Devant la chapelle des Sœurs de Saint Maurice, Sœur Berta reçoit les félicitations de ses amis, le 9 octobre 2022| © Bernard Litzler
Suisse

Sœur Berta Lutolf: «La femme est du côté de l’inspiration»

Berta Lutolf a fêté, le 9 octobre 2022, ses 50 ans de vie religieuse au sein de la communauté des Sœurs de Saint Maurice. Ancienne supérieure générale de sa communauté, elle reste active pour l’accompagnement spirituel et l’économat. Rencontre à la Pelouse à Bex avec une religieuse rayonnante.

Les Sœurs de Saint Maurice ont célébré, le 9 octobre, un double jubilé de profession religieuse: Sœur Berta, 50 ans, et Sœur Claire-Isabelle Siegrist, 25 ans. Originaire du Haut-Valais, la souriante Berta Lutolf a accepté de parcourir, pour cath.ch, son parcours dans la vie religieuse. Celle qui fut supérieure générale durant onze ans porte sur le monde et sur l’Église un regard d’espérance, dans la dynamique insufflée par le pape François.

Cath.ch: Vous êtes entrée en 1972 chez les Sœurs de Saint Maurice, il y a 50 ans…
Berta Lutolf: D’abord, il y a eu l’entrée dans la communauté en 1970. J’ai quitté la maison et je suis arrivée dans un milieu romand. Je ne connaissais pas bien la langue française. C’était un vrai changement de culture. Après, il y a eu les six mois de postulat et les deux ans de noviciat.

Ces années 1970 étaient des années de mutation pour l’Église…
En 1972, on était après la fin du Concile Vatican II. Il y avait une demande d’aggiornamento de la vie religieuse. On a été invitées à refaire nos constitutions et toute notre communauté était au travail. On se réunissait régulièrement pour exprimer ce que nous voulions vivre vraiment.

«Dans les années 1990, il y avait environ une centaine de religieuses de Saint Maurice»

C’était stimulant, mais avec une part d’incertitude. Nous participions à ce renouveau dès notre entrée en communauté. Nous avions régulièrement des journées de formation en spiritualité, en liturgie et en dogmatique avec les chanoines de Saint-Maurice, notamment les chanoines Gabriel Ispérian, Georges Athanasiadès, Alexis Rouiller et des sessions bibliques avec Grégoire Rouiller.

Comment votre engagement dans la vie religieuse a-t-il pris forme?
Le 17 septembre 1972, j’ai prononcé mes premiers vœux. Puis j’ai été envoyée à l’école d’infirmières à Viège, entre 1972 et 1975. Et en 1976, je suis arrivée dans notre clinique de Saint-Amé à Saint-Maurice. J’y suis restée 21 ans, jusqu’en 1997. J’ai ensuite été élue supérieure générale par mes consœurs, pour un premier mandat de six ans, puis pour un second mandat de cinq ans.

Dans les années 1990, il y avait environ une centaine de religieuses, dont 80 en Suisse et une vingtaine à Madagascar. Maintenant, nous sommes 50 religieuses suisses et 56 malgaches. A la fin de mes mandats de supérieure générale, on m’a demandé de rester à la Pelouse à Bex, dans le service de l’accueil et de l’économat général.

Sœur Berta, à droite, avec sa consœur Marie-Thérèse lors de la fête de ses 50 ans de vie religieuse | © Bernard Litzler

Vous vous êtes aussi lancée dans l’accompagnement individuel
En 2008, j’ai été engagée à mi-temps par l’Église du canton de Vaud pour le service de la vie spirituelle. Nous avons proposé des accompagnements individuels pour les personnes en recherche de sens. Petit à petit, nous avons proposé des semaines de retraite accompagnée en paroisse.

«Le pape François a lancé le mouvement synodal, et c’est formidable.»

C’est une belle expérience, en travaillant avec la pédagogie des Exercices spirituels de saint Ignace. A la Pelouse, on a pu proposer une alternative à l’accueil, en créant une fraternité qui proposait un accompagnement avec d’autres personnes, un laïc dominicain professeur de yoga, Sœur Isabelle, bibliste, et une sœur xavière qui nous rejoignait ponctuellement pour un temps de supervision. Par la suite, deux autres Sœurs ont rejoint la fraternité avec pour mission l’accueil des personnes qui souhaitent «venir à l’écart et se reposer un peu».

Comment avez-vous vécu l’évolution de la vie de l’Église depuis 50 ans?
Après le Concile, il y avait une ouverture, une effervescence même, avec une grande vitalité. Il y a eu aussi des défections, bien sûr, avec des sœurs qui partaient. Mais globalement, ce temps était plein de dynamisme. Ces dernières années, j’avais parfois l’impression qu’on aurait besoin d’un nouveau concile car on vit un peu sur les acquis.

Actuellement, le pape François a lancé le mouvement synodal, et c’est formidable. Un renouveau apparaît, même s’il n’est pas toujours bien accueilli. On était au bout de quelque chose, mais l’arrivée de François a donné un nouveau souffle. Plutôt que de se faire du souci pour les églises qui se vident, le pape nous appelle à rejoindre les gens là où ils sont, car il y a une grande soif. Une soif qu’on ne peut plus désaltérer avec les mêmes moyens?

Selon vous, quelle est la place pour la vie religieuse, aujourd’hui?
Il y a l’attachement au Christ Jésus qui nous appelle comme il a appelé au long des âges. Maintenant, la vie communautaire apparaît encore plus difficile pour les jeunes générations. Déjà dans les familles, c’est plus individuel. C’est donc un grand défi que de se décider de partager la vie avec d’autres.

«Mon rêve, c’est que quand nous nous appelons frères, sœurs, nous le soyons en vérité.»

Je note que nos sœurs âgées sont très favorables à la jeunesse: elles espèrent que la joie de s’engager avec le Christ, au service des autres, puisse être perçue et que cette joie soit accueillie par les jeunes et les aide à faire confiance.

Quels conseils donnez-vous à de jeunes religieuses?
Juste d’accepter de faire ce pas, de donner son oui, sans savoir d’avance où cela va les amener. Faire confiance, chemin faisant. Car on perçoit intérieurement une petite voix qui nous dit: vas-y ! Mais c’est sans assurance… De toute manière, dans aucun engagement on n’a d’assurance sur ce qui va arriver. C’est une question de confiance à une parole qu’on entend.

Quel est votre rêve pour l’Église?
D’être nourrie par cette parole qui nous vient de Dieu, au service des autres. L’attention aux sœurs et aux frères est essentielle, notamment celles et ceux qui ne sont pas considérés par notre monde. Être pauvre avec les pauvres, en fait. Car si on va de ce côté, on se sent soi-même appelé à une pauvreté. Plutôt que de chercher les réussites, comme les voit le monde.

Et quelle serait la place de la femme dans ce rêve?
La femme est du côté de l’inspiration, du côté du souffle. Qu’elle soit et reste en lien avec le souffle de l’Esprit. On peut discuter longtemps sur les ministères, la prêtrise, l’égalité… et il y a quelque chose à chercher, mais dans un rapport de fraternité et non de pouvoir. Mon rêve, c’est que quand nous nous appelons frères, sœurs, nous le soyons en vérité. (cath.ch/bl)

Devant la chapelle des Sœurs de Saint Maurice, Sœur Berta reçoit les félicitations de ses amis, le 9 octobre 2022| © Bernard Litzler
16 octobre 2022 | 17:00
par Bernard Litzler
Temps de lecture : env. 5  min.
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