Sondage: Le prêtre en France reste une figure appréciée
Un sondage publié par La Croix, dans l’édition du 3 juin 2017, révèle l’image très positive des prêtres dans la société française, toutes catégories confondues. Même si, pour deux tiers des Français, l’image des prêtres a été «affectée» par les affaires de pédophilie.
Comme elle le fait régulièrement depuis 1993, La Croix a interrogé à nouveau le rapport qu’entretiennent les Français avec leurs prêtres, en collaborant avec l’Ifop (Institut français d’opinion publique). Leur image est extraordinairement positive, «étonnamment positive même», reconnaissent certains prêtres interrogés.
Avec la raréfaction des vocations presbytérales, la révélations en série de de délits sexuels commis par plusieurs prêtres et «couverts» par leur hiérarchie, et après des décennies d’une sécularisation massive, l’image des prêtres semblerait logiquement abimée et pâlie. À première vue, il n’en est rien.
L’image du prêtre reste étonnamment stable
Pour l’immense majorité des Français, le prêtre est «un homme d’écoute»: ils sont 83 % à le dire, 98 % des catholiques pratiquants et tout de même 68 % des sans-religion. 71 % des Français (contre 67 % en 1993) considèrent le prêtre comme «proche des autres hommes». Un sur deux (soit 11 points de plus qu’il y a vingt-quatre ans) le juge même «heureux, épanoui». Les Français n’hésitent pas à poser les mots de la foi: 52 % continuent à les voir comme «des témoins de Dieu sur la terre». Les qualificatifs majoritairement retenus pour les désigner sont dans la même veine: les prêtres sont jugés «disponibles» à 76 %, mais aussi «dignes de confiance» (68 %).
«Cette image globale est contraire à ce que l’on entend dans les milieux catholiques, relève le Père Jean Rouet, vicaire général du diocèse de Bordeaux. Le prêtre y est généralement considéré comme injoignable, pressé et débordé de travail.»
L’image du prêtre reste donc étonnamment stable. Il est jugé à la fois «ouvert» et «moralisateur» exactement dans les mêmes proportions. Alors que les évêques ont bien du mal à conserver le maillage territorial de l’Église, les Français eux sont convaincus que lorsque le besoin s’en fera sentir, un prêtre sera disponible pour eux, auquel ils auront envie de se confier.
L’Église ne fait «plus peur»
Interrogés sur l’impact pour eux des révélations d’actes pédophiles commis par des membres de l’Église catholique, les sondés reconnaissent qu’elles ne les ont pas laissés indemnes: pour les deux tiers des Français, l’image des prêtres a été «affectée» par ces affaires, et même 70 % des 35-49 ans, autrement dit ceux qui sont en âge d’avoir de jeunes enfants. Mais les non-pratiquants sont plus nombreux dans ce cas que les pratiquants.
«L’image et le rôle du prêtre font consensus, s’étonne la sociologue Céline Béraud. Peut-être est-ce parce que cette figure ne fait plus débat, parce qu’elle est devenue une figure lointaine?» À ses yeux, cette représentation positive pourrait n’être finalement que l’aboutissement ultime de la sécularisation: privée d’autorité morale, l’Église – et donc le curé – ne fait «plus peur».
Directeur de l’Ifop, Jérôme Fourquet se demande, lui aussi, s’il ne faut pas voir là l’explication d’une sorte d’erreur de perspective: «De nombreux Français voient les prêtres comme des hommes heureux, disponibles. Visiblement, ils ne connaissent pas réellement leur vie, leur isolement, leurs difficultés matérielles, l’étirement géographique de leurs paroisses.»
Différences significatives selon l’âge des sondés
Pourtant, et c’est l’un des enseignements majeurs de cette étude, les Français sont encore nombreux à avoir été «en contact au cours de leur vie» avec l’un d’entre eux; mais cette proportion s’effondre littéralement chez les plus jeunes. Alors que 76 % des Français, toutes tranches d’âge confondues, répondent par l’affirmative (dont 31 % à de nombreuses reprises et 45 % rarement), seul un jeune de 18 à 24 ans sur deux est dans ce cas.
Une rupture générationnelle problématique, soulève Mgr Jean-Marc Eychenne. L’évêque de Pamiers, en Ariège, relie directement la perception des prêtres par les Français avec la question des vocations presbytérales: «L’éveil des vocations passe par une identification possible de jeunes aux prêtres. Or ici, on sent bien que l’image des prêtres est plus négative chez les plus jeunes.» Autre frein possible, selon lui, à l’attrait de la prêtrise: le fait que les prêtres ne soient «utiles pour la cohésion sociale» que pour 55 % des Français.
«Nous ne ‘servons’ plus à rien»
De fait, l’»utilité sociale» des prêtres apparaît globalement en baisse: un peu plus de la moitié seulement de la population les considère comme «utiles à la quête de sens». Et le même nombre estime (notamment chez les actifs et dirigeants d’entreprise) qu’ils sont «éloignés des réalités». Cette recherche «d’efficacité et de prise rapide sur le réel», n’étonne pas le Père Jean Rouet. «Les prêtres sont très peu visibles dans le travail de transformation sociale. Nous ne ‘servons’ plus à rien: on fait beaucoup moins l’école, les colonies de vacances,…», souligne-t-il, plus inquiet de voir les attentes des catholiques pratiquants se porter sur «la transmission des valeurs». «La vie chrétienne a tendance, dans cette perspective, à se réduire à une morale», remarque-t-il. (cath.ch/lcx/gr)