Soudan du Sud: le pape appelle à protéger les femmes
Lors d’une rencontre avec des déplacés internes durant laquelle a été rappelée l’urgence humanitaire au Soudan du Sud, le 4 février 2023, le pape François a renouvelé son appel aux dirigeants pour que le processus de paix reprenne et que la population puisse retrouver une vie digne. Se tournant vers les femmes, souvent victimes de violences sexuelles, il a demandé qu’elles soient protégées et impliquées dans la reconstruction du pays.
Le tableau est effroyable. Sur la scène du Freedom Hall de Djouba, devant le pape François, Sara Beysolow Nyanti, la représentante des Nations Unies au Soudan du Sud, expose la terrible réalité des habitants de ce pays où plus de 4 millions de personnes ont quitté leur foyer à cause des conflits et des inondations. C’est la plus grande crise de réfugiés en Afrique, insiste-t-elle, avec des niveaux extrêmes d’insécurité alimentaire et de malnutrition qui touchent deux tiers de la population du pays. La responsable rapporte le quotidien des femmes et des filles qui risquent d’être violées dans l’exercice de leurs activités. Quant aux enfants, ils sont exposés aux risques d’être enlevés, recrutés par des groupes armés locaux, ou victimes de la traite.
Humanitaires ciblés
Au Soudan du Sud, les catastrophes climatiques ajoutent au chaos et les besoins humanitaires sont colossaux. En 2023, on estime que les organisations auront besoin de 1,7 milliard de dollars pour répondre aux besoins de 6,8 millions de personnes, à une époque où la guerre en Ukraine pénalise fortement les dotations.
Mais en plus du défi financier, c’est la présence physique des humanitaires sur place qui est désormais menacée. «Le Soudan du Sud reste l’endroit le plus dangereux pour les travailleurs humanitaires, suivi par l’Afghanistan et la Syrie», avertit Sara Beysolow Nyanti. Elle explique qu’en 2022, plus de 390 incidents contre des travailleurs humanitaires ont été signalés, et 9 humanitaires ont perdu la vie. Dans son discours prononcé en présence d’environ 2’500 personnes, le pape argentin a tenu à rendre hommage à ces personnes assassinées. Les humanitaires «ne peuvent devenir des cibles d’agression et de vandalisme», a-t-il insisté.
Déjà 8 ans dans un camp pour déplacés
«Pourquoi sommes-nous en train de souffrir dans ce camp?». Sous les toiles blanches de la vaste tente du Freedom Hall, la question de Joseph Lat Gatmai, 16 ans, résonne. L’adolescent est entré dans un camp pour déplacés à l’âge de 8 ans. «J’ai grandi là», résume celui dont l’avenir dans ce pays ravagé par les conflits ethniques semble sans espoir.
«J’ai longtemps pensé à vous, portant dans mon cœur le désir de vous rencontrer, de vous regarder dans les yeux, de vous serrer les mains et de vous étreindre», confie en retour le pontife argentin. Faisant allusion aux chiffres dramatiques évoqués par la représentante des Nations Unies, le pape déplore le fait que, «dans ce pays martyrisé, être déplacé ou réfugié est devenu une expérience habituelle et collective». Et de renouveler «de toutes [ses] forces l’appel le plus pressant à mettre fin à tout conflit, à reprendre sérieusement le processus de paix afin que les violences prennent fin et que les gens puissent retrouver une vie digne».
Pas d’avenir sans les femmes
Devant la tragédie humanitaire en cours, le pape voit dans les mères et les femmes la «clé pour transformer le pays». Il a plaidé pour qu’elles aient l’opportunité et les capacités de changer le visage du Soudan du Sud. «Mais, s’il vous plaît, a-t-il enjoint, je supplie tous les habitants de ces terres: que la femme soit protégée, respectée, valorisée et honorée». Dans ce pays où les femmes sont parfois réduites à des objets sexuels, le pape insiste: «S’il vous plaît: protéger, respecter, valoriser et honorer toute femme, enfant, fille, jeune personne, adulte, mère, grand-mère. Autrement, il n’y aura pas d’avenir».
C’est aussi aux jeunes que le pape vient tendre la main, eux qui sont «la graine d’un nouveau Soudan du Sud». Afin de mettre un terme au fléau du tribalisme, il demande aux jeunes d’ethnies différentes d’être «les premières pages» d’un nouveau récit. «Si les conflits, les violences et les haines ont arraché les premières pages des bons souvenirs de la vie de cette République, c’est à vous d’en écrire l’histoire de paix!», a-t-il conclu.
«Merci d’être un grand messager de Dieu. Nous n’oublierons jamais ce jour», a lancé une jeune fille. Elle a demandé au pape d’apporter sa bénédiction à tous les enfants du Soudan du Sud, sous de vifs applaudissements. (cath.ch/imedia/hl/rz)
Le pape François effectuera son 40e déplacement à l’étranger depuis son élection en Afrique, du 31 janvier au 5 février 2023. Il visitera d’abord la République démocratique du Congo (RDC), atterrissant à Kinshasa le 31 janvier.