Une théorie scientifique diffère toujours d’une vérité de foi
Suisse : Philippe Baud répond au Credo d’Albert Jacquard
Déo Negamiyimana
Lausanne, 1er octobre 2003 (Apic) Dans son livre intitulé «Albert?», le prêtre et théologien Philippe Baud répond au «Dieu?» d’Albert Jacquard. Le généticien français tentait de convaincre le lecteur que le Credo enferme la foi dans des formules au lieu d’aider à la vivre.
Dans l’introduction de son livre «Albert?», l’abbé Philippe Baud s’indigne du livre d’Albert Jacquard. «Le titre, comme son développement, est sans complexe», écrit-il à celui qui a osé affirmer que le Credo était mal formulé. «Au lieu de le dire dans sa forme actuelle, mieux vaut se taire ou parler plus humblement de Dieu, lui qui refuse de se désigner par un nom». Tels sont les propres mots d’Albert Jacquard au sujet de la foi proclamée par les chrétiens depuis bientôt deux millénaires. A travers son ouvrage, le généticien et philosophe français affirme que Dieu est humble et fragile, contrairement à la toute puissance proclamée dans le Credo. Il n’exerce jamais la force que beaucoup de catholiques lui attribuent. Le scientifique invite les hommes à prendre en charge eux-mêmes leur devenir. Ainsi atteindront-ils, selon lui, la grandeur inouïe que Dieu respecte volontiers.
Passionné par les rapports complexes entre la foi chrétienne et la culture, l’abbé Philippe Baud rappelle au scientifique français qu’il n’est pas le seul à avoir une image fausse du Credo. «Contre les confesseurs de la foi, objections et critiques ne datent pas d’hier. Ainsi, les déclarations accusant les chrétiens de n’être pas de leur temps, de ne pas participer au courant de l’histoire». Le prêtre lausannois donne une liste d’autres hommes de science, farouchement opposés à la foi chrétienne, qui tentent de détourner, sans y arriver, les chrétiens de leur Credo. Au troisième siècle après Jésus-Christ, le Romain Tacite par exemple, voit chez les chrétiens de la haine contre le genre humain. Au premier siècle, Pline, historien latin, parle de duplicité et d’obstination invincible. Et le très sage Marc-Aurèle ne perçoit dans leur martyre qu’une «vulgaire effronterie».
«Mais, écrit le prêtre vaudois, tous ces excités n’étaient rien au regard des chrétiens qui, avec une prodigieuse endurance, contre le mépris et l’hostilité, souvent la cruauté et l’acharnement, ont conformé leur vie à celle du Christ, gardant le silence devant les grands prêtres et les gouverneurs.»
Langage imagé
L’ouvrage «Albert?» peut aussi se lire comme une leçon de stylistique que l’auteur donne au biologiste Jacquard. «Les phrases, indique-t-il, ne sont pas vraies par ce qu’elles disent. Mais par ce qu’elles veulent dire. On le comprend bien quand on recourt au langage des images: les expressions «avoir l’estomac dans les talons», «les jambes coupées», ou «les yeux qui sortent de la tête», ne sont pas à considérer dans leur sens premier. «Ainsi, poursuit ironiquement Philippe Baud, on sait toujours dire de telle personne qu’elle m’a «cassé les pieds», sans recourir aux soins du dispensaire le plus proche.»
Tout cela, affirme le prêtre lausannois, est bien connu d’Albert Jacquard. Le théologien reproche donc au scientifique d’entretenir un confusionnisme dans lequel s’embrouille sa réflexion et l’indigence de son argumentation. Aussi, en bonne déontologie scientifique, il ne convient pas d’utiliser les méthodes de la science pour aborder l’étude d’un domaine qui ne relève pas d’elle. Le théologien réfute également l’affirmation du biologiste selon laquelle les formulations que le concile de Nicée a tant peiné à établir – Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé.– ont disparu du texte officiel actuel, comme si une concession avait été accordée à la pensée d’Arius.
«S’il est tout à fait légitime, conclut le prêtre vaudois, d’entreprendre les efforts nécessaires pour traduire en un langage plus accessible aux contemporains l’essentiel du message de la foi, il y a cependant erreur à penser que le langage scientifique soit le seul à posséder une capacité légitime de transmission. Et que les critiques d’Albert puissent favoriser une explication passible de vérité.» (apic/dng/bb)