L’Etat doit garder ce mouvement à l’œil, souligne un rapport
Suisse: La secte de la scientologie inquiète l’Etat fédéral
Sale temps pour les sectes en Suisse
Berne, 1er septembre 1998 (APIC) Le Département fédéral de justice et police a publié le 31 août à Berne une importante étude sur la scientologue en Suisse. Une étude particulièrement critique. Le rapport souhaite que l’Etat garde ce mouvement à l’œil, sans pour autant exercer de surveillance policière… Pour l’instant. Le même Département souhaite en outre la création d’un «observatoire» sur les sectes.
Sale temps pour les sectes en Suisse. Le rapport, qui souligne que la menace scientologue inquiète l’Etat, est publié quelques jours seulement après une décision du Tribunal fédéral (TF) concernant les raëliens. La semaine dernière, le Mouvement raëlien s’est en effet vu refuser, par le TF un droit de réponse qu’il demandait à la suite d’un article écrit par l’APIC, publié en août 1997 par «La Liberté», dans lequel on pouvait notamment y lire que la secte «prônait théoriquement la pédophilie et l’inceste dans ses écrits».
Constatant les dérapages de certaines sectes, la commission chargée de la sécurité de l’Etat a demandé l’avis des experts. Conclusions: les reproches faites à la scientologie sont fondées. Très critique sur plusieurs aspects de cette «religion» inventée par Ron Hubbard, ce rapport demande à l’Etat de garder ce mouvement à l’œil.
Fortes pressions sur les membres pour les pousser à acheter les prestations scientologues; un système qui a des caractéristiques totalitaires et des activités analogues à un service de renseignements: ces critiques, entre autres, émanent du rapport publié par le Département fédéral de justice et police.
Pour les auteurs de ce travail, la scientologie ne relève pas du «crime organisé», même si, par certains côtés, cette classification «ne paraît pas complètement impensable». Elle se définirait mieux par notion d’»organisation totalitaire», une définition proposée par le spécialiste allemand Hans-Gerd Jaschke. Non seulement la scientologie prétend détenir «la» vérité, mais Hubbard considère que 20% de la population mondiale est dangereuse pour le bien commun. Lorsque la scientologue est attaquée, elle peut mordre ses propres adhérents et ses adversaires. L’un des textes de Ron Hubbard suggère par exemple d’engager des détectives privés pour enquêter sur «les crimes des gens qui tentent de nous arrêter», en particulier les journalistes, les juges, etc.
Espionnage
Différentes enquêtes, aux Etats-Unis et au Canada, ont révélé comment les scientologues ont infiltré des services de police, des bureaux d’avocats. «Des opérations qui relèvent purement et simplement de l’espionnage», dit le rapport. Et ces opérations se poursuivent. Malgré tous les démentis donnés par la secte, les auteurs du rapport considèrent que les règlements du fondateur n’ont jamais été reniés. Et une perquisition faite en 1995 en Grèce a montré que les tentatives d’infiltrations avaient toujours cours, comme le harcèlement et les tentatives d’intimidation des opposants.
En Allemagne, la scientologie a été placée sous surveillance des services de renseignements intérieurs, avec les terroristes et les extrémistes. La Bavière a même interdit aux scientologue l’accès à la fonction publique.
Un «observatoire» de type universitaire
Demandé par la Commission consultative en matière de protection de l’Etat, ce rapport a été rédigé par deux de ses membres, Urs von Daniken, chef de la police fédérale, et Laurent Walpen, commandant de la police genevoise. Ils ont travaillé avec l’historien et spécialiste fribourgeois, Jean-François Mayer. Ce groupe n’a pas fait d’enquête policière en Suisse. Se basant sur les documents existants, il fait l’historique de la scientologie, présente son implantation en Suisse, les réactions qu’elle suscite, et fait des propositions pour la sécurité de l’Etat.
Soucieux de préserver la liberté de conscience et d’éviter toute amalgame entre la scientologie et d’autres sectes ou groupement religieux, le rapport souhaite la création d’un «observatoire» de type universitaire.
Fondée dans les années 50, la scientologie compterait 13’000 permanents et 8 millions de membres, à en croire les chiffres donnés par la secte. Le rapport publié lundi estime leur membre inférieur à 300’000. En Suisse, il ne dépasserait pas les 4’000. Et ce chiffre n’est pas à la hausse. (apic/pf/pr)