Le nouveau nonce à Berne suscite la critique en Suisse alémanique

Le nouveau nonce apostolique pour la Suisse et le Lichtenstein, en poste à Berne depuis octobre dernier, suscite des réactions en Suisse alémanique. Considéré comme trop proche des catholiques traditionalistes, l’archevêque américain Thomas E. Gullickson, qui découvre depuis quelques mois la réalité de l’Eglise catholique en Suisse, a provoqué le courroux des milieux catholiques libéraux et progressistes. Ces derniers ont même sollicité – en vain – le Conseil fédéral pour qu’il intervienne à Rome.

Dans le passé, le nonce apostolique s’était fait remarquer pour certains blogs critiques envers la ligne du pape François.

Le Conseil fédéral interpellé

Les opposants à Mgr Gullickson – la Ligue suisse des femmes catholiques SKF ainsi que le théologien Markus Arnold, professeur d’éthique à l’Université de Lucerne – estiment que l’attitude «ultraconservatrice» du prélat de 65 ans, originaire de Sioux Falls, dans l’Etat américain de Dakota du Sud, met en danger de manière «aigüe» la paix religieuse en Suisse. Ils font appel au Conseil fédéral dans une lettre à la conseillère fédérale démocrate-chrétienne Doris Leuthard et au président de la Confédération Johann Schneider-Ammann.

La Berne fédérale a confié le 1er février au portail catholique d’information alémanique kath.ch qu’elle n’allait prendre aucune mesure à ce propos. Le théologien Erwin Koller, président de la Fondation Herbert Haag «pour la liberté dans l’Eglise», très critique envers l’attitude conservatrice du nouveau nonce, se montre sceptique face à cette démarche. A ses yeux, pour que le Conseil fédéral intervienne, il faudrait d’abord avoir des faits «manifestes» contre Mgr Gullickson, a-t-il déclaré à kath.ch, «ce qui est pas le cas pour le moment».

«Une troisième catastrophe» pourrait survenir à Coire

Le journaliste et ancien chef de la rédaction «Sternstunden» de la télévision suisse alémanique, affirme qu’»il n’est pas encore temps d’intervenir». Lorsque le Conseil fédéral est intervenu dans le cas de «l’affaire Haas», qui divisait profondément les fidèles du diocèse de Coire, cela durait déjà depuis une décennie, poursuit-il. Cependant, Erwin Koller n’exclut pas qu’après Mgr Haas et Mgr Huonder, lui aussi contesté, «une troisième catastrophe» puisse à survenir à Coire.

Il souligne que le Conseil fédéral n’est pas le représentant d’une Eglise et ne doit pas, en tant qu’instance politique, s’immiscer dans les affaires religieuses. A son avis, c’est avant tout le devoir de la Conférence des évêques suisses d’intervenir, étant donné qu’à son avis, Mgr Gullickson rejetterait des décisions essentielles du Concile Vatican II.

Les femmes catholiques inquiètes

Pour la SKF, dans le cas de «l’affaire Haas», les choses ont commencé à bouger lorsque le Conseil fédéral est intervenu auprès du Saint-Siège. Interrogée par kath.ch, la SKF souligne que la démarche diplomatique des autorités fédérales, intervenue en 1996 sur l’insistance des cantons du diocèse de Coire, a conduit au transfert de Mg Wolfgang Haas sur le siège de l’archevêché de Vaduz, nouvellement créé.

La SKF a confirmé avoir envoyé cette lettre au Conseil fédéral en concertation avec Markus Arnold. Le théologien libéral considère également que Mgr Gullickson «met en danger la paix religieuse». Il relève dans sa lettre au président de la Confédération que le nonce recommande la lecture d’un livre antimoderniste du XIXe siècle écrit par le prêtre catalan Félix Sardá y Salvany, intitulé «Le libéralisme est un péché». Markus Arnold rappelle que le combat entre l’Etat fédéral suisse et les ultramontains a, durant des décennies, «empoisonné» le climat de la Suisse.

«Empoisonner de façon durable» le climat en Suisse

Aux yeux du professeur d’éthique à l’Université de Lucerne, le nonce voudrait visiblement faire de même aujourd’hui et «empoisonner de façon durable» le climat, pas seulement au sein de l’Eglise catholique, mais aussi de l’œcuménisme et avec l’Etat. Estimant que l’on a déjà assez de problèmes avec les «fanatiques religieux», Markus Arnold demande par conséquent «l’intervention du Conseil fédéral auprès de la Secrétairerie d’Etat du Vatican».

Le Grison Giusep Nay, ancien président du Tribunal fédéral, estime lui aussi que l’attitude du nonce est un «poison pour l’œcuménisme». Si l’on recherche le soutien du Conseil fédéral, poursuit-il, on ne doit pas mettre en avant le conflit interne à l’Eglise entre les catholiques conservateurs et les catholiques libéraux, mais plutôt l’influence possible du nonce sur le choix du successeur de l’actuel évêque de Coire, Mgr Vitus Huonder. (cath.ch-apic/kath.ch/be)

 

 

Mgr Thomas E. Gullickson, nonce apostolique en Suisse, au Palais fédéral à Berne
2 février 2016 | 16:09
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 3  min.
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