Synode: L’Église s'ampute du Christ si elle n'écoute pas les pauvres
«Qui l’Église doit-elle apprendre à mieux écouter?», la question lancée par Françoise Gariazzo, en charge de la pastorale de rue et sociale de l’Église vaudoise, suscite l’étonnement. Thérèse trouve la question bizarre. La réponse sonne comme une évidence: «L’Église doit mieux apprendre à écouter Dieu pour savoir nous écouter. Ça va descendre vers les gens et elle saura ensuite mieux les écouter. Et peut-être que nous aurons une conversion».
«C’est marrant que l’Église pose cette question!», sourit Philippe. Il fut un enfant placé de force et Thérèse, d’origine congolaise au parcours de vie sinueux, participent ce jeudi après-midi au groupe de Parole qu’anime Françoise Gariazzo. Une fois par mois, l’agente pastorale, en charge de la pastorale sociale et de rue pour les UP La Venoge-l’Aubonne et Nyon-Terre Sainte, les retrouve à la cure catholique de Morges, avec d’autres personnes de tous horizons en situation de précarité.
Questions simplifiées
L’agente pastorale a profité de cette lectio divina pour reprendre trois des questions du document préparatoire au synode sur la synodalité. «En fait, j’ai trouvé un flyer au fond d’une église en Valais qui présentait une version simplifiée du grand questionnaire du synode». Une initiative qu’elle juge heureuse qui lui permet d’inclure des personnes en situation de précarité dans la démarche synodale que le pape François a lancée en octobre 2021.
Outre Philippe et Thérèse, Mathilde, retraitée d’origine de la République dominicaine, dont Françoise traduira les propos en espagnol et Mourad, franco-algérien et musulman, mais qui s’intéresse au christianisme et «croit à Jésus», sont venus «au groupe».
L’après-midi a débuté par un échange autour de la guérison de Bartimée par Jésus (Mc 10, 46-52). Françoise donne la parole à chacun. Les propos sont simples, on explique la signification de quelques mots. Les cris répétés de l’aveugle et son insistance à vouloir rencontrer Jésus, malgré la foule et les disciples qui font obstacle, ont touché les participants.
Qui fait partie de l’Église?
L’image est reprise durant la conversation qui suit à propos des questions que Françoise Gariazzo a sélectionnées. «Quand nous disons «l’Église», qui en fait partie?» «C’est la foule qui nous accompagne et qui nous sépare de Jésus et qui nous y mène aussi, assure Thérèse, Tous ces gens qui ne croient pas ou ne voient pas toujours Jésus».
«Les disciples de Jésus font partie de l’Église: En fait, c’est nous», avance Mathilde. Pour Philippe et Mourad, ce sont les gens qui ont la foi en Dieu.
A la question de savoir qui l’Église doit mieux écouter, Mathilde pense qu’elle doit apprendre à vivre la Parole de Dieu. «Écouter, insiste-t-elle, ce n’est pas entendre, c’est mettre en pratique cette Parole de Dieu», «… et c’est ce qui permettra qu’elle nous écoute mieux! L’Église s’est mise à la place de Dieu et elle a laissé faire des catastrophes. Il faut ramener l’Église à ses devoirs», renchérit Thérèse.
L’Église doit être la parole de Dieu
«Que voudriez-vous que l’Église fasse pour les gens?», demande ensuite l’agente pastorale. Mathilde aimerait que l’Église s’unisse. «Il faut que ‘ton problème soit mon problème’, c’est-à-dire que nous soyons plus concernés les uns par les autres». Thérèse demande à l’Église une plus grande cohérence entre les actes et les paroles; qu’elle amène, comme dans le texte étudié, les gens à cheminer jusqu’à Jésus plutôt que les écarter. «L’Eglise doit être la parole de Dieu et non celle des hommes».
Mourad se situe à l’échelle mondiale et estime que l’Église doit écouter l’humanité et surtout toucher le cœur des dirigeants, de sorte qu’on ait moins de guerres, de famines, de dictatures et que le monde se porte mieux. Même si le pape rencontre les dirigeants de la planète, «il ne peut pas faire de politique», estime Philippe. «Je parle des hommes et de leur foi, pas de la politique», précise Mourad.
Attentive à donner la parole à chacun, Françoise Gariazzo anime la discussion, pendant que Natacha, stagiaire en année de discernement pastoral, prend des notes. Hésitant à s’exprimer en présence d’un journaliste au début de la réunion, les participants se sont finalement pris au jeu des questions. Ils donnent leur point de vue sans scruter le bloc note et le stylo lorsqu’ils prennent la parole. Un café et des tranches de cake viennent clore la réunion qui aura duré deux heures et demie.
«Ici, on a notre place»
Thérèse a rencontré Françoise à la permanence-accueil de Caritas Nyon. Elle l’a suivie quand le groupe de Parole s’est mis en place en décembre 2018. «Ici on peut s’exprimer, on a notre place et on a ces échanges dans la foi». Elle se dit très touchée de participer au synode et pense que le pape est courageux de s’adresser aux gens malgré toute cette hiérarchie. «L’Église a étouffé la Parole et c’est dommage. On est un peu au ›garde à vous’». Elle aimerait discuter de l’homélie avec le prêtre, pouvoir échanger sur la Parole pendant la messe. «Mais ça n’arrive jamais».
Pas question de manquer un groupe de Parole pour Philippe. «Ici, je me sens écouté. Ce n’est pas l’Église qui m’a fait du mal, c’est la Confédération helvétique qui s’est défaussée sur les institutions qui nous ont placés».
Une foi simple
«Ces rencontres sont très nourrissantes pour moi. Ils ont une foi simple, qui me touche». Tout en rangeant la salle, Françoise se confie sur son ministère. Inutile de structurer les réunions complexes, «je dois être avec eux, c’est ce qui compte». Elle évoque des parcours de vie très difficiles. «Certains ont été cabossés par l’existence. Je dois composer avec les participants. Ils viennent ou pas. Ils s’expriment ou pas. C’est ainsi».
L’agente pastorale a déjà organisé une séance autour des questions du synode lors de la rencontre précédente. «Il faut mieux écouter le ›terrain local’ et pas seulement les instances supérieures», a répondu un participant. Cela renforce sa conviction que chacun a à donner quelque chose, où qu’il se situe. Il était essentiel à ses yeux que les personnes en situation de précarité soient incluses dans le processus synodal. C’est d’ailleurs le cas dans tous les cantons».
«L’Église s’ampute d’une possibilité de rejoindre le Christ si elle se coupe des plus pauvres», lance l’agente pastorale. Chercher à écouter les personnes en marge, délaissées, est capital pour que l’Église soit vraiment l’Église de toutes et tous. (cath.ch/bh)
Pastorale sociale et de rue
Dans l’Église catholique dans le canton de Vaud, la pastorale sociale et de rue vise à développer un réseau de soutien, d’entraide et d’accompagnement spirituel de proximité pour écouter des personnes rencontrant des difficultés sociales et existentielles. La pastorale a également pour but d’orienter ces personnes vers des services adéquats au niveau social, de tisser des liens et d’offrir des espaces communautaires de partage, un accompagnement spirituel et des temps de méditation et de veillée autour des réalités lourdes vécues par ces personnes.
Cette pastorale est portée par des agents pastoraux et des bénévoles. Ils informent, sensibilisent les communautés chrétiennes ainsi que d’autres milieux sur les réalités de la pauvreté et les invitent à des actions de solidarité. BH
A la veille de l’ouverture, par le pape François, le 10 octobre 2021, du Synode sur la synodalité, cath.ch a sondé les diocèses romands sur leur manière d’entamer cette «marche ensemble». Petit tour d’horizon de la mise en route d’un processus qui va durer deux ans.