La situation au Nigeria va-t-elle dégénérer?
Le Nigeria est une bombe à retardement. Tel est le constat du récent rapport d’une ONG américaine de défense de la liberté religieuse. La violence et la discrimination menacent de déchirer le pays et d’étendre l’actuelle crise des réfugiés à toute la région.
«Le Nigeria est sur le point de se fracturer sur les lignes de faille religieuses», assure le rapport publié début juin 2016 par l’organisation 21st Century Wilberforce Initiative.
«Ce qui se déroule en ce moment au centre et au nord du Nigeria constitue l’une des crises humanitaires les plus étendues et négligées au monde», souligne Elijah Brown, président de l’ONG basée à Washington, relayé par l’agence d’information américaine Catholic News Agency (CNA).
Les attaques perpétrées par la secte islamiste Boko Haram sur les villages et les écoles ont déplacé des millions de personnes, ces dernières années. S’ajoutent à cela, depuis quelques temps, les assauts des nomades Foulanis dans le centre du pays, où des villages entiers ont été détruits. Tout cela a créé une profonde crise humanitaire, rendue encore plus problématique par le fait que de nombreuses personnes déplacées sont des populations particulièrement vulnérables, notamment des femmes enceintes et de jeunes enfants. Ils sont confrontés à l’insécurité alimentaire et disposent d’un accès très restreint aux services de santé. Les enfants ne sont en outre pas scolarisés.
Une crise qui pourrait toucher l’Europe
Si cette crise n’est pas traitée, elle pourrait aboutir à une fragmentation du pays, avertit 21st Century Wilberforce Initiative. Dans le cas où les réfugiées décidaient de fuir le Nigeria, la crise pourrait se propager à d’autres régions d’Afrique et même à l’Europe, relève l’ONG.
Près de 15 millions de personnes ont subi les effets de la violence dans la région. On enregistre 2 millions d’habitants déplacés à l’intérieur du pays. Mais le chiffre réel est probablement de 5 à 7 millions. L’ONG américaine rappelle ainsi qu’il s’agit de la plus grande crise humanitaire dans le monde, après celle qui se déroule en Syrie.
La discrimination religieuse est sous-estimée
Le rapport note que la «discrimination systématique» contre les minorités religieuses, au nord du pays, ne fait que renforcer les problèmes. Une discrimination qui, d’après Elijah Brown, est sous-estimée. Il rappelle par exemple que 12 Etats du Nord ont adopté la charia (loi islamique) comme principe juridique. Dans certains endroits, des services de santé sont interdits aux non-musulmans, les chrétiens ne sont pas autorités à construire des églises et des zones à majorité chrétiennes sont laissées sans forces de sécurité suffisantes. Des lois anti-blasphèmes ont également surgi dans certains endroits. Le rapport note cependant également que, dans des secteurs à majorité chrétienne du sud du Nigeria, des discriminations contre les musulmans sont observées.
21st Century Wilberforce Initiative souligne que les tensions religieuses ont sapé la cohésion sociale. Les chrétiens ne font souvent plus confiance à leurs voisins musulmans, dans le Nord, les soupçonnant d’avoir coopéré avec Boko Haram.
L’ONG exhorte ainsi à voir plus loin que la crise économique et à prendre sérieusement en compte les violations de la liberté religieuse dans le pays. (cath.ch-apic/cna/rz)