Une assemblée qui est d’abord expérience de vie
Suisse romande: L’assemblée diocésaine AD 2000 a démarré à la base
Fribourg, 20 mars 1998 (APIC) AD 2000, l’assemblée diocésaine, a été lancée il y a bientôt quatre mois par Mgr Amédée Grab, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. Où en est cette démarche d’Eglise dont les objectifs sont de donner à la vie du diocèse un souffle nouveau, un horizon d’espérance, un nouvel élan missionnaire? Yvan Stern, rédacteur responsable de l’hebdomadaire «Evangile et Mission», fait le point avec Jean-Marie Pasquier, l’un des trois membres de l’équipe d’animation.
Yvan Stern: Quatre mois après son lancement, où en est AD 2000 ?
Jean-Marie Pasquier: J’ai pris conscience petit à petit d’un quadruple déplacement des objectifs. Le premier déplacement, que je décrirais comme un glissement qui nous conduit des «structures» à la «vie», était déjà perceptible lors des travaux préparatoires menés par le groupe d’étude et de coordination diocésaine (GRECOD).
Le mandat donné par l’évêque était de rechercher à mettre en place une structure ou un organisme de coresponsabilité au niveau diocésain, de type conseil pastoral, forum ou autre. Mais avant de mettre en place une structure, le diocèse a besoin de revivre une expérience, un événement qui lui donne envie de mieux faire Eglise. D’où l’idée de cette assemblée diocésaine qui doit être à la fois un événement festif et un temps fort de réflexion, de rencontres, de partage.
De «l’Eglise pour elle-même» à «l’Eglise pour les autres»
J’ai constaté un deuxième déplacement. On est passé de «l’Eglise pour elle-même» à «l’Eglise pour les autres», de l’institution à la mission. AD 2000 n’a pas pour but un toilettage interne ou externe de l’Eglise diocésaine. Il faut qu’elle devienne davantage signe de Jésus-Christ, qu’elle accomplisse mieux sa mission: annoncer Jésus et l’évangile et servir l’humanité.
Se mesurer à Jésus-Christ
Un troisième déplacement: l’invitation de passer du «faire» à l’»être». L’objectif a été perçu parfois de manière simpliste; il s’agissait d’améliorer le fonctionnement de l’Eglise. Mais ce dont nous avons besoin, c’est d’un renouvellement de notre ” être chrétien ” en se recentrant sur le Christ et sur l’évangile. Il faudrait que le slogan de AD 2000 devienne «se mesurer à Jésus-Christ». Ce que Paul VI proposait déjà dans «Evangelii nuntiandi». Si l’Eglise veut annoncer l’Evangile, il faut qu’elle se laisse réévangéliser elle-même en permanence, qu’elle se renouvelle. J’ai déjà parlé d’AD 2000 comme d’une grande mission, comme celles qui avaient lieu dans le passé.
D’abord vivre le changement
Je constate un quatrième déplacement des objectifs: on passe d’une assemblée qui thématise, produisant des documents «pour après» et «pour les autres», à une assemblée représentative du peuple de Dieu qui vivrait un processus de changement à la fois à travers la prière, la rencontre, le partage, l’écoute mutuelle, la fête; un changement qui devrait se répercuter et se vivre à tous les niveaux du diocèse.
AD 2000, ce n’est pas la somme des quatre ou cinq assemblées qu’on va faire, c’est vraiment tout le travail de rencontres, de partage à tous les niveaux, du plus petit groupe de dialogue jusqu’au Conseil épiscopal. A la limite, si aucun document n’est rédigé, approuvé, publié, mais que l’ensemble de ceux qui ont participé à ce processus, à commencer par les participants aux assemblées, pouvaient dire: ” Nous n’avons pas publié de textes, mais nous avons vécu une magnifique expérience de la vie de peuple de Dieu dans ce diocèse, avec nos évêques, nous sommes devenus autres et nous avons envie que ça continue! «, alors AD 2000 serait une réussite.
Passer d’une assemblée productive de déclarations à une assemblée qui fasse naître un processus dynamique de changement, où on se transforme ensemble, c’est un programme immense. Pour réussir, il faut un va-et-vient entre l’assemblée diocésaine et les groupes de dialogue, de telle sorte qu’il y ait un enrichissement mutuel. Les assemblées se nourriront des questions et des propositions des groupes, mais ce qui aura été vécu, travaillé, expérimenté au niveau diocésain doit repartir vers les groupes de dialogue. Et ce processus doit fonctionner durant les deux ans que dure l’assemblée.
Y. S. : De nombreux curés ont fait part de leur sentiment de saturation. C’est un dossier de plus qui atterrit sur leur bureau…
J.-M. P. : Je vous donne la réponse du curé de Saint-Pierre à Fribourg, Jean-Claude Pilloud; en présentant AD 2000 à sa paroisse, il écrivait: «Il faut que cette démarche synodale soit ressentie non comme une tâche pastorale en plus – elle le sera de toute façon – mais comme une chance et un instrument pour dynamiser nos communautés. Car le risque est grand aujourd’hui pour les prêtres de faire une pastorale de ’maintien’ et d’avoir peur des risques de la créativité, de la nouveauté. Il faut que nous répondions volontiers à l’invitation faite dans la convocation épiscopale de former librement des groupes de dialogue et de recherche dans nos milieux de vie et de foi, dans nos familles, nos maisons et nos quartiers, nos paroisses et autres communautés, sans oublier les personnes qui ont pris des distances à l’égard de l’Eglise. Leur avis nous intéresse».
AD 2000 prioritaire
Il n’y a pas de curé qui, voyant la diminution du nombre de pratiquants, ne se demande pas de temps en temps ce qu’il peut faire pour redonner vie des communautés vieillissantes, pour inviter les jeunes à y participer. Nous ne leur donnons pas un truc, mais nous les invitons à se donner un horizon diocésain avec des moyens: oser inviter, former des groupes avec des gens qui ont pris leur distance et choisir pour deux ans de nouvelles priorités, quitte à modifier les agendas des conseils pastoraux, des groupements. Bien sûr, il y a d’autres sujets qu’il faudra laisser de côté. AD 2000 doit devenir prioritaire. Le Conseil pastoral du canton de Neuchâtel en fera, par exemple, l’ordre du jour unique des séances des deux prochaines années. Je le souhaite aussi pour le Conseil presbytéral et pour d’autres conseils.
Y. S. : AD 2000 n’entre-t-elle pas en concurrence avec la consultation œcuménique pour l’avenir social et économique de la Suisse lancée presque la même semaine ?
J.-M.P. : Cela fait deux enveloppes différentes dont on ne voit pas immédiatement le rapport, peut-être. Mais il peut très bien y avoir une démarche commune, comme l’a signalé Mgr Grab dans sa dernière lettre pastorale. Les questions posées par AD 2000 pour la deuxième rencontre sont pratiquement les mêmes que celles de la consultation des Eglises chrétiennes.
En résumé: comment vivons-nous l’actuelle situation de crise, la mondialisation de l’économie, la précarité de l’emploi, l’augmentation du chômage, les mutations sociales ? Comment devons-nous réagir ? Quelles sont les questions posées à l’Eglise ? Entre AD 2000 et la consultation œcuménique, c’est interchangeable: les réponses des groupes peuvent être envoyées sans problèmes aux deux secrétariats. Et AD 2000 abordera en assemblée ces questions de société au moment où sera bouclée la consultation. On en profitera.
Y. S. : Certains se demandent à quoi tout ça va servir, qu’est-ce qui va changer ?
J.-M. P. : Le travail des groupes de dialogue va être pris en compte sérieusement pour être repris, au moins en partie, par l’assemblée. On ne va pas traiter de tout. Il y aura aussi un aller-retour: les travaux de l’assemblée permettront aux groupes de progresser dans leur réflexion, de se donner de nouveaux objectifs.
Le but n’est pas de prendre des décisions pour l’avenir, ce n’est pas de rédiger des déclarations, de proposer des recommandations à appliquer. L’objectif est de s’aider les uns les autres à faire un pas pour changer. Il ne faut pas s’attendre à des décisions miraculeuses qui tombent d’en haut. L’Eglise se fait aussi, concrètement, par en bas.
Y. S. : Comment faut-il s’y prendre pour mettre en route un groupe de dialogue ?
J.-M. P. : Il faut oser proposer. Mais il faut avoir envie soi-même pour donner envie aux autres. J’ai remarqué que le fait de témoigner de ma conviction a aidé d’autres personnes, ou des groupes, à passer du scepticisme à une certaine confiance, à l’envie d’aller de l’avant. Ce n’est pas très compliqué, car on peut commencer par les groupes qui existent déjà en transmettant l’invitation à l’ensemble de la communauté paroissiale. Je connais un curé qui a raccourci son sermon et invité, après la messe du dimanche matin, l’ensemble des fidèles à un apéritif à la salle de paroisse pour former des groupes et commencer à partager ce qu’ils avaient dans le cœur et sur le cœur.
On peut aussi débattre des thèmes proposés au Conseil pastoral paroissial qui est souvent à la recherche de sujets. Et inviter les membres de ce conseil à devenir des multiplicateurs, à refaire l’exercice en mettant en route d’autres personnes, dans les groupements ou en famille, en réunissant parents, grands-parents avec les jeunes. Cette démarche est à proposer aussi au Conseil paroissial, ce qui permettrait de sensibiliser davantage les ” administratifs ” aux réalités pastorales, aux buts pastoraux de l’Eglise. C’est au moins aussi important que de préparer le budget de la rénovation de la salle paroissiale…
Et ainsi de suite: un groupe de catéchistes, avec ou sans les enfants (à noter que le MADEP a adapté pour les enfants les papiers proposés), l’équipe liturgique, celle des lecteurs, les grands servants de messe… Et pourquoi pas la chorale ? Pourquoi ne prendrait-elle pas la moitié d’une répétition pour commencer la première rencontre, se dire ce qu’on a sur le cœur, dans le cœur ? Je pense aussi aux groupes qui ne sont pas directement rattachés à la paroisse, de préparation au mariage, groupes de foyers, œcuméniques, de prière, sans oublier tous les mouvements d’apostolat et d’action catholique.
Il y a aussi tous les «distancés», les non-pratiquants. On ne les voit pas à l’église: comment faire pour les rejoindre ? Mais on les rencontre parfois: réunion de parents pour la première communion, pour préparer un baptême. Ils disent assez facilement où ils en sont par rapport à l’Eglise, ce qu’ils ont sur le cœur; il suffirait de les inviter à prolonger cette réflexion. Même s’il n’y en a que cinq ou six qui se mettent en route, c’est un nouveau départ.
Avec un peu de courage, on peut contacter des voisins de palier, ceux qui habitent le même immeuble ou le même quartier, les amis, les parents, les membres du club de bridge ou de pétanque, et les inviter à prendre la parole. Il ne faut pas craindre d’inventer des moyens, de fabriquer une affichette, de distribuer des papillons comme invitation à une rencontre. (apic/ys/be)