Jean-Raphaël Kurmann a travaillé sur la pastorale du tourisme de la partie francophone du diocèse de Sion. | © B. Hallet
Suisse

Sion: l'Eglise à l'office... du tourisme

Le Valaisan Jean-Raphaël Kurmann a rendu, en été 2018, une étude à l’évêque de Sion, Mgr Jean-Marie Lovey, en prélude à la relance de la pastorale du tourisme. Ses conclusions préconisent notamment de créer du lien entre les paroisses et les offices du tourisme.

«Lorsque je regarde le bilan annuel de Valais – Wallis Promotion, je trouve le nombre de nuitées, des statistiques sur les stations de ski, les cures thermales, le cyclotourisme et même sur l’œnotourisme! Mais pas trace de présence d’Eglise». Jean-Raphaël Kurmann pointe le manque de connexion entre l’Eglise et les offices tourisme. Il a fait le même constat à l’espace d’information du restoroute de Martigny, sur l’autoroute A9, très fréquenté par les touristes. «Je n’ai trouvé aucune information sur nos églises».

Le Valaisan, actuel directeur de la clinique de la Suva à Sion, s’est mis à disposition du diocèse. Il a auparavant travaillé au sein du Conseil de communauté puis du Conseil de gestion de la paroisse, à Ayent. Il a travaillé entre décembre 2017 et l’été 2018 sur la thématique de la pastorale du tourisme, à la demande de l’évêque de Sion, Mgr Jean-Marie Lovey. Ce dernier souhaite en effet relancer le service diocésain dans la partie francophone du diocèse.

Un patrimoine religieux méconnu

«En Valais, nous avons un beau patrimoine religieux. Mis à part quelques lieux emblématiques, il n’est pas mis en valeur», regrette Jean-Raphaël Kurmann. Le Valaisan a travaillé à l’échelle diocésaine sur la manière dont les paroisses mettent en valeur leur l’église et les activités qui y sont liées. Au final, il a présenté une synthèse de l’étude aux membres des Conseils de communauté, rassemblés à Sion le 9 mars dernier.

«Des touristes, nous n’en manquons pas. Je ne parle pas des seuls skieurs». Pour Jean-Raphaël Kurmann, la pastorale du tourisme doit s’intéresser également aux curistes, aux pèlerins, aux gens de passage, aux touristes curieux ou encore aux randonneurs estivaux. A défaut d’être bien renseignés, ils passent à côté de ces édifices religieux, pourtant dignes d’intérêt, sans jamais y entrer.

«En Valais, nous avons un beau patrimoine religieux. Mis à part quelques lieux emblématiques, il n’est pas mis en valeur.»

Or le Valais est la quatrième destination parmi les régions touristiques au niveau national. En face de sa forte fréquentation saisonnière le Valais offre une grande diversité d’églises, de chemins de croix, de chapelles qui présentent un intérêt au moins historique, si non architectural. Des sites propres à éveiller la curiosité des voyageurs. «On ne part pas de zéro. De très bonnes choses se font dans le domaine touristico-religieux», explique-t-il.

L’Abbaye de Saint-Maurice a su tirer profit de son 1500e anniversaire et bénéficie désormais d’un rayonnement qui dépasse la région. Le château de Valère, la cathédrale de Sion sont bien «vendus» à l’Office de tourisme de la capitale du Valais.

Une belle carte à jouer

Certaines paroisses ont su faire connaître leur église au-delà de leur vallée. «Il faut s’en inspirer». Il note également des propositions telles que des parcours audio-visuels dans les églises de Champéry, de Savièse ou encore d’Hérémence. Autant d’expériences à partager et à faire connaître dans le réseau ecclésial.

Messe pontificale pour les 1500 ans de l’abbaye de Saint-Maurice. Le jubilé a contribué au rayonnement de l’Abbaye au-delà de la région. | © Bernard Hallet

Ainsi le rapport met-il en exergue les possibilités offertes aux paroisses. Hormis la clientèle des stations de ski, «le tourisme a évolué et les vacanciers s’intéressent à une autre offre, pourvu qu’elle soit connue», argumente le Valaisan. Le patrimoine culturel est une belle carte à jouer. D’où la nécessité pour les paroisses de faire connaître leurs trésors.

Synergies pastorales

Il propose également de lier la pastorale du tourisme avec le Service diocésain de l’information et la Commission d’art sacré. «Une telle synergie permettrait de développer une offre à la fois touristique et spirituelle». Dans le domaine de l’information, il pense à ce que la pastorale du tourisme de la partie germanophone du diocèse a déjà réalisé. Notamment des dépliants touristiques promouvant les chapelles et les itinéraires à emprunter pour s’y rendre.

Il évoque également le guide français «Des clefs pour des églises ouvertes et accueillantes», coproduit par l’Agence française de l’ingénierie touristique (AFIT) et la pastorale du tourisme et des loisirs en France. L’ouvrage veut sensibiliser les partenaires touristiques et les élus à la place des églises dans le patrimoine et les paysages de France.

Formation

Autre piste: la formation de bénévoles à l’accueil des touristes. «Faire visiter une église ne s’improvise pas. Ce sera une des missions de la commission qui se constitue actuellement». Le Valaisan en est conscient: proposer une offre dédiée aux touristes demande des moyens, surtout humains. «Il faut pouvoir disposer de personnel pour accueillir les touristes, les renseigner et leur faire visiter le lieu». Pourquoi ne pas solliciter les résidents secondaires des villages de montagne, l’été, pour un service ponctuel? Le Valaisan pense à l’animation musicale d’une messe ou à quelques heures de présence.

Accueillir l’autre

Toutefois la pastorale du tourisme ne doit cependant pas se limiter à un catalogue de lieux à visiter. «Je pense aussi et surtout à l’accueil de l’autre. De l’étranger». La vocation d’une église est d’être ouverte, ajoute-t-il. Il faut pouvoir répondre à une demande et une recherche spirituelle de différentes catégories de touristes.

Le contexte actuel de déchristianisation et de perte de repères religieux reste un vrai défi, d’autant que les offres de loisirs et de détente se sont multipliées ces dernières années, résume le Valaisan en préambule de sa réflexion. Les paroisses doivent donc mieux communiquer aux offices de tourisme et aux communes les horaires des messes, les célébrations particulières, d’éventuelles retraites ou encore des événements d’Eglise.

L’intérieur de l’église Saint-Théodule offre un large espace.  Les curieux peuvent y suivre un parcours audio-visuel qui présente l’eglise. ¦ © Bernard Litzler

Dans ce domaine, Jean-Raphaël Kurmann cite des lieux emblématiques tels que les hospices du Simplon et du Grand Saint-Bernard. «Ils ont, comme l’Abbaye de Saint-Maurice, une grande notoriété. Elle dépasse même les frontières». A l’échelle d’une paroisse d’un village fréquenté hiver comme été, il suggère de proposer des flyers traduits en langues étrangères. Ceci est valable particulièrement pour les stations de ski à forte densité touristique non francophone. L’affluence ne dispense pas d’une bonne information.

«L’abbé Pierre-Yves Maillard, le vicaire général, sollicite actuellement les bonnes volontés pour constituer la commission de ce service diocésain. Nous allons travailler à ces différents aspects de cette pastorale du tourisme. Il y a un joli potentiel dans la partie francophone de notre diocèse». Lors de sa présentation aux Conseils de communauté, le 9 mars dernier, la thématique a en tout cas suscité la curiosité et l’intérêt. (cath.ch/bh)

Jean-Raphaël Kurmann a travaillé sur la pastorale du tourisme de la partie francophone du diocèse de Sion. | © B. Hallet
12 avril 2019 | 16:55
par Bernard Hallet
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