A cause de son voile, Sr Ingrid Grave prise pour une musulmane!
Zurich, 2 février 2015 (Apic) Après avoir obtenu l’interdiction des minarets en 2009, le Comité d’Egerkingen veut maintenant faire interdire au plan national le port du voile intégral et la dissimulation du visage dans l’espace public. Le centre catholique des médias kath.ch à Zurich a mené l’enquête auprès de religieuses catholiques, qui portent elles-mêmes le voile, sur la question du voile porté par les femmes pour des raisons religieuses.
Le Comité d’Egerkingen, présidé par le conseiller national de l’Union démocratique du centre (UDC) Walter Wobmann, a décidé le 26 janvier dernier le lancement d’une initiative dans ce sens. D’emblée, il faut préciser que l’initiative annoncée ne va interdire à aucune moniale de porter le voile dans son couvent ou dans la rue. Elle vise plutôt à interdire la dissimulation du visage dans l’espace public quelle qu’en soit la motivation, qu’elle soit religieuse ou criminelle.
Le port du foulard, islamique ou non, ne sera pas interdit, l’a précisé à kath.ch. le Zurichois Ulrich Schlüer, secrétaire du Comité d’initiative.
Face au port du voile, réactions mitigées dans le public
Que signifie le voile pour une religieuse, et comment est-il perçu dans la société ? Pour Claudia Jablonka, diaconesse à Riehen (BL), il exprime son appartenance à la foi chrétienne, à son mode de vie en tant que religieuse et son appartenance concrète à la communauté des diaconesses. Les réactions dans le public sont très diverses, allant du refus à l’intérêt, voire à la bienveillance. Ce qui est déterminant, c’est l’environnement dans lequel les religieuses se meuvent.
«Dans les milieux que je fréquente, précise sœur Catherine Jérusalem, on me reconnaît tout de suite comme religieuse, et je trouve cela pratique». La religieuse, qui appartient à la Congrégation des Sœurs de Saint-Augustin à Saint-Maurice (VS), relève ainsi qu’elle n’a pas à se présenter à chaque fois comme religieuse.
Sœur Ingrid Grave: le voile peut créer de la distance
Sœur Ingrid Grave, dominicaine d’Ilanz résidant à Zurich, estime que le voile situe la personne, mais il signifie également une démarcation: «L’habit religieux et le voile montrent mon appartenance, ils disent quelque chose sur mon choix de vie». En même temps, certaines personnes ont souvent une certaine gêne à l’approcher quand elle porte le voile, qui devient comme une barrière. C’est pour cela qu’elle ne porte pas le voile en privé, hors de son couvent, mais le fait très volontiers quand elle est dans sa communauté d’Ilanz, dans le canton des Grisons.
La religieuse dominicaine, qui a longtemps animé l’émission religieuse «Sternstunde» à la télévision alémanique, souligne la barrière que représentent une burqa, un niqab ou un tchador. «Les femmes qui portent une burqa l’ont la plupart du temps appris dès l’enfance, pour autant que cela soit prescrit dans les normes sociales». Mais quand ces femmes arrivent dans une toute autre culture, où l’on ne porte pas la burqa, cela crée à tous les coups une distance avec les autres. Sœur Ingrid Grave a, elle-même, déjà fait l’expérience d’être confondue avec une musulmane parce qu’elle portait son voile.
Une burqa ou un voile peuvent rendre une intégration plus difficile
Comme le voile est de moins en moins compris dans nos sociétés occidentales comme un signe d’appartenance à une congrégation religieuse chrétienne, elle plaide pour que les religieuses ne le mettent plus. Elle argumente de la même manière pour la burqa: «Une burqa ou un voile peuvent rendre une intégration plus difficile, parce qu’ils ne peuvent pas être complètement compris dans une culture comme la nôtre. C’est un gros obstacle pour entrer facilement en dialogue avec une femme ainsi habillée. Cela nous est étranger, et je ne sais pas si elle veut même que je m’adresse à elle».
Pourtant, la religieuse dominicaine ne veut pas que l’on comprenne ses réticences comme un plaidoyer pour l’interdiction du port de la burqa. «Est-ce que je dois prescrire à des personnes d’une autre culture comment ils doivent s’habiller chez nous ? La femme ne dissimule pas son visage parce qu’elle a des intentions criminelles, mais elle fait simplement ce qui est d’usage dans sa culture».
Non à l’interdiction de la burqa
Ce qui la gêne dans cette nouvelle initiative, c’est que deux choses différentes soient mises dans le même panier. Si elle est favorable à l’interdiction de la dissimulation du visage par une cagoule en raison d’intentions criminelles, elle ne souscrirait pas à l’interdiction de la burqa.
Sœur Ingrid Grave est encore plus critique s’agissant de l’interdiction éventuelle du voile. Dans ce cas, elle porterait le voile en solidarité avec les femmes musulmanes, «pour montrer que là, il y a quelque chose qui ne joue pas… On interdirait quelque chose aux musulmanes, mais pas aux chrétiennes, Cela ne va pas!»
Les religieuses portent le voile volontairement
Sœur Catherine Jérusalem réagit de même. Elle n’enlèverait pas son voile en cas d’interdiction du foulard. Elle souligne toutefois que l’obligation du voile pour les musulmans n’est pas la même que pour les religieuses, car ces dernières le portent volontairement. Elle regrette quand de belles femmes se couvrent, mais elle comprend si elles le font pour leur propre protection. Elle ignore par contre si elle va signer l’initiative pour l’interdiction de la burqa. (apic/kathinfo/sys/be)