Philippe Becquart introduit la séance avec la délégation suisse du Synode, 30 avril 2024 | © Lucienne Bittar
Suisse

Synode, quand laïcs et évêques parlent sur un pied d’égalité

Vu de loin, le synode sur la synodalité peut passer pour une grosse «machine» de l’Église. Mais pour les deux délégués suisses, Mgr Felix Gmür et Helena Jeppesen, et pour la facilitatrice Claire Jonard, l’assemblée à Rome a été avant tout une fabuleuse expérience de fraternité et de partage libre de la parole. Ils ont en témoigné, le 30 avril 2024, à la Paroisse Saint-Joseph de Lausanne.

«La première impression qui me reste de l’assemblée synodale d’octobre 2023, c’est celle d’un mois de partage», lance d’entrée de jeu Mgr Félix Gmür, évêque de Bâle. Un avis partagé par Helena Jeppesen, de l’Action de Carême, et par Claire Jonard, coordinatrice pour le Centre romand des vocations (CRV).

Venus témoigner à l’invitation de l’Église catholique dans le canton de Vaud devant une cinquantaine d’agent(e)s pastoraux de toute la Romandie, chacun d’entre eux a raconté «son» synode dont il ressort une belle constante: une rencontre internationale fondée sur l’écoute et la rencontre fraternelle. Détails qui ont leur importance, ni la soutane ni les discours magistériels n’ont été de mise à l’assemblée d’octobre 2023. «Tout le monde était en tenue normale, du quotidien, parce que la foi se vit au jour le jour, pas seulement le dimanche», a insisté Felix Gmür.

Un processus de travail égalitaire

Laïcs, hommes ou femmes, sœurs et évêques ont œuvré par petits groupes, sur un pied d’égalité, grâce à la méthode de travail synodale mise en place. «Quand j’ai été choisie pour faire partie de la délégation suisse, j’ai été très touchée… puis j’ai été traversée par le doute», relate Helena Jeppesen. «L’Église catholique est extrêmement hiérarchique, souvent cléricale et loin des préoccupations du monde. Je me suis demandée si elle pouvait vraiment se transformer. Puis je me suis dit qu’il n’y a pas de meilleur lieu que Rome pour influencer les décisions de l’Église universelle. C’est toujours là qu’elles sont  prises. Ni de meilleure occasion, grâce au processus participatif lancé par le pape François pour la première fois de l’histoire de l’Église.»

Une cinquantaine d’agent(e)s pastoraux de toute la Romandie sont venus écouter les trois témoins | © Lucienne Bittar

Une circulation libre de la parole

Une fois sur place, les 54 femmes venues des quatre coins du monde se sont mutuellement encouragées à s’exprimer. «J’étais à la même table que l’archevêque italien Bruno Forte, qui a écris je ne sais combien de livres de théologie. Vous imaginez! Mais la belle chose avec la méthode de travail suivie par l’assemblée, c’est que chacun avait le même temps de parole», qu’il soit cardinal, évêque ou laïc.

Garante justement de l’application de cette méthode d’échanges pour les tables dont elle a été la «facilitatrice» à Rome, Claire Jonard abonde. «Chacun a été amené à partager son expérience théologique, c’est-à-dire comment Dieu lui parle à partir de sa réalité pastorale», sans que certains soient considérés comme de meilleurs experts que d’autres. Il en est aussi ressorti une circulation très libre de la parole, sans crainte de jugement, ont assuré les trois témoins.

Le visage de l’Église universelle

Ils se sont retrouvés encore sur une autre expérience commune, belle et forte: celle de la ‘matérialité’ de l’universalité de l’Église. «Durant le processus synodal, on a discuté à la base, dans les paroisses, dans les diocèses, dans les conférences épiscopales, et enfin on l’a fait en octobre au Vatican, au niveau de l’Église universelle. Je ne pense pas qu’il y ait d’organisation internationale qui planifie ainsi son avenir!» s’est exclamé Helena Jeppesen. Et de citer le cardinal autrichien Christoph Schönborn, déclarant que c’était le plus beau synode qu’il avait vécu, car «le peuple de Dieu était là».

Pour Claire Jonnard, tous les coins de la planète ont été représentés au Synode. «C’était très impressionnant. Des réalités de pays qu’on ne connaît pas du tout ont émergé, ou des préoccupations qu’on ne peut pas imaginer. Un évêque de Madagascar m’a dit: ›Je m’inquiète parce que mon peuple ne mange qu’une fois tous les deux jours.’»

Un condensé de la réalité du monde

Beaucoup des participants à l’assemblée de Rome portaient du reste avec eux «la souffrance des peuples», a souligné la facilitatrice. «A première vue, il doit bien y avoir 50% des pays du monde où les gens souffrent de la faim, de la migration ou de la guerre et où l’Église se fait très proche de ces personnes. Il y a eu beaucoup de témoignages dans ce sens.»

De g. à d.: Mgr Gmür, Isabelle Vernet, Helena Jeppesen et Claire Jonard | © Lucienne Bittar

Mgr Gmür s’est dit ainsi particulièrement frappé par Luca, «qui travaille auprès des victimes de la mer Méditerranée». «Une personne exceptionnelle, qu’on ne voit pas forcément le dimanche à l’Église.» Il y avait aussi à l’une de ses tables un évêque auxiliaire d’Ukraine. «Parfois il était un peu loin, auprès de ses paroissiens et paroissiennes, de sa famille, de ses amis, car sa patrie était en guerre.» Il a aussi échangé avec des évêques des Églises orientales, inquiets de la guerre qui venait d’éclater en Terre Sainte.

«Cela m’a interpellé sur le plan de l’évangélisation», a remarqué l’évêque suisse. Qui se demande comment porter le message du Christ dans «l’Église bourgeoise de luxe» qui est le plus souvent la nôtre. «Parfois je me dis que c’est plus facile d’amener l’Évangile aux pauvres.»

Faire communauté en élargissant la fraternité

Une piste a été avancée pour amener les catholiques de Suisse à participer plus pleinement à l’évangélisation: la création de communautés œcuméniques et même laïques, dans laquelle l’Église se profilerait comme une participante parmi d’autres. Helena Jeppesen connaît bien les Philippines via son travail à Action de Carême. «Les communautés ecclésiales de base y sont très répandues. Mais durant le covid, l’Église a réalisé que cela ne suffisait pas pour répondre aux détresses. Les diocèses veulent construire aujourd’hui des communautés avec tous les gens du quartier, pas seulement les catholiques.» (cath.ch/lb)

Philippe Becquart introduit la séance avec la délégation suisse du Synode, 30 avril 2024 | © Lucienne Bittar
30 avril 2024 | 17:00
par Lucienne Bittar
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