Stephen Chow, trait d'union entre Pékin et Rome
Le 30 septembre 2023, Mgr Stephen Chow deviendra le quatrième cardinal de l’histoire de Hong Kong, un diocèse historiquement stratégique dans la relation entre l’Église catholique et la Chine.
Né le 7 août 1959 dans une famille catholique de Hong Kong, Stephen Chow Sau-yan fréquente des établissements dominicains puis jésuites de l’archipel, dans lesquels naît sa vocation sacerdotale et son intérêt pour l’éducation. Après des études aux États-Unis, il se rend en Irlande où il décide, en 1984, d’intégrer la Compagnie de Jésus.
De retour à Hong Kong en 1988, il commence une carrière dans l’enseignement et l’administration d’établissements scolaires jésuites. Il se rend deux ans à Chicago pour un master en développement institutionnel à la Loyola University, et est ordonné en 1994. Il poursuit ensuite sa mission dans le domaine scolaire et obtient même un doctorat en développement humain à Harvard en 2006.
En 2018, le père Chow est élu à la tête de la province chinoise de la Compagnie de Jésus, qui couvre Hong Kong, Taïwan, Macao et la Chine continentale, ce qui le fera beaucoup voyager. Il fait aussi partie du Beijing Center, un organisme jésuite qui promeut le dialogue et l’amitié entre la Chine et les autres cultures, avec pour modèle le grand missionnaire jésuite du XVIe siècle Matteo Ricci.
Évêque par obéissance
Lorsque Mgr Michael Yeung, évêque de Hong Kong depuis 2017, meurt en 2019, la question de son remplacement s’avère complexe pour Rome : l’accord pastoral sur la nomination des évêques a été signé en 2018 par Rome et Pékin. Il implique que le gouvernement ait son mot à dire sur les nominations sur son territoire, dont fait partie Hong Kong. Le diocèse compte encore deux évêques émérites importants : les cardinaux Joseph Zen et le cardinal John Tong Hon. Le premier, en particulier, est un adversaire très médiatisé du Parti communiste chinois, dont il dénonce les persécutions à l’encontre des catholiques chinois, et apporte ouvertement son soutien au mouvement pro-démocratie qui combat l’emprise progressive de Pékin sur l’enclave hongkongaise.
Pendant ses années, la nomination de l’évêque auxiliaire, Mgr Joseph Ha Chi-shing, est envisagée. Cependant, sa participation à des manifestations pro-démocratie en 2019 rend sa nomination trop compliquée. En décembre 2020, le pape François demande alors au père Stephen Chow de devenir le 9e évêque de Hong Kong. Le jésuite refuse, ne se sentant pas taillé pour la tâche. Mais devant l’insistance du pontife, il finit par accepter « par obéissance » en mai 2021, en lui demandant seulement de décaler son ordination épiscopale à la fin de l’année, le 4 décembre 2021, pour lui permettre de mettre ses affaires en ordre.
Mgr Chow est un choix stratégique : en tant que jésuite, il bénéficie de l’aura de Matteo Ricci, très respecté en Chine, et qui sera suivi d’une longue tradition de dialogue respectueux entre la Compagnie de Jésus et la Chine, qui lui donne notamment accès aux universités chinoises. De plus, contrairement au cardinal Zen, très marqué par les persécutions subies par sa famille sous Mao, Mgr Chow fait partie d’une nouvelle génération de Hongkongais qui souhaite renouer avec la Chine continentale. Il est ainsi très favorable à la ligne d’ouverture mise en œuvre par le Saint-Siège.
Hong Kong, diocèse-pont
« Nous sommes un pont entre la Chine, la Chine continentale, et l’Église universelle », confie-t-il à I.MEDIA. Mais s’il travaille avec la secrétairerie d’État et le cardinal Pietro Parolin sur les questions chinoises, il insiste sur le fait qu’il ne travaille pas « pour eux ». En effet, pour lui, la proximité « personnelle » qu’il lui revient de créer avec les catholiques et non-catholiques de Chine est au moins aussi importante que la relation « officielle » à laquelle travaille Rome. Cette dernière, reconnaît-il prudemment, « ne permet pas une très bonne communication » pour l’instant.
Afin d’initier un nouveau chemin de discussion avec la Chine, il a effectué un voyage pastoral inédit à Pékin en 2023 pendant lequel il a pu échanger avec la communauté et les autorités catholiques de la capitale chinoise.
Plus généralement, l’évêque de Hong Kong évite toute confrontation avec le pouvoir, ce qui ne l’empêche néanmoins pas de l’interpeller. En 2023, il a notamment plaidé pour une attitude clémente envers les personnes emprisonnées depuis les manifestations de 2019, et a appelé le gouvernement à établir des limites à la loi sur la sécurité, qui restreint depuis 2019 les libertés individuelles à Hong Kong au nom de la lutte contre les influences étrangères. Il compte aussi sur la conciliation et le rapprochement pour permettre aux nombreux missionnaires présents dans son diocèse de continuer à jouer leur rôle, en Chine notamment.
S’il s’est dit surpris par l’annonce de sa création cardinalice, il attribue la décision du pape à l’importance de son diocèse, et le voit comme un encouragement à ce que Hong Kong contribue à renforcer les échanges entre la Chine et le reste du monde. (cath.ch/imedia/mp)
Le collège des cardinaux comptera dès le 30 septembre 2023 21 nouveaux membres dont «la provenance exprime l’universalité de l’Église qui continue à annoncer l’amour miséricordieux de Dieu à tous les hommes de la Terre», a annoncé le pape François lors de l’angélus du 9 juillet. L'agence I.MEDIA un portrait de chacun de ces hommes en rouge:
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