L'ambassade de République de Chine (Taïwan) au Vatican | Wikimedia Commons / Astrotrain
International

Taïwan pourrait être la clé de la diplomatie sino-vaticane

L’échéance du renouvellement de l’accord provisoire conclu en septembre 2018 par le Saint-Siège et la République populaire de Chine approche à grand pas. Si la situation de la population catholique en Chine populaire est évidemment au cœur des échanges entre les deux pays, la question de Taïwan, dont le Saint-Siège est un des rares «alliés» sur la scène internationale, pourrait être le cœur des pourparlers.

Si les négociations sont bien entendu tenues confidentielles par les deux parties, les deux mois de l’été 2020 constituent leur dernière opportunité pour tenter de donner suite à l’avancée effectuée ces deux dernières années, entre le Saint Siège et le pays le plus peuplé au monde. L’installation d’un nouvel archevêque à Taipei le 18 juillet 2020 semble en être un signe.

En trouvant un terrain d’entente avec la diplomatie de Xi Jinping le 22 septembre 2018, le Saint-Siège mettait fin à une trentaine d’années de pourparlers visant à réouvrir un canal avec la Chine populaire. En 1951, le Parti communiste chinois avait rompu les échanges diplomatiques : le pape Pie XII, particulièrement critique vis-à-vis du régime de Mao Zédong, avait alors relocalisé son ambassade sur l’île de Taïwan, où le gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-chek s’était réfugié avec de nombreux catholiques chinois qui craignaient le courroux du régime athée.

La donne change vingt ans plus tard pour le Saint-Siège, après la reconnaissance en 1971 de la République populaire de Chine comme seul représentant au siège chinois du Conseil permanent de l’ONU. Alors que la plupart des pays mettent fin à leurs relations avec la République de Chine (nom officiel de Taïwan), le Vatican y maintient sa nonciature. Mais le cardinal australien Edward Cassidy, nommé en 1970 et muté en 1973, n’est pas remplacé. Le Vatican, désormais conscient de la nécessité de renouer avec Pékin, afin de venir notamment au secours des catholiques opprimés par le régime, affirme à partir de ces années que sa présence sur l’île n’est plus que pastorale, et non diplomatique.

Un atout pour le Saint-Siège

La Chine refusant d’ouvrir toute relation diplomatique avec un État ayant des liens diplomatiques avec Taïwan – qu’elle considère comme une de ses provinces, dirigée par un gouvernement séparatiste – la réouverture des discussions reste malgré tout un défi très difficile pour le Saint-Siège. De ce point de vue, l’accord de 2018 représente une indéniable avancée. Mais le lien qui unit historiquement Taïwan et le Saint-Siège, malgré les précautions de la Secrétairerie d’État, a certainement joué en la faveur du rapprochement. 

La présidente taïwanaise, Tsai Ing-Wen, ouvertement opposée à une réunion avec la Chine populaire, a invité à deux reprises le pape François à se rendre sur son île, en mars 2018 et 2019. En 2018, Greg Burke, alors directeur de la Salle de presse du Saint-Siège avait affirmé qu’un tel déplacement n’était «pas à l’étude». Un geste que Pékin a toutes les raisons d’apprécier, tant un tel voyage apostolique constituerait un soutien de poids majeur pour Taïwan.

Un nouvel archevêque plus conciliant ?

Le nouvel archevêque de Taipei, Mgr Thomas Chung An-zu, installé le 18 juillet dernier remplace Mgr John Hung Shan-chuan. Ce dernier s’est publiquement exprimé contre l’accord de 2018, et sa renonciation (à l’âge de 76 ans), acceptée par le pape François, pourrait être un nouveau geste d’apaisement de ce dernier afin de contenter la «Politique d’une seule Chine», si essentielle à l’administration de Xi Jinping. 

Dans un entretien accordé au South China Morning Post, le nouveau prélat taïwanais ce se montre beaucoup plus favorable aux discussions que son prédécesseur. Mais il dénonce aussi ouvertement le traitement réservé en Chine populaire aux catholiques de l’Église clandestine, non reconnue officiellement par le pouvoir. Celui qui est désormais à la tête de la des quelque 200’000 catholiques de Taïwan, affirme que les liens entre le pouvoir de Taipei et le Saint-Siège ne seront pas coupés, quoi qu’il arrive, et que ce statu quo pourrait aller de pair avec l’ouverture d’une nonciature à Pékin.

Si c’est là l’objectif affiché de l’administration du pape François, rien n’indique que Pékin soit prêt à accepter cette exception à sa politique diplomatique. On pourrait au contraire penser, alors que le pontife aurait choisi de ne pas s’exprimer sur la question hong-kongaise, que Pékin pourrait l’encourager à suivre la même voie vis-à-vis de Taïwan. Une offre qu’il est difficile pour le pape François de refuser, particulièrement dans le contexte d’intensification des persécutions religieuses initiée par le gouvernement de Xi Jinping, qui menacent aujourd’hui quelques 15 millions de catholiques chinois. (cath.ch/imedia/cd/mp)

L'ambassade de République de Chine (Taïwan) au Vatican | Wikimedia Commons / Astrotrain
23 juillet 2020 | 09:14
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 3  min.
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