Terre Sainte: Nouvelle attaque contre la présence chrétienne
Les patriarches et les chefs des Églises chrétiennes en Terre Sainte se mobilisent contre la volonté d’Israël d’imposer aux Eglises de nouvelles taxes, dénonçant une «attaque coordonnée» contre la présence chrétienne en Terre Sainte.
Alors que la guerre et ses conséquences économiques pèsent lourdement sur toutes les Églises de Terre Sainte, plusieurs municipalités israéliennes ont engagé des procédures visant à taxer leur patrimoine, dénonce le site terresainte.net. Les représentants des Églises visées ont co-signé une lettre au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu pour exiger l’arrêt de ces tentatives et la résolution définitive d’une question qui n’en finit pas d’irriter les relations avec les autorités israéliennes.
Respect mutuel piétiné par les autorités israéliennes
Dénonçant «une nouvelle tentative des autorités de chasser la présence chrétienne de la Terre Sainte» et un «piétinement d’un respect mutuel existant jusqu’à présent», les signataires appellent le gouvernement à «prendre toutes les mesures en son pouvoir pour alerter les municipalités des conséquences de leurs actions et à leur ordonner d’annuler les procédures judiciaires et de recouvrement en cours».
De prétendues dettes fiscales
Dans cette lettre commune, les chefs des Églises catholique, grecque orthodoxe et arménienne orthodoxe de Terre Sainte affirment que cette démarche bouleverse un statu quo vieux de plusieurs siècles.
Cette protestation, qui a fuité dans la presse, est une réponse aux procédures initiées par plusieurs grandes municipalités israéliennes, notamment Jérusalem, Tel Aviv-Jaffa, Nazareth et Ramla. Ces dernières réclament aux Églises le paiement de prétendues dettes fiscales et ont envoyé des lettres de mise en demeure ou saisi les tribunaux pour y parvenir.
Le statu quo remis en cause
Les Églises, en raison de l’existence d’un statu quo reconnu depuis des lustres, soutiennent qu’elles sont exemptées de toutes taxation depuis une époque qui remonte au moins jusqu’à la souveraineté ottomane en Terre Sainte (début du XVIe siècle). Ces dispositions ont été entérinées par des traités internationaux successifs jusqu’au plan de partage de la Palestine adopté en 1947. La Jordanie, souveraine à Jérusalem-Est jusqu’en 1967, n’avait pas non plus levé cette exemption.
Les autorités israéliennes affirment que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux lieux de cultes stricto sensu et ne concernent pas les biens affectés aux nombreuses autres activités des Églises comme l’hôtellerie, la restauration ou le commerce de souvenirs. Elles évoquent aussi une distorsion de concurrence nuisible aux professionnels israéliens et une importante perte de recettes fiscales.
Fermeture de la basilique du Saint-Sépulcre en 2018
La municipalité de Jérusalem est aux avant-postes de ce litige, note terresainte.net: sa population est une des plus pauvres du pays et une large part (juifs ultra-orthodoxes, palestiniens) n’est donc pas imposable. Nir Barkat, alors maire de Jérusalem, s’était engagé dans un bras de fer avec les Églises dès 2018 pour taxer leurs «bien fonciers non cultuels» pour un montant de 650 millions de shekel (plus de 162 millions d’euros), allant jusqu’à ordonner le gel de leurs comptes bancaires.
Leurs représentants s’y étaient fermement opposés, allant jusqu’à fermer la basilique du Saint-Sépulcre en février 2018 en signe de protestation. Face à un tollé aux répercussions mondiales, Benyamin Netanyahu avait dû personnellement reprendre le dossier, écarter les prétentions du maire et nommer un médiateur chargé de résoudre définitivement cette question.
Quid des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l’État d’Israël ?
Six ans après, force est de constater que rien n’est réglé. Un dialogue est pourtant officiellement en cours depuis l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l’État d’Israël, mais ce dernier ne respecte toujours pas ses engagements de réciprocité.
Signé en 1993, cet «Accord fondamental» dispose «l’établissement de négociations sur les problèmes de propriété et les questions économiques et fiscales» entre les parties. L’Église catholique évoquait déjà en 2018 ce contentieux de fiscalité locale comme une des raisons qui ralentissait l’aboutissement des tractations.
Sans parler de persécution, le ton de la lettre des chefs des Eglises exprime une interrogation sur des mesures qui conduiraient les communautés religieuses à quitter l’Etat d’Israël. Au-delà des seules institutions, cette «attaque générale contre les Églises et tous les chrétiens qui considèrent Jérusalem comme leur foyer spirituel» pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour des populations déjà très fragilisées. Cette exemption permet en effet aux Églises de Terre Sainte «d’investir massivement dans les services qui profitent à toute la société. Cela inclut des écoles construites et gérées par les Églises, des jardins d’enfants, des hôpitaux, des couvents, des églises, des maisons de retraite et d’autres activités diverses qui complètent le travail de l’État lui-même».
Alors que les responsables israéliens ont tenté de faire passer ce désaccord pour une simple question financière de routine, les Églises déplorent que cette reflète une intolérance croissante à l’égard de la présence chrétienne en Terre Sainte. (cath.ch/ terresainte.net/be)