Tensions au sein de l’Eglise en Chine
La tension monte au sein de l’Eglise catholique en Chine. Tandis qu’une nouvelle session de négociations entre le Saint-Siège et le gouvernement chinois doit avoir lieu dans les prochains jours, des rangs de la partie ‘clandestine’ de l’Eglise surgissent des évêques qui n’ont pas été nommés par le pape.
Chacun sait que l’Eglise catholique en Chine est divisée en une partie ‘officielle’ s’accommodant de la tutelle de l’Association patriotique des catholiques chinois, et d’une partie ‘clandestine’ qui refuse d’avoir affaire avec cette structure conçue par le pouvoir communiste chinois pour contrôler l’Eglise. De fait, les choses pourraient être encore plus compliquées, rapporte l’agence d’information «Eglises d’Asie».
Toutes les tentatives issues des catholiques chinois pour parvenir à une unité dépassant la division ‘officiels’ – ‘clandestins’ se sont heurtées systématiquement aux manœuvres du pouvoir en place. L’apparition publique récente d’un évêque ‘clandestin’, mais non reconnu par Rome, vient compliquer les affaires.
L’apparition publique de Mgr Paul Dong Guanhua qui s’est présenté comme évêque de Zhengding, un diocèse important de la province du Hebei, suscite nombre d’interrogations. Le Père Paul Dong Guanhua a annoncé qu’il avait été ordonné évêque en 2005 en secret par Mgr Casimirus Wang Milu, évêque jusqu’en 2003 de Tianshui, un diocèse de la province du Gansu. Le problème est que Mgr Wang Milu est connu depuis longtemps pour ne pas avoir toute sa tête, raison pour laquelle il lui avait été demandé de quitter la direction de son diocèse en 2003. Lorsque Rome a eu vent de cette ordination, menée sans son assentiment préalable, il avait demandé au P. Dong de ne pas exercer un quelconque ministère épiscopal. Pendant plusieurs années le Père Dong s’est conformé à ces instructions. Mais en mai dernier, il a commencé par rendre publique son ordination épiscopale et en septembre il est apparu portant la mitre et la crosse.
Excommunication «latae sententiae»
La réponse de l’évêque légitime de Zhengding, Mgr Julius Jia Zhiguo, évêque ‘clandestin’ nommé par le pape mais non reconnu par Pékin, n’a pas tardé. Le 13 septembre, Mgr Jia a publié un communiqué annonçant l’excommunication « latae sententiae » (automatiquement encourue par l’acte posé) du Père Dong pour avoir accepté la consécration épiscopale sans mandat pontifical.
De son côté, le Père Dong affirme que son ordination épiscopale est licite et légitime car menée selon les dispositions spéciales accordées par Rome aux évêques chinois dans les années 1980. Ces dispositions prévoyaient qu’en cas de persécution, les évêques pouvaient nommer et ordonner leurs successeurs sans en référer au préalable au pape. Ces dispositions ont toutefois été révoquées en 2007 par la Lettre aux catholiques chinois du pape Benoît XVI.
Selon diverses informations, entre cinq et dix évêques ont été ordonnés ces dernières années au sein des communautés ‘clandestines’ de Chine sans que le pape n’ait donné son assentiment. Ils se rajouteraient aux trente évêques ‘clandestins’ jusqu’ici dénombrés en Chine continentale.
Une des raisons qui pourrait avoir poussé le Père Dong à afficher aussi publiquement son épiscopat est que, selon des sources ecclésiales concordantes, une nouvelle session de négociations entre Rome et Pékin se prépare. Depuis juin 2014, les délégations du Saint-Siège et de la Chine se sont réunies au moins six fois pour trouver des solutions à la situation complexe de l’Eglise en Chine. Elles devraient se rencontrer à nouveau d’ici à la fin octobre. Certains évoquent la clôture de l’année de la Miséricorde le 20 novembre comme une date possible pour que le pape François accorde son pardon aux huit évêques ‘officiels’ illégitimes.
Des négociations incomprises par certains dans l’Eglise
Pour une partie des catholiques ‘clandestins’, il est très difficile d’imaginer que le pape réintègre dans la communion de l’Eglise ces huit évêques ‘officiels’ sans faire de même pour les évêques ‘clandestins’ ordonnés sans mandat pontifical. Ces milieux ‘clandestins’ craignent que Rome accepte de conclure un accord avec Pékin qui ne garantisse pas la liberté religieuse à laquelle ils aspirent pour l’Eglise en Chine.
Le 5 octobre dernier, à l’issue de la traditionnelle audience place Saint-Pierre, le pape François a posé pour une photo devant un groupe de pèlerins chinois emmené par Mgr Joseph Xu Honggen, évêque de Suzhou, dans la province du Jiangsu. Evêque ‘officiel’, il est reconnu tant par Rome que par Pékin. Cette publicité a été très mal vécue par les milieux ‘clandestins’, qui y ont vu une affirmation du pouvoir de l’Association patriotique des catholiques chinois. Alors qu’au même moment, dans le diocèse de Wenzhou, Mgr Shao Zhumin était empêché par la police chinoise d’exercer son ministère d’évêque.
Pour certains observateurs, le risque est très réel de voir un schisme se produire au sein de l’Eglise en Chine. Un risque souligné depuis plusieurs années par le cardinal Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong. (cath/eda/mp)