Suisse: Les Eglises nationales rejettent la propagande sur les «juges étrangers»
Berne, 29.10.2015 (cath.ch-apic) «Les chapitres les plus sombres du XXe siècle montrent qu’une démocratie peut tout à fait adopter des principes non démocratiques. La majorité ne défend pas automatiquement les droits des minorités», écrivent les Eglises chrétiennes de Suisse en vue de la Journée des droits de l’homme du 10 décembre 2015.
Dans leur prise de position commune, la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), la Conférence des évêques suisses (CES) et l’Eglise catholique-chrétienne de Suisse défendent par conséquent le recours à la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg, en affirmant qu’il s’agit là «d’un droit appliqué par des juges qui sont aussi ‘nos’ juges en dernière instance, puisqu’ils appliquent une partie de ‘notre’ droit». Les Eglises jettent ainsi une pierre dans le jardin de l’Union démocratique du centre (UDC), en guerre depuis le printemps dernier contre «les juges étrangers».
L’UDC a en effet lancé en mars dernier la récolte des signatures pour son initiative populaire intitulée «Le droit suisse au lieu de juges étrangers». Le parti de la droite nationaliste reproche au Conseil fédéral, aux autres partis politiques (à l’exception de l’UDC), au Tribunal fédéral et à la classe politique de placer les dispositions du droit international (appelé aussi droit des peuples ou droit des gens) «au-dessus du droit suisse». A ses yeux, «des politiciens, des fonctionnaires et des professeurs ne veulent plus que le peuple ait le dernier mot. Ils cherchent à restreindre les droits démocratiques».
Volonté d’attiser la méfiance du peuple envers les institutions
Dans le dépliant des Eglises nationales de Suisse à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme de 2015, elles disent observer «avec inquiétude que la volonté populaire, dans le débat politique, est de plus en plus souvent dressée contre les droits humains. Cette mise en opposition attise la méfiance du peuple envers les institutions et menace la cohésion et la paix sociales».
Les Eglises estiment que «l’ordre juridique ne s’approche de l’exigence de justice qu’en acceptant de se mesurer aux droits fondamentaux».
Les Eglises chrétiennes de Suisse relèvent ainsi que «le seul principe de majorité ne suffit cependant pas à garantir un Etat et des lois justes. (…) Les décisions du peuple doivent aussi répondre à l’exigence de justice et de solidarité». Et de rappeler que la Constitution fédérale édicte en préambule que «la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres».
La Convention européenne des droits de l’Homme est aussi la nôtre
Ainsi le peuple suisse reconnaît que la Constitution doit garantir les droits de chaque individu «dans un esprit de solidarité et d’ouverture au monde», comme on peut également le lire dans le préambule.
En adoptant la Constitution en 1999, le peuple suisse a repris l’ensemble des droits fondamentaux ancrés dans la Convention européenne des droits de l’Homme. «Ces droits sont donc devenus une part, légitimée démocratiquement, de ‘notre’ ordre juridique. Ils reposent sur un socle de valeurs universelles, toutes frontières et barrières ethniques et sociales confondues».
«Pas de droit sans justice!»
Dans leur prise de position intitulée «Pas de droit sans justice!», les Eglises se disent par conséquent «préoccupées de constater que l’importance des droits fondamentaux et humains est de plus en plus remise en question». «Soyons donc soucieux que cet acquis ne soit pas sacrifié aux objectifs d’une politique quotidienne et migratoire à courte vue qui privilégient des intérêts particuliers et nationaux», écrivent-elles.
Elles invitent les communautés et les croyants à s’engager pour le droit et la justice à l’occasion de la Journée des Droits de l’homme «en cette année où, dans beaucoup de régions de notre monde, les habitants font (de nouveau) quotidiennement l’expérience de l’impuissance, des flux des réfugiés et de l’inhumanité. Etant donné que le droit est toujours l’œuvre des hommes et n’est donc pas infaillible, on a besoin des droits fondamentaux et humains». (apic/com/be)