Suisse: Dialogue de Pâques avec Gottfried Locher, nouveau président de la FEPS
Spirituel, éloquent et ecclésial, un ton nouveau chez les protestants
Berne, 11 avril 2011, (Apic) Le pasteur Gottfried Locher est depuis le début de l’année le nouveau président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Il rêve de faire revivre certaines traditions «catholiques». Mais que lui reste-t-il de réformé ? Un dialogue pascal.
Cent jours après leur entrée en fonction, les politiciens ont l’habitude de tirer un premier bilan et de jeter un regard sur leur agenda politique. Le nouveau président de la FEPS, peu enclin à se montrer en public, commence par refuser : «Je suis un pasteur et non pas un homme politique». Comme responsable d’Eglise, Gottfried Locher veut s’orienter sur l’année liturgique. Il baptisera ainsi notre rencontre : entretien de Pâques.
A l’origine la FEPS passait surtout pour le haut-parleur des réformés de Suisse concernant les questions socio-politiques. Elle devait s’insérer dans le débat politique et donner des mots d’ordre pour les votations. Les mauvaises langues prétendent que le Conseil synodal cantonal bernois a envoyé Gottfried Locher à la FEPS, précisément parce qu’il aurait moins de pourvoir d’influence que dans l’exécutif de l’Eglise réformée cantonale.
Il en est encore ainsi… pour le moment. Gottfried Locher, et il n’est pas le seul, penche pour une centrale plus forte qui soit aussi une instance ecclésiale pour les réformés de Suisse. Le président de la FEPS s’intéresse plus que ses prédécesseurs aux messages spirituels. Et à ma propre surprise, je trouve une écoute. C’est un avantage de ne pas posséder de pouvoir de fonction. Mes paroles prennent du poids uniquement par leur crédibilité.»
A l’avenir Gottfried Locher souhaite aussi inviter les Eglises membres «à nous céder volontairement des compétences» que soit pour le travail médiatique, la formation ou dans les négociations avec l’Etat à propos des impôts. Les grandes Eglise cantonales comme Zurich et surtout Berne avec leur propre et puissant appareil ecclésial ont jusqu’à présent bloqué cette démarche.
G. Locher pense même déjà plus loin : il aimerait voir accorder à la FEPS la compétence de mettre en place des prescriptions pour le culte. Il le sait pertinemment: «le thème de la liturgie est délicat pour la FEPS. Je dois d’abord convaincre les personnes que la forme des célébrations est aussi la base de l’œcuménisme. Et ce dernier relève des compétences reconnues de la Fédération.»
Une nouvelle culture de la célébration et un credo unique
Encore sans pouvoir, mais avec plaisir et engagement, l’enseignant de dogmatique et d’œcuménisme à la Faculté de théologie catholique de Fribourg travaille déjà à une nouvelle culture du culte protestant: pour des habits liturgiques de couleur, pour la qualité de la prédication (10h de préparation !) ou pour la redécouverte de l’Eucharistie.
Il propage enfin l’idée d’un credo contraignant pour les réformés. En 2008 déjà un groupe de travail a créé le nouveau «credo de Kappel» qui a repris un poème du pasteur bernois Kurt Marti, comme une profession de foi réformée moderne et poétique. En outre G. Locher plaide pour la reprise du symbole des apôtres vieux de 1’800 ans, lequel reconnaît notamment la naissance virginale du Christ et l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique. «Nous devons d’abord nous assurer d’où nous venons», insiste-t-il. «Ensuite seulement nous pouvons ouvrir un processus synodal et nous entendre sur ce nous voulons garder et ce qui doit être reformulé.»
Pas le «contraire» des catholiques
Interrogé sur ses réticences ou ses peurs vis-à-vis de l’Eglise catholique, G. Locher répond: «J’appartiens à la même tradition chrétienne.» Il travaille d’ailleurs à la «catholicité» de son Eglise réformée c’est-à-dire à avoir un profil national commun et un label unifié.
Le fondement en est d’abord le refus d’une identité fondée sur l’apparence: «Etre réformé ne signifie pas être le contraire de catholique.» En rapport avec le temps du carême, il recommande: «Nous avons renoncé à tant de choses de la tradition. Peut-être devrions-nous renoncer au renoncement.»
La ligne directrice qui créé l’identité est pour G. Locher un «visage», le Christ lui-même. C’est à lui que se raccorde une tradition ecclésiale qui s’est développée dans le temps. A la lumière des 1’500 ans de tradition partagée avec les catholiques, les 500 ans d’histoire réformée semblent s’estomper chez G. Locher. «Chaque période ne peut-elle pas apporter des trésors de la foi qui peuvent fonder l’identité chrétienne ? D’un certain point de vue, notre tradition est plus originelle. Par exemple dans le respect des Eglises locales ou la participation du peuple à la direction de l’Eglise. Nos épiscopes sont bien plus conformes au Christ. Tandis que les évêques catholiques avec leur faste représentent uniquement le Christ triomphant.»
Une chapelle plutôt qu’un bureau
Lorsqu’il s’agit de bâtiments religieux, G. Locher reste plus proche de la tradition réformée de sobriété. Il ne se sent pas tout à fait à l’aise dans des églises baroques comme celle du couvent d’Einsiedeln. Ce qui ne l’empêche cependant pas d’aller se ressourcer régulièrement auprès des bénédictins du lieu. G. Locher reste un réformé, mais en tant que tel aussi un chrétien affirmé. Rien ne peut mieux symboliser son programme que le seul changement visible qui l’a apporté à la villa cossue qui abrite la FEPS en ville de Berne: il a renoncé à un bureau personnel et a fait installer une chapelle dans l’espace prévu pour lui. (apic/rewi/job/mp)
A l’unisson derrière le pasteur
Les brebis réformées, traditionnellement plutôt têtues face aux appels des pasteurs, semblent en majorité unies derrière le nouveau président de la FEPS. Le journaliste spécialisé Peter Schmid est reconnaissant pour l’accent mit par G. Locher sur des cultes attrayants et nourrissants. De même il apprécie les efforts pour un profil réformé en particulier autour d’une confession de foi commune.
Barbara Fankhauser, vice-présidente des femmes protestantes de Suisse, représentante de l’aile libérale, qui avait été candidate malheureuse contre lui en 2007 pour le Conseil, apprécie les qualités humaines de G. Locher. Elle ne laisse pas apparaître le moindre dépit. «Il prend le temps, est vraiment intéressé et écoute ce qui est dit.» Elle est également convaincue par son ouverture aux questions féminines. Du côté catholique, Karl Graf, d’»Eglise en dialogue», se réjouit de la redécouverte par les réformés des sacramentaux. Il comprend aussi le défi de redécouvrir sa propre tradition.
Les voix critiques sont rares mais pas inexistantes: «Les vêtements liturgiques ou l’introduction d’une profession de foi «réchauffée» ne sont que des choses extérieures. On ne peut pas tirer de cela un nouveau profil», estime le pasteur libéral Jürg Häberlin. Pour lui l’expression de l’identité réformée reste une communauté ouverte et en recherche. Avec des personnalités comme Thomas Wipf, le prédécesseur de G. Locher, cette foi en chemin était visible. Il ne retrouve pas cela chez le nouveau président de la FEPS, pas plus que la «note politique prophétique».
Avis aux rédactions :
Des photos libres de droit de Gottfried Locher sont disponibles sous : http://www.flickr.com/photos/ecumenix/sets/72157626380202994/
(kipa/rewi/job/mp)