Syrie: Les chrétiens, par peur des islamistes radicaux, soutiennent Assad

Comme il l’affirmait déjà en juin 2011 dans un entretien accordé à l’œuvre d’entraide catholique «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED), Mgr Antoine Audo soutient que 80% des chrétiens en Syrie sont derrière le président Bachar el-Assad.

Et l’archevêque chaldéen d’Alep d’estimer que s’il n’est pas sans responsabilité dans la tragédie qui ensanglante la Syrie depuis 5 ans, en cas d’élection, le président syrien rassemblerait la majorité des votes. Les chrétiens craignent en effet la prise de pouvoir par les islamistes radicaux.

Les groupes armés «n’ont pas l’appui du peuple»

L’archevêque chaldéen, de passage mercredi 16 mars 2016 à l’ONU à Genève, a affirmé que les groupes armés, composés de nombreux étrangers, «n’ont pas l’appui du peuple». Les communautés chrétiennes sont dans plusieurs endroits assiégées par les extrémistes islamiques.

Lors d’une conférence de presse, le prélat jésuite, président de Caritas Syrie, a rappelé l’exode des chrétiens de Syrie, qui quittent le pays en masse depuis le début de la guerre, passant de 1,5 million à peut-être 500’000. A Alep, la métropole du nord-ouest qui était avant la guerre le premier pôle économique du pays, les trois quarts des chrétiens – ils étaient 160’000 – ont quitté la ville.

Ceux qui restent sont confinés dans les quartiers sous contrôle gouvernemental. Mgr Audo souligne que les groupes armés s’en prennent dans plusieurs régions de Syrie aux sites chrétiens dans le but de déstabiliser la population. Ils ont visé les trois cathédrales d’Alep, qui ont été fortement endommagées. L’archevêque salue cependant la fragile trêve qui a permis d’apporter de l’eau et de l’électricité à la population assiégée.

A Alep, l’embellie n’a duré que quelques jours

«Malheureusement, l’embellie n’a duré que quelques jours. Puis les snipers ont repris leur sale boulot, tuant des civils innocents», dénonce pour sa part le médecin Nabil Antaki, membre de la communauté chrétienne des Maristes Bleus à Alep.

Dans une lettre en vue de Pâques publiée par l’ONG catholique française «Œuvre d’Orient», qui soutient l’action des Maristes Bleus à Alep, le docteur Antaki affirme que le cessez-le-feu entré en vigueur il y a deux semaines a poussé les gens à l’optimisme.

«Les premiers jours, le cessez-le-feu a été respecté; le bruit des oiseaux au réveil a remplacé le bruit des bombes. L’électricité et l’eau sont revenues pendant deux jours après une interruption totale de plusieurs mois. Les habitants d’Alep ont passé des nuits blanches à faire la lessive, à prendre un bain, à remplir leurs réservoirs d’eau de peur que l’approvisionnement en eau et en électricité ne soit que temporaire, comme ça avait été le cas à plusieurs reprises dans le passé».

Le groupe terroriste al-Nosra pas concerné par la trêve

Le responsable des Maristes Bleus écrit que les obus de mortiers ont recommencé à pleuvoir sur certains quartiers, le groupe terroriste al-Nosra, la section locale d’al-Qaïda, tenant la partie Est de la ville n’étant pas concerné par la trêve.

«L’approvisionnement en eau et en électricité a été de nouveau interrompu. Même s’il devait être rétabli, les Alépins savent que le régime de rationnement va reprendre, l’eau un jour par semaine et l’électricité deux heures par jour».

Dans son courrier, le médecin alépin relève que le cessez-le feu, pas toujours respecté, concerne l’Etat syrien et une centaine de groupes rebelles, «mais pas les deux principaux,  considérés unanimement comme terroristes». Et de relever que la seule route qui relie Alep au reste du pays a été coupée pendant huit jours suite aux attaques de groupes armés, «avec comme conséquence l’arrêt de l’approvisionnement des produits essentiels, et ceci à quelques jours du triste cinquième anniversaire du début de la guerre en Syrie».

La classe moyenne vit dans la misère

Les Maristes bleus se demandent si cette trêve signifie le début de la fin du cauchemar et si le cessez-le feu est le prélude à une solution politique prochaine. «Va-t-on finalement nous laisser vivre de nouveau en paix entre nous, Syriens, comme nous l’avons fait depuis des siècles ? Faut-il être optimistes et espérer ou réalistes et dans l’expectative ? Ces questions, pour le moment, sans réponses, les Syriens en général et les Alépins en particulier, se les posent à longueur de journée».

Mgr Audo note pour sa part que plus de 80% de la population syrienne, même les personnes les plus qualifiées comme les médecins ou les ingénieurs, ont perdu leur emploi. «Si la classe moyenne, jusqu’à récemment, était pauvre, maintenant elle vit dans la misère». (cath.ch-apic/aed/orj/oeuvreorient/be)

 

 

Mgr Antoine Audo, archevêque chaldéen d'Alep
17 mars 2016 | 11:33
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 3  min.
al-Nosra (9), Alep (44), Antoine Audo (4), Nabil Antaki (3), Syrie (437)
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