du pays pour le développement des enfants». L’État offre notamment de généreuses exemptions fiscales pour les enfants et a mis en place des petits-déjeuners et déjeuners gratuits pour tous les écoliers.
Les écoles catholiques fâchées
Mais l’attitude positive envers l’éducation du colistier de Kamala Harris semble se limiter au secteur public. Tim Walz s’oppose au principe de libre choix des écoles, préférant un système unique. Une option dont le corollaire est une mise à l’écart des institutions éducatives confessionnelles. «Il a fait tout son possible pour exclure les écoles religieuses de la participation à un programme national conçu pour aider les lycéens à obtenir des crédits universitaires», souligne Rachel Lu.
Le parti démocrate au Minnesota a récemment fait pression en faveur d’une législation interdisant la discrimination fondée sur «la race, la couleur, l’origine nationale, l’ascendance, le handicap ou le sexe – y compris la grossesse, les résultats de la grossesse, l’identité de genre, l’expression de genre et l’orientation sexuelle», excluant de cette liste l’appartenance religieuse.
«Tim Walz a été l’un des nombreux gouverneurs à imposer des restrictions au culte dans son État au cours des premiers mois de la pandémie»
Cet oubli «significatif» a poussé les communautés religieuses à se coordonner pour la défense potentielle de leurs droits et de leur autonomie. D’une manière générale, sa politique favorisant l’école publique a mis en difficulté les institutions catholiques, particulièrement présentes et développées dans le Minnesota.
Liens avec l’islam
Sur la relation avec les religions, Tim Walz cultive quelques contradictions. Lorsque des manifestations ont éclaté après le meurtre de George Floyd par un policier, en mai 2020 à Minneapolis (la capitale du Minnesota), le sénateur s’est réuni avec des chefs religieux de l’État, dans l’espoir d’endiguer les affrontements violents entre les manifestants et la police, relate le portail américain Religion News Service (RNS).
Le démocrate s’est également montré proche de la population musulmane, nombreuse dans le Minnesota. Il a régulièrement participé à des dîners d’iftar et à des célébrations de l’Aïd al-Fitr. Il a pris la parole lors d’événements organisés par des sections locales du Conseil des relations américano-islamiques et d’autres associations luttant contre l’islamophobie.
Il ne s’est en revanche pas forgé que des sympathies dans les milieux religieux lors de la crise du Covid-19. Tim Walz a été l’un des nombreux gouverneurs à imposer des restrictions au culte dans son État au cours des premiers mois de la pandémie. Il a dû faire face à la résistance des communautés religieuses, en particulier des plus conservatrices, également luthériennes. Parallèlement, il a été beaucoup plus souple avec les autres secteurs d’activités, tels que l’économie et le commerce, ce qui lui a forgé une réputation de politicien anti-clérical.
Atout ou repoussoir pour le vote catholique?
Ces actions ont en tout cas laissé perplexes nombre de catholiques du Minnesota. Rachel Lu affirme ainsi: «M. Walz a un certain charme folklorique et peut passer pour un bâtisseur de consensus, mais en réalité, lui et son parti ont été très heureux de profiter d’une majorité d’un siège au Congrès pour faire avancer un programme culturel qui divise, menaçant l’autonomie des organisations religieuses qui nourrissaient les enfants bien avant que M. Walz ne conçoive son programme populaire.»
On peut ainsi douter que le profil du démocrate séduise largement les catholiques du pays, traditionnellement sensibles aux questions liées à l’avortement et à la liberté religieuse. Même si ses engagements marqués en faveur de la famille et de la justice sociale peuvent plaire à la frange plus «progressiste» de ces électeurs. (cath.ch/america/rns/ag/arch/rz)
Le premier vice-président luthérien?
Si le ticket démocrate était élu à la Maison Blanche, Tim Walz deviendrait le premier vice-président luthérien…ou le deuxième, suivant la manière dont on voit les choses. En effet, l’appartenance religieuse d’un précédent vice-président est sujette à controverse. Il s’agit de Hubert Humphrey, qui a épaulé le président Lyndon B. Johnson entre 1965 et 1969, remarque le Religion News Service (RNS). A l’instar de Tim Walz, Hubert Humphrey était un démocrate du Minnesota. Élevé dans une famille luthérienne, il a principalement fréquenté, au cours de sa vie, une église méthodiste. L’histoire américaine n’a pour autant connu aucun président luthérien. RZ