Suisse: les musulmans sont stigmatisés par les médias
De plus en plus d’articles stigmatisent les musulmans de Suisse, révèle une étude universitaire publiée le 3 septembre 2018 par la Commission fédérale contre le racisme (CFR). Les médias mettent souvent en avant le terrorisme et la radicalisation et rechignent à donner la parole aux musulmans.
Entre 2009 et 2017, les articles «créant de la distance» par rapport aux musulmans sont passés de 22% à 69%, affirme l’étude. Une évolution partiellement attribuable à la focalisation sur les thèmes de la radicalisation, du terrorisme et des problèmes d’intégration. Les articles portant sur l’intégration réussie (2%) et le quotidien des musulmans (2%), c’est-à-dire sur la vie de la majorité des musulmans de Suisses, sont marginaux.
Journaux «de droite» et «populaires» plus négatifs
L’étude s’est penchée sur la qualité de la couverture médiatique des musulmans de Suisse en analysant un échantillon représentatif d’articles publiés dans 18 médias papier des trois régions linguistiques. L’étude souligne que des différences notables existent entre les médias. Dans l’hebdomadaire germanophone Weltwoche, proche de la droite conservatrice, 84% des articles créent une distance. Cette proportion descend à 63%, respectivement 59%, pour les publications dites «populaires» telles que l’hebdomadaire alémanique Sonntagsblick et le quotidien Blick. Chez les quotidiens dits «de référence», comme le romand Le Temps ou le zurichois NZZ, le pourcentage est largement plus faible, à 31%. «Cette différence s’explique par la logique de la presse populaire, davantage axée sur le négativisme et le scandale et, dans le cas de la Weltwoche, par le positionnement idéologique du journal», expliquent les auteurs de l’étude.
La distance créée s’avère problématique lorsqu’elle s’accompagne de généralisations, assurent les auteurs de l’étude. Cette combinaison est observée dans 8% des articles. La Weltwoche (48%) et les journaux populaires SonntagsBlick (24%) et Blick (11%) présentent des taux relativement élevés de cette combinaison.
Les musulmans comme acteurs «passifs»?
L’étude reproche également aux médias de considérer globalement les musulmans comme des «acteurs passifs». 55% des articles parlent d’eux sans leur donner la parole et 25% ne leur donnent la parole qu’en marge de l’article.
Par ailleurs, les musulmans qui s’expriment sont souvent ceux qui défendent des opinions bien tranchées, explique le document de la CFR. Les acteurs marqués comme radicaux, tels que des représentants de la mosquée An’Nur de Winterthour, soupçonnée d’être un foyer de radicalisation, et du Conseil central islamique de Suisse (CCIS), d’orientation salafiste, rencontrent un large écho dans les médias. C’est également le cas de personnalités «libérales» telles que Saïda Keller-Messahli, qui s’est montrée critique envers les associations musulmanes de Suisse. La couverture de ces dernières associations est, elle, relativement modeste.
Face à ce constat, la commission entend poursuivre le dialogue avec les journalistes et leur rappeler leur responsabilité dans la formation de l’opinion publique. (cath.ch/com/rz)