D'un canton à l'autre, quitter l'Eglise n'a pas les mêmes conséquences | © Pixabay
Suisse

Sortir de l'Eglise: une notion ambiguë

Un article paru dans le quotidien gratuit 20 Minuten relance le débat autour des sorties d’Eglise outre-Sarine. Mais que signifie réellement «sortir de l’Eglise» et quelles en sont les conséquences? Décryptage.

Comment puis-je quitter l’Eglise? [Wie trete ich aus der Kirche aus?] L’article paru le 2 mai 2019 dans le gratuit alémanique 20 Minuten explique en quelques paragraphes la manière de quitter l’institution. Unique raison évoquée pour s’atteler à une telle démarche: l’impôt ecclésiastique. «Plus de la moitié de la population suisse verse jusqu’à 1000 francs par an d’impôt ecclésiastique, raison pour laquelle les fidèles fuient l’Eglise», affirme 20 Minuten.

L’impôt ecclésiastique est une réalité largement répandue dans les divers cantons de Suisse alémanique. Lorsqu’un citoyen s’annonce comme catholique, il y est soumis. Pour s’y soustraire, il doit adresser une lettre à sa paroisse de domicile déclarant son intention de sortir de l’Eglise.

En Suisse romande, seuls les cantons de Fribourg, du Jura et la partie francophone du canton de Berne prélèvent obligatoirement un impôt ecclésiastique. Partout ailleurs, inutile de rompre avec l’Eglise uniquement pour alléger ses impôts.

Deux types de sorties

Prenons le cas du canton de Fribourg, où le contexte s’apparente au contexte alémanique. On y retrouve un système dual, où l’Eglise se distingue des corporations ecclésiastiques qui, notamment, pourvoient à son financement.

Dans ce contexte, deux types de sorties existent. On peut quitter les corporations sans pour autant quitter l’Eglise catholique. La «sortie partielle» permet de ne plus payer l’impôt, sans renier totalement sa foi et son appartenance à l’Eglise catholique universelle. Reste une question de cohérence. Un arrêt du Tribunal fédéral daté du 9 juillet 2012 stipule que, dans le cas où une personne rompt avec l’Eglise uniquement pour économiser sur l’argent des impôts, mais continue à «recourir sans réserve aux prestations financées par l’Eglise» – comme la célébration de funérailles –, il s’agit d’un «abus de droit». La «sortie totale», quant à elle, inclut une volonté de rupture avec l’Eglise catholique.

Hérésie, apostasie et schisme

Le code de droit canon qui régit l’Eglise catholique romaine mentionne trois actes formels qui induisent de facto une rupture avec la communauté ecclésiale:

  • L’hérésie, soit «la négation obstinée, après la réception du baptême, d’une vérité qui doit être crue de foi divine et catholique [comme la divinité du Christ. ndlr], ou le doute obstiné sur cette vérité».
  • L’apostasie, soit «le rejet total de la foi chrétienne».
  • Le schisme, soit «le refus de soumission au Pontife Suprême [le pape, ndlr] ou de communion avec les membres de l’Église qui lui sont soumis.»

Des actes qui ont notamment pour conséquence le renoncement aux sacrements, aux funérailles religieuses, mais aussi à la fonction de parrain ou de marraine de baptême ou de confirmation.

Un appel à quitter l’Eglise

«Sortir de l’Eglise» est donc un concept équivoque, qu’il faut prendre le temps de décortiquer. L’option proposée dans les colonnes de 20 Minuten reste problématique aux yeux de nombreux responsables catholiques. Elle évoque la possibilité de ne plus payer d’impôt mais propose des pistes concrètes pour se marier à l’église, y être enterré ou y faire baptiser ses enfants.

«On réduit ainsi l’appartenance à l’Eglise à des avantages personnels», fulminait le secrétaire de la Conférence centrale catholique romaine, Daniel Kosch, sur sa page Facebook, le 2 mai dernier. «L’article encourage indirectement à économiser l’impôt ecclésiastique tout en continuant d’obtenir des ‘services religieux’». Le responsable de la communication pour l’Eglise catholique dans le canton de Zurich, Simon Spengler, y voit même un appel à quitter l’Eglise, selon kath.ch.

20 Minuten nuance toutefois: «sachez que l’Eglise est aussi une institution sociale et que vous soutenez indirectement des œuvres d’entraide et des projets sociaux avec votre contribution.» Une mention inscrite «en marge de l’article et en petits caractères», regrette Daniel Kosch. (cath.ch/pp)

D'un canton à l'autre, quitter l'Eglise n'a pas les mêmes conséquences | © Pixabay
6 mai 2019 | 17:02
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture : env. 3  min.
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