Synode sur la famille: Le vieillissement en Asie de l’Est inquiète l'Eglise catholique
Hongkong/Paris, 05.10.2015 (cath.ch-apic) Le déclin démographique qui affecte l’ensemble de l’Asie de l’Est inquiète les responsables de l’Eglise catholique dans la région. Que ce soit au Japon, en Chine, à Taiwan ou en Corée du Sud, la tendance est partout la même: la baisse de la natalité fait désormais sentir ses effets au point que des démographes évoquent un «hiver démographique» pour ces pays.
Alors que s’est ouvert à Rome la XIVème assemblée générale du Synode des évêques sur le thème «La vocation et la mission de la famille dans l’Eglise et le monde contemporain», qui se tient du 4 au 25 octobre 2015, les responsables de l’Eglise de l’Asie de l’Est s’inquiètent de ne pouvoir faire entendre leur voix sur ce sujet.
«Primat absolu donné au développement économique»
«Eglises d’Asie», le service d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP) relève que pour ces responsables, le vieillissement accéléré des populations n’est que le reflet d’une fragilisation profonde des liens familiaux, qui elle-même découle d’un primat absolu donné au développement économique.
Si la dénatalité qui affecte le Japon est une réalité bien connue (l’archipel a perdu 215’000 habitants en 2014 et c’est la quatrième année consécutive que le pays voit sa population baisser), le déclin démographique est un fait qui affecte l’ensemble de l’Asie de l’Est. Selon le China Daily du 29 septembre dernier, du fait d’une natalité en baisse, la Chine populaire pourrait connaître son pic de population dès l’année 2017.
Comme le veut la règle, les Eglises locales ont envoyé à Rome un certain nombre de délégués pour ce synode. Les Eglises du Japon, de Taiwan et de Corée du Sud étant de «petites» Eglises, elles n’envoient à Rome qu’un seul évêque chacune. Parmi les 45 noms qui ont été rajoutés à la liste des Pères synodaux par le pape François le 24 juillet dernier, ne figure aucun évêque d’Asie de l’Est.
Pas de représentant de Hongkong, ni de Chine continentale
Par ailleurs, Hongkong, dont le statut est particulier car ce diocèse ne fait pas partie d’une conférence épiscopale constituée, n’envoie personne à Rome. Le cardinal John Tong Hon, 76 ans, avait participé au Synode extraordinaire sur la famille de 2014, mais cette année, parce qu’il a passé l’âge des 75 ans, il ne peut y participer. Enfin, l’Eglise de Chine continentale, du fait du contexte particulier qui est le sien, n’envoie personne à Rome.
Cité par l’agence de presse catholique asiatique Ucanews, le Père Peter Liu, un prêtre du Guangxi, région du Sud de la Chine, estime que «le Synode est une réalité bien éloignée» des préoccupations des catholiques de Chine. Il se désole de ce constat, expliquant que «de nombreuses contraintes politiques» s’exercent sur l’Eglise de Chine, mais il ajoute que les besoins en matière de pastorale familiale sont grands. Les quelque 10 millions de catholiques chinois vivent les mêmes difficultés que l’immense majorité non chrétienne de la population chinoise.
3,63 millions de couples ont divorcé en Chine populaire l’an dernier
Selon les statistiques du ministère des Affaires civiles, 3,63 millions de couples ont divorcé en Chine populaire l’an dernier – un chiffre en forte hausse par rapport à celui relevé en 2011 (2,67 millions de divorce). Les études montrent que le taux de divorce grimpe aussi vite que l’économie croît.
Des millions de migrants laissent leurs enfants et/ou leur conjoint au village pour trouver à s’embaucher dans les villes. Dans ces dernières, les concubines ont fait leur réapparition, sous le vocable d’»épouse n°2» ou d’»épouse n° 3», et celles-ci sont désormais entretenues comme un signe de réussite sociale et financière. Partout, la cellule familiale est mise à dure épreuve.
En Chine, les concubines ont le titre d’»épouse n°2» ou d’»épouse n° 3»
Ces bouleversements rapides touchent également les familles catholiques. Au Hebei, province qui compte un relativement grand nombre de catholiques, le Père Joseph He, curé de paroisse, constate qu’un couple sur dix, parmi ses ouailles, connaît de graves difficultés. «Parce qu’ils ne peuvent pas attendre des années [avant d’obtenir une éventuelle reconnaissance de nullité de leur mariage], ils se remarient sans tenir compte du droit canon».
En Chine continentale, ces dernières décennies, lorsqu’un couple souhaitait demander une reconnaissance de nullité pour son mariage, le dossier devait aller à l’officialité (tribunal ecclésiastique) du diocèse de Hongkong. Mais, avec l’augmentation du nombre des dossiers à traiter, ce dernier s’est trouvé engorgé.
Pour remédier à cette situation, différents diocèses du continent ont pris le temps de former des canonistes, mais ceux-ci sont encore trop peu nombreux et on ne compte aucun docteur en droit canon parmi eux. La réforme introduite le 8 septembre dernier par le pape François et la simplification des procédures amélioreront sans doute les choses, estime le Père Joseph He, mais il faudra du temps.
«Pour bien des fidèles, dans les familles catholiques traditionnelles, le mariage est pour la vie, explique-t-il. Si un divorce intervient, ils éprouvent un profond sentiment de honte et se gardent de revenir à l’église. Même les parents des époux divorcés s’abstiennent de recevoir la communion».
Inquiétante augmentation des divorces chez les personnes âgées
A Hongkong, où le divorce est depuis bien des années une réalité, sinon banale du moins statistiquement significative, l’Eglise fait face à des problèmes quelque peu différents. «Le divorce et la question du remariage ne concernent pas que le fait de pouvoir ou non communier. C’est toute la pastorale qui est concernée», explique Kevin Lai, secrétaire général de la Commission diocésaine pour le mariage et la famille.
Les réponses des catholiques hongkongais au questionnaire envoyé par le diocèse en amont du Synode qui s’est ouvert à Rome le montrent: on constate une inquiétante augmentation du nombre des divorces chez les personnes âgées. Le phénomène s’explique ainsi: Hongkong figure parmi les villes où les prix de l’immobilier sont les plus élevés au monde. Une des conséquences de ce coût du logement est que, bien trop souvent, les couples ne perçoivent leur union que comme une alliance bien comprise en vue de prospérer financièrement.
«Quand, l’âge venant, les couples se mettent à vivre 24h sur 24 ensemble, une fois à la retraite et les enfants partis, ils se trouvent à ne pas ressentir de l’affection l’un pour l’autre. Ils jugent qu’ils ont fait leur devoir et c’est alors qu’ils pensent à se séparer», explique Kevin Lai.
Lenteur de l’Eglise à moderniser sa pastorale
A Taiwan, qui comme Hongkong est une société chinoise hautement développée, c’est la lenteur de l’Eglise à moderniser sa pastorale qui est pointée du doigt. Cecilia Li est engagée dans le conseil auprès des couples catholiques. Elle déplore que «trop souvent, l’Eglise se limite à des approches anciennes et datées: quand des problèmes surgissent dans un mariage, certains catholiques vont conseiller la patience aux personnes concernées, l’objectif étant de préserver avant tout la sainteté du mariage, mais sans prendre en considération la situation réelle des personnes». Les enseignements du pape Jean Paul II sur la famille et la théologie du corps sont encore trop méconnus, souligne-t-elle.
Du Japon, un pays où les mariages mixtes sont la norme plus que l’exception au sein de la petite communauté catholique, les évêques envoient à Rome un message radical à propos de l’accès à la communion des divorcés-remariés civilement. «Serait-il possible d’offrir aux personnes une période de repentance et de purification durant laquelle elles pourraient témoigner de leur engagement à vivre selon la foi chrétienne ?», demandent-ils dans le document envoyé à Rome avant l’ouverture du synode.
Enfin, en Corée du Sud, le Père Lee Jeong-joo, porte-parole de la Conférence épiscopale, estime qu’opposer «conservateurs» et «progressistes» sur ces questions n’aide pas à faire progresser l’Eglise. Il note que dans un pays où le taux de fécondité se situe au plus bas (1,1 enfant par femme en âge de procréer), ce que les catholiques et l’Eglise doivent rechercher, ce n’est pas à se conformer à l’image d’une «famille idéale», mais à fixer le regard sur «la famille de Dieu» telle qu’elle est présentée dans la Bible. (apic/eda/ra/be)