Suisse: Le suicide assisté gagne du terrain
Dans le canton de Fribourg, la justice avalise le suicide assisté d’une femme pour des motifs psychiques. A Neuchâtel, l’Armée du Salut est forcée d’accepter Exit dans l’un des ses EMS. En Suisse, la pratique de l’aide au suicide semble gagner du terrain.
«Madame X, qui a toujours été coquette et même très centrée sur son physique, accepte difficilement les conséquences sur sa santé liées à son vieillissement». C’est ce qu’a indiqué le médecin de famille de cette résidente de Villars-sur-Glâne, qui a mis fin à ses jours en avril dernier, rapporte le 6 octobre 2016 le quotidien romand La Liberté. La justice fribourgeoise avait ouvert une procédure sur ce cas après avoir constaté que les motivations de la requérante n’étaient pas liées à une maladie incurable ou particulièrement invalidante. Son médecin avait constaté que la dame de 85 ans «endurait des souffrances morales extrêmes et qu’elle considérait que sa vie lui était devenue insupportable». Elle possédait en outre les capacités cognitives nécessaires pour décider souverainement de son sort.
La situation de l’aide au suicide consolidée
La justice a finalement rendu une ordonnance de classement, constatant que la situation correspondait à la jurisprudence, issue notamment de l’affaire «Gross contre la Suisse», en 2013. Dans ce cas, Alda Gross, une ressortissante suisse, avait recouru auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contre le canton de Zurich, qui lui avait refusé une dose de pentobarbital sodique pour parvenir à se suicider. L’Etat zurichois avait pris une telle décision sur la base du constat que la vieille dame n’était atteinte d’aucune maladie fatale. La requérante avait simplement exprimé son souhait de mourir à cause de «son âge avancé et de sa fragilité grandissante». La CEDH a finalement désavoué le canton de Zurich, l’obligeant à fournir à la plaignante sa dose de poison mortelle. En Suisse, l’assistance au suicide n’est réprimée que si elle est inspirée par un motif égoïste (art.115 du Code pénal).
L’association Exit, qui a assisté la résidente de Villars-sur-Glâne dans son acte fatal, s’est félicité de la décision de justice. Le docteur Jérôme Sobel, président de l’association, a estimé que «cela consolide bien la situation du suicide assisté dans notre pays».
La liberté individuelle plus forte que la liberté religieuse
Les partisans de cette pratique ont également connu une «victoire» à Neuchâtel. L’Armée du Salut refusait l’assistance au suicide au sein de son EMS Le Foyer. Les responsables invoquaient le droit à la liberté religieuse. Le Tribunal fédéral (TF) a cependant interdit au home salutiste toute exception en ce sens. Si l’un de ses résidents souhaite recourir au suicide assisté, l’établissement n’aura d’autre choix que d’accepter sa volonté et de lui mettre une chambre à disposition pour réaliser son acte. Le TF est parvenu à la conclusion que le droit à la liberté de se suicider devait l’emporter, en l’espèce, sur le droit à la liberté religieuse.
Les derniers chiffres révèlent en outre que la pratique du suicide assisté continue de croître en Suisse. La progression moyenne annuelle de l’aide au suicide est de 25%. 1’340 personnes y ont eu recours dans le pays, en 2015.
Interrogé par La Liberté, Thierry Collaud, directeur de l’Institut interdisciplinaire d’éthique et des droits de l’homme à l’Université de Fribourg, estime que la présence médiatique grandissante et la banalisation de l’aide au suicide a un effet d’entraînement. «De plus en plus, le suicide assisté va malheureusement faire partie des options à disposition des personnes en fin de vie», regrette l’éthicien. (cath.ch-apic/lib/ats/rz)