Tchad: Les évêques dénoncent la répression d’une manifestation
La Conférence des évêques du Tchad (CET) a exprimé, vendredi 21 octobre 2022, sa «douleur» et son «amertume», après la répression meurtrière, la veille, d’une manifestation dans la capitale Ndjamena. La manifestation, qui se voulait pacifique, a entraîné la mort d’une cinquantaine de personnes, selon un bilan officiel. On dénombre en outre plus de 300 blessés et des nombreuses arrestations.
Il y a quelques semaines, le Tchad vivait dans l’espoir d’un changement à l’issue du «Dialogue national inclusif et souverain» (DNIS), qui avait débuté ses travaux le 20 août dernier, y voyant une opportunité de réconciliation pour ses fils et filles déchirés depuis des décennies. Jeudi 20 octobre, le Tchad a connu une violente répression sanglante des manifestants contre la prolongation de la transition et le maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Deby.
«Un sentiment de révolte dans la population»
Ces violences sanglantes se sont déroulées dans la capitale, déjà attristée par les récentes inondations qui ont frappé de nombreuses familles à Ndjamena et d’autres villes du pays. La manifestation, qui avait été interdite par les autorités, était organisée à l’appel des partis de l’opposition radicale et certaines organisations de la société civile pour dénoncer le maintien au pouvoir du président Mahamat Idriss Déby Itno. Les délégués du DNIS avaient, en outre, adopté par consensus, la prolongation pour deux ans encore, de la durée de la transition, qui a commencé en avril 2021 après l’assassinat du président Idriss Déby Itno.
Dans une interview accordée à Radio Vatican, Mgr Samuel Mbaïrabé Tibingar, vicaire général de l’archidiocèse de Ndjaména, a, de son côté, déploré que «le pouvoir en place avait fait la promesse d’un changement mais aujourd’hui rien n’est fait». L’on observe la volonté et le désir de certaines personnes de maintenir le même système pour leurs propres intérêts. «Tout cela a créé un sentiment de révolte». Pour l’abbé Mbaïrabé, ces manifestations «sont le signe d’une désolation totale, c’est le cri de désespoir d’une génération consciente qui réclame un changement».
Une fois de plus «le sang des filles et des fils du Tchad a coulé»
Pour la CET, une fois de plus «le sang des filles et des fils du Tchad a coulé». Dans un communiqué dont copie a été envoyée au correspondant de cath.ch en Afrique, les évêques ont exprimé leur «regret et indignation» face à cette situation qui a causé tant de pertes en vies humaines et matérielles. Ils ont dénoncé «des violences injustifiables contre une population déjà sinistrée par des inondations et proteste avec véhémence contre ces violations de la dignité humaine».
Le communiqué, signé du vice-président de la CET, Mgr Joachim Kouraleyo Tarounga, évêque de Moundou, au sud, a poursuivi: la CET est «vivement préoccupée par la situation du pays, et exhorte tous les acteurs politiques, ainsi que les forces de défense et de sécurité, à privilégier, dans toutes les circonstances, le dialogue sincère, le respect de la dignité et de la sacralité de la vie humaine». La CET a invité toutes les communautés et les institutions chrétiennes catholiques, les fidèles du Christ, les croyants, les hommes et les femmes de bonne volonté, «à prier sans cesse pour la réconciliation des cœurs afin de favoriser la paix dans le pays».
Tirs à balles réelles et actes de vandalisme
La communauté internationale, par la voix du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a déploré «l’usage des armes létales par les forces de l’ordre contre les manifestants» et «les meurtres par balles réelles». L’organisation onusienne a aussi fustigé la violence des attaques contre des biens commises par des manifestants. Le HCDH a lancé un appel au calme et à la retenue.
Au niveau local, «Le Tchad d’abord», une coalition de 69 organisations et associations de la société civile a critiqué «l’engagement de certaines organisations de la société civile dans des actions ayant une portée politique». Lors d’un point de presse, son coordonnateur, Mahamat Saleh Moussa, a rappelé qu’il «est primordial de respecter l’autorité de l’Etat, en évitant de braver les interdictions et les consignes données», tout en condamnant «fortement» les violences exercées sur les manifestants, ainsi que les actes de vandalisme, a rapporté le site Tchad infos.
Les avocats du Barreau du Tchad, dans un communiqué publié le 23 octobre, ont, pour leur part, déploré «les pertes en vies humaines, les exécutions sommaires, les arrestations arbitraires et tortures, les enlèvements et déportations ainsi que les destructions des biens tant des personnes privées que de l’Etat». (cath.ch/vaticanews/ibc/be)