St-Gall: Mgr Markus Büchel ouvre une enquête préliminaire
Suite aux résultats du projet pilote sur les abus sexuels, Mgr Markus Büchel, évêque de St-Gall, affirme avoir eu connaissance pour la première fois le 5 septembre 2023 du cas du prêtre accusé d’abus (connu par les initiales E. M.) et qu’il a immédiatement déclenché une enquête préliminaire. «Je ne connais pas le nom du prêtre. L’identification est en cours», a assuré Mgr Büchel. L’évêque exclut pour l’instant de démissionner et dit attendre les résultats de l’enquête préliminaire.
Le 14 septembre, Mgr Büchel a reconnu s’être empêtré la veille dans des déclarations contradictoires. Il connaît parfaitement ce cas, mais ne peut pas citer le nom du prêtre mis en cause pour des questions juridiques
Charles Martig, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Un jour seulement après la présentation nationale du projet pilote sur les abus sexuels dans l’Eglise (le 12 septembre 2023, à Zurich), le diocèse de Saint-Gall prend également position sur les cas concrets contenus dans le rapport. Lors d’une conférence de presse convoquée à la hâte, Mgr Markus Büchel se présente aux médias, avec le responsable pastoral Franz Kreissel et Vreni Peterer, porte-parole de l’association de victimes IG-MikU.
«C’était une grosse erreur»
Mgr Markus Büchel reconnaît des erreurs. Il se réfère en particulier au cas du prêtre et abuseur présumé E. M.: «C’était une grave erreur. Je le reconnais et je présente mes excuses aux personnes concernées». Il confirme que la Conférence des évêques suisses (CES) a reçu le rapport dès le 5 septembre. «J’ai immédiatement ouvert une enquête préliminaire contre E. M.», indique-t-il. Dans le même temps, l’évêché a déposé une plainte pénale auprès du Ministère public.
Ni Mgr Büchel, ni son responsable pastoral Franz Kreissel, ne connaissent le nom de l’auteur présumé de l’infraction. Etant donné que les documents relatifs à cette affaire proviennent des archives de la commission d’experts diocésaine contre les abus sexuels, cette information est toutefois difficile à admettre. De plus, en 2010, une victime d’abus a réagi violemment lorsqu’elle a vu le prêtre E. M. concélébrer avec Mgr Büchel. Elle s’est alors adressée à la commission spécialisée. Mais cela n’a pas non plus abouti à l’ouverture d’une procédure.
«Je ne sais pas qui est ce prêtre et je ne m’en souviens pas», affirme l’évêque de St-Gall. Interrogés, les responsables du diocèse n’ont pas voulu donner d’autres renseignements, arguant qu’il s’agit d’une procédure en cours.
Mgr Fürer accusé de passivité
L’affaire E. M. remonte à l’époque où Mgr Ivo Fürer (décédé en 2022) était évêque de St-Gall (de 1995 à 2005). Malgré les recommandations claires de l’organe spécialisé du diocèse et de la CES, Mgr Fürer n’a entrepris aucune action en justice concernant ce cas. Ivo Fürer a probablement enfreint en cela le droit de l’Église. En 2012, enfin E. M. a été transféré dans sun couvent, mais il a quand même été nommé aumônier dans plusieurs communautés. Dans la perspective actuelle, Markus Büchel considère cela comme une erreur évidente.
L’enquête préliminaire lancée par le Vatican vise également Mgr Büchel lui-même. L’affaire E. M. est en cours depuis 2002. «Mgr Ivo ne m’a transmis aucune affaire en suspens», note l’évêque. Il affirme qu’il n’était pas au courant de cette affaire jusqu’à ce qu’il en soit informé le 5 septembre dernier. Lorsqu’on lui demande s’il va démissionner, il répond: «Je veux attendre le résultat de l’enquête canonique préliminaire et me décider».
Vreni Peterer déclare lors de la conférence de presse à Saint-Gall: «Personnellement, je suis très déçue par l’action de Mgr Fürer.» Et elle ajoute avec force: «Ivo Fürer a bloqué la procédure et n’a pas suivi sa commission d’experts diocésaine. Cela me choque et ébranle ma confiance dans l’évêché de Saint-Gall.» Elle estime néanmoins important que Mgr Büchel reconnaisse les erreurs commises et l’affirme publiquement.
«Les Lumières font mal aux yeux»
«Je ne me bats pas contre l’Église. Je me bats pour une Église sans abus», dit Vreni Peterer. Mais elle pose aussi des questions critiques et demande à l’évêque si le prêtre E. M. n’avait plus d’activité pastorale à partir de maintenant. La réponse de Markus Büchel reste générale: «Nous avons pris toutes les mesures nécessaires». Il n’a cependant pas pu confirmer avec certitude que ces mesures avaient été mises en œuvre à partir du moment où l’enquête préliminaire a été ouverte. D’autant plus que, selon Mgr Büchel, l’évêché ne connaît pas encore l’identité de l’auteur présumé.
Franz Kreissel souligne qu’aujourd’hui le diocèse de Saint-Gall a fait des progrès importants, surtout en matière de prévention. «Les abus détruisent la confiance des croyants», souligne le responsable de la pastorale. «La lumière fait mal aux yeux», ajoute-t-il. Mais il n’est pas acceptable que tous les collaborateurs de l’Église soient soumis à des soupçons généraux.
Au sujet du changement culturel tant évoqué, déjà évoqué par Mgr Joseph Bonnemain lors de la conférence de presse nattionale du 12 septembre, Franz Kreissel déclare: «Il faut beaucoup de temps pour que la conscience et la culture changent.» (cath.ch/kath/cm/rz)
Le rapport du projet pilote sur l’histoire des abus sexuels dans l’Eglise suisse a permis de dénombrer, entre 1950 et 2022, 1’002 cas d’abus sexuels sur 921 victimes pour 510 auteurs. Selon les historiens, il ne pourrait s’agir là que de la partie émergée de l’iceberg. La faillite de l’institution et les négligences des évêques dans la gestion des abus sont pointées du doigt.