St-Maurice: Un livre dénonce les dérives de la secte raélienne
Le «groupe farfelu» devenu apprenti-sorcier
St-Maurice, 12 décembre 2003 (Apic) En décembre 2002, le Mouvement raélien annonçait à grands fracas le premier clonage d’un être humain, provoquant un tollé d’indignation dans le monde entier. Un an plus tard, alors que la secte fête en grandes pompes les 30 ans du premier contact de son «gourou», Claude Vorilhon alias Raël, avec les extraterrestres, un livre bientôt édité en Suisse examine quelques unes de ses facettes peu reluisantes: «géniocratie», pédophilie, inceste, «anges» de Raël, essais de clonage reproductif.
Rédigé par l’abbé Michel Salamolard et le journaliste Pierre Rottet, et à paraître en janvier 2004, «Le réel de Raël» met bout à bout les pièces du puzzle raélien pour en dénoncer les dérives. Considéré autrefois comme un groupe farfelu, douteux, insignifiant et inoffensif, le mouvement a provoqué des réactions davantage outrées qu’intéressées en annonçant le premier bébé cloné, une fille prénommée Eve. Supercherie ou réalité – le bébé en question n’a jamais été montré en public, ni à des spécialistes neutres -, la secte n’en a pas moins affiché sa volonté de manipuler la vie sans scrupules.
«L’objectif du présent ouvrage est d’informer le grand public sur la réalité d’une secte qui, tout en faisant parler d’elle par toutes sortes de provocations, cultive au plus haut point l’art de la dissimulation et du trompe l’oeil», écrit l’abbé Salamolard dans l’avant-propos de l’ouvrage. Le prêtre tire la sonnette d’alarme face au danger pour la société que constitue le Mouvement raélien, lequel s’adonne à une «pratique sauvage et irresponsable, qui foule au pieds toute réflexion éthique». «Le réel de Raël», selon ses auteurs, «ne s’intéresse pas au folklore raélien de façon étroite, mais s’efforce, dans toutes les questions posées par la secte, de mettre en évidence des aspects fondamentaux qui touchent à l’être humain, à la démocratie, aux valeurs universelles».
Prêtre catholique valaisan, Michel Salamolard est directeur éditorial et pastoral de Paroisses Vivantes, mensuel des paroisses catholiques de Suisse romande. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages traitant de questions pastorales, spirituelles et humaines. Confronté aux agissements des raéliens en Valais, il s’est intéressé à la littérature de la secte, à ses comportements affichés, ainsi qu’à son histoire.
Jurassien établi à Fribourg, Pierre Rottet est journaliste à l’Agence de presse internationale catholique (Apic). C’est à l’occasion d’une enquête réalisée en 1997, qu’il découvre fait connaître certains messages et agissements du mouvement raélien.
Indications: «Le réel de Raël», Michel Salamolard / Pierre Rottet, Editions Pillet / La Liberté – janvier 2004 – 18 euros. BB
Apic Dossier
Fribourg, 12 décembre 2003 Sous la plume de Pascal Fleury, le quotidien romand « La Liberté », à Fribourg, consacre une importante place à ce livre, publié alors que les adeptes de cette secte se retrouvent en cette fin de semaine en Valais. Trente ans après la pseudo-rencontre de Raël avec des extraterrestes Elohim, et alors qu’une convention raélienne se tient ce week-end en Valais, un nouvel ouvrage critique, « Le réel de Raël » dénonce les dangers du mouvement apocalyptique et les risques de dérive suicidaire, écrit le journaliste, dont l’Apic publie ci-dessous l’article in extenso
«Les raéliens finiront-ils comme les 39 membres de la secte «Porte du paradis», morts dans un suicide collectif, convaincus qu’ils renaîtraient à bord d’un ovni caché dans la queue de la comète Hale-Bopp en 1997? Ou comme les 74 adeptes de l’«Ordre du temple solaire», partis en «transit» vers Sirius entre 1994 et 1997, en Suisse, en France et au Canada? La question est très sérieusement posée dans le livre «Le réel de Raël» (1), à paraître en janvier prochain. «On peut craindre une fuite en avant du mouvement dans sa logique de provocation et de paranoïa», écrivent le prêtre catholique et éditorialiste Michel Salamolard et le journaliste Pierre Rottet de l’Agence de presse internationale catholique (APIC), qui ont été confrontés de près à la secte controversée.
Alors que le mouvement de nature «apocalyptique» fête ces jours à Crans-Montana (VS) les trente ans du premier contact de son «gourou» Raël – alias Claude Vorilhon – avec un Elohim extraterrestre, le 13 décembre 1973 dans les volcans dominant Clermont-Ferrand, l’ouvrage apporte un éclairage fort bien documenté sur cette «secte à la dérive». Malgré des effectifs relativement modestes allant, selon les sources, de 5’000 à 55’000 adeptes dans 84 pays, les auteurs estiment que le mouvement peut constituer «un danger bien réel pour la société et pour l’humanité», et que le moment est venu de «tirer la sonnette d’alarme».
Dérive suicidaire?
Se gardant de tout catastrophisme, les auteurs n’en montrent pas moins, dans leur analyse, que la secte développe une «inquiétante logique» de surenchère de la provocation, en réponse à un sentiment répété de persécution. En 1996 déjà, un article de Raël, paru dans la revue raélienne «Apocalypse Internationale», parlait d’un possible «sacrifice». On y lisait que «Mourir pour les Elohim est ce qu’il y a de plus beau sur cette planète, c’est la clé du jardin d’Allah ou de la planète des Eternels.» Le maître spirituel précisait toutefois qu’«il y a hélas peu de chances que l’on puisse en Europe mourir parce que l’on est raélien».
En novembre 2002, la secte a annoncé que son fondateur venait d’offrir son corps au professeur Gunther von Hagens, connu pour ses expositions d’écorchés. La condition demandée par Raël est que son corps, après sa mort, «soit exposé à Ufoland, à Valcourt, nu, en érection et à moitié écorché en position de méditation.»
Clonage humain
L’affaire du clonage humain, qui a abondamment défrayé la chronique il y a une année, illustre parfaitement cette fuite en avant du mouvement, selon les auteurs de l’ouvrage. Le 27 décembre 2002, en Floride, l’«évêque» raélienne Brigitte Boisselier, patronne de l’agence de clonage Clonaid, annonçait la naissance du premier clone humain, une petite Eve, sans preuve aucune. La nouvelle suscita une tempête de protestation et d’indignation, ainsi qu’un grand scepticisme de la part des milieux politiques, scientifiques et éthiques. Parmi d’autres, le président Jacques Chirac qualifia le clonage humain reproductif de «crime», soulignant que «les criminels doivent être poursuivis».
Sur le devant de la scène, Clonaid renchérit aussitôt, annonçant un deuxième bébé cloné, chez un couple de lesbiennes, mais toujours sans preuve. Un clonage se montait à 200 000 dollars, selon le site de la secte. Et en février 2003, un communiqué raélien dévoila le lancement d’un projet de «ventre artificiel», le «Babytron», «qui permettra de faire croître un enfant, cloné ou non, de sa conception à sa naissance, entièrement dans une machine».
Pris à son propre piège
Le caractère «farfelu, scientifiquement indéfendable et moralement irresponsable» de ces annonces a le mérite de révéler le «jeu de la secte», commentent les auteurs de l’ouvrage critique. Et de se demander quelle sera la réaction de Raël, lorsqu’il se retrouvera pris à son propre piège, contraint de répondre en justice d’actes délictueux et empêché de poursuivre ses agissements par des lois et une surveillance plus contraignante.
A plusieurs occasions déjà, les raéliens, qui prônent une douteuse «géniocratie», qui se montrent particulièrement agressifs vis-à-vis de l’Eglise catholique et qui pratiquent la «méditation sensuelle», ont eu maille à partir avec la justice. Ainsi, à Genève, des membres de la secte ont été condamnés pour discrimination raciale en décembre 2002. En France, des membres ou des proches du mouvement ont été condamnés pour agressions sexuelles d’une mineure ou pour corruption de mineures.
Pédophilie encouragée
L’ouvrage rappelle également dans le détail une affaire qui avait opposé les raéliens à «La Liberté», en 1997/98. Le quotidien fribourgeois avait refusé de publier un droit de réponse concernant un article de l’agence APIC qui affirmait que la secte «prône théoriquement dans ses écrits la pédophilie et l’inceste». Les raéliens avaient fait recours, mais le Tribunal cantonal fribourgeois avait alors admis que la secte «promeut bel et bien la pédophilie et l’inceste dans ses écrits». Le Tribunal fédéral avait finalement donné raison à «La Liberté»: un journal a le droit de refuser un droit de réponse lorsqu’il est manifestement erroné. Pierre Rottet, auteur de l’article incriminé et coauteur de l’ouvrage, s’étonne que, depuis lors, et malgré la décision de la Haute Cour, aucun canton n’ait interdit explicitement la diffusion sur son territoire de la littérature de la secte: «Sous le vague prétexte de la liberté religieuse, il y a pas mal de laxisme dans la surveillance et dans la mise en garde contre les dérives sectaires. Il appartient au législateur d’agir.» Lib
Encadré
Censure. et censurer avec le sourire
Le dossier de « La Liberté » consacré à ce livre et à cette secte est complété par une article publié par « Le Nouvelliste ». Le journaliste de ce quotidien valaisan, Vincent Fragnière dénonce la censure exercée par la secte à plusieurs médias, dont la TSR, « Le Matin » et « Le Nouvelliste ». « Car ce qu’ils ont écrit ou diffusé sur notre mouvement ne nous plaît pas », a prétexté Sylvie Chabot, directrice des relations publiques de la secte, en marge de la 5e « convention internationale raélienne », qu’abrite jusqu’à dimanche soir le Grand Hôtel du Golf, à Crans-Montana, en Valais. Ce qui fait dire, ou écrire, le cas échéant, à Vincent Fragnière: « Tout compte fait, sa censure (réd.: celle de Raël) est la seule que l’on accepte avec le sourire. »
L’article du « Nouvelliste » se conclut par une interview de Boris Ryser, qui mène un combat contre le mouvement raélien sur internet. Il fait partie de la toute nouvelle A.I.D.E.R, l’Amicale internationale des ex- raéliens et a écrit plus de 200 pages sur la Toile à leur sujet. Les raéliens, explique Boris Ryser au journaliste, « vendent le clonage pour 200’000 dollars. Comme il y a un trafic d’organes greffés, il y a aujourd’hui un trafic lié au clonage. C’est une mafia ».
Au Canada, deux journalistes ont infiltré le mouvement et ont publié 18 scandales qui lui sont rattachés, poursuit l’ex-raélien. « En Belgique, un film critique a été diffusé sur le sujet. En Suisse, un premier livre va sortir de presse en janvier (lire ci-dessus). Sur internet, nous avons créé une amicale d’antiraéliens. « Le Monde » prépare une grande enquête sur le mouvement. Pour l’instant, Raël n’est pas près d’augmenter ses 3’000 à 5’000 adhérents ». On est loin des 60’ 000 membres revendiqués par la secte. « Ce chiffre correspond à toutes les personnes qui ont assisté une fois en 25 ans à une rencontre raélienne ». (apic/lib/nl/vf)