Sarah Paciarelli, au centre, lors de la Session des femmes au Parlement fédéral | DR
Suisse

Session des femmes: Sarah Paciarelli raconte un moment 'génial'

Sarah Paciarelli, porte-parole de la Ligue suisse des femmes catholiques (SKF), a vécu intensément la session des femmes réunie au parlement fédéral les 29 et 30 octobre 2021.

Raphael Rauch kath.ch / traduction adaptation Maurice Page

La jeune femme âgée de 35 ans, d’origine italo-polonaise, s’est particulièrement investie pour demander d’accorder les droits politiques aux étrangers vivant dans le pays. Dans une interview à kath.ch, elle raconte comment elle a vécu ces journées au «cœur de la démocratie».

Êtes-vous toujours aussi enthousiasmée par la session des femmes?
Sarah Paciarelli
: Oui, totalement. Ce furent deux jours super intenses au Parlement fédéral. Les pétitions montrent que les femmes sont toujours victimes d’inégalités de traitement et que cela affecte leur réalité. (…)

Quel a été, pour vous personnellement, le point fort de cette session?
Je suis née et j’ai grandi en Allemagne en tant qu’enfant d’immigrants. J’ai la nationalité polonaise et italienne et je suis en Suisse depuis 2014. Je n’ai jamais été autorisé à voter dans ce pays où je vis et où je paie des impôts. Ici, en Suisse, je n’ai aucun droit de regard politique – tout comme 2,2 millions d’autres personnes n’ayant pas la nationalité suisse.

«On pouvait littéralement sentir une énergie dans la salle. C’était vraiment ‘wow’ !»


Lors de la session des femmes, je me suis soudainement retrouvée au cœur de la démocratie, au Parlement fédéral, en compagnie de tant de femmes qui veulent faire la différence. Des conseillères fédérales aux réfugiées, un échantillon représentatif de la société féminine était présent. Chacune d’entre elle était motivée pour travailler à une société plus juste pour les femmes. Cette vision était dans l’air, on pouvait littéralement sentir cette énergie dans la salle. C’était vraiment ‘wow’ !

Qu’est-ce qui était exactement ‘vraiment wow’?
Nous avons voté 77 fois sur un total de 23 motions. Lorsque j’ai été autorisée à lever la main avec le papier de couleur pour la première fois, ce fut un moment très émouvant. Au Parlement fédéral, j’ai eu l’occasion de m’exprimer directement.

Beaucoup d’enthousiasme lors de la session des femmes 2021 au Parlement fédéral | © Regula Pfeifer

Avez-vous pu faire passer votre demande de permettre aux étrangers d’avoir leur mot à dire en Suisse, c’est-à-dire de séparer le droit de vote de la citoyenneté?
Oui. La Ligue suisse de femmes catholiques, en collaboration avec les Femmes protestantes en Suisse, a pris part à la Commission pour le «droit de vote des résidents». Cela signifie que nous voulons que toutes les personnes qui sont en Suisse depuis cinq ans aient le droit de vote et d’éligibilité. Et ce, indépendamment de la citoyenneté ou du statut de résidence.
Cela peut sembler révolutionnaire à première vue, mais cette demande suit fondamentalement un principe de la démocratie. Toute personne vivant en Suisse devrait pouvoir participer à la construction de ce pays.

Cette proposition a-t-elle obtenu une majorité claire? 
La motion n’a pas été adoptée à l’unanimité, mais à une nette majorité. Il y a eu 185 voix pour, 18 contre et 19 abstentions. Les discours des oratrices ont été très convaincants et motivants. Il y a même eu une ‘standing ovation’. Lorsque les femmes se sont levées les unes après les autres pour applaudir dans la salle du Conseil national, ce fut un moment très émouvant.

«A Zurich, dans ma tranche d’âge, des 30-39 ans, 47 % n’ont pas de passeport suisse»

Indépendamment de votre engagement personnel en tant que catholique germano-italo-polonaise établie en Suisse, pourquoi cette question est-elle si importante pour vous? 
La Suisse a l’un des pourcentages d’étrangers les plus élevés au monde. Cela est dû notamment aux obstacles rencontrés dans les procédures de naturalisation. Il n’est pas bon pour une démocratie qu’un quart de la population soit politiquement exclu. J’habite à Zurich, et là, c’est grave: dans ma tranche d’âge, les 30-39 ans, 47 % n’ont pas de passeport suisse».

Le passeport rouge à croix blanche n’est pas facile à obtenir | DR

Certains vous diront: si vous voulez vraiment devenir suisse, vous devez attendre dix ans, faire un effort et c’est tout. Le passeport rouge arrivera ensuite!
Malheureusement, ce n’est pas si simple. Le permis d’établissement C comme condition préalable à la naturalisation est un obstacle de taille. Si vous n’avez pas de travail rémunéré, si vous avez un contrat de travail temporaire ou si vous bénéficiez de prestations sociales, vous ne l’obtiendrez pas.

«La question est sur la table et il faut maintenant agir»

Selon le canton, il existe également différentes exigences quant au nombre d’années passées dans le canton. Si vous changez de canton en raison d’un emploi ou après vos études, vous devez pratiquement repartir de zéro. De plus, chaque année ne compte pas de la même façon, cela dépend du permis. A Zurich, par exemple, les années avec les permis C et B comptent pleinement, celles avec les permis F à moitié et celles avec les permis N ou L pas du tout.
Comme mon contrat de travail était à durée déterminée, je n’ai reçu qu’un permis L pour ma première année en Suisse. Cette première année ne m’est donc pas créditée. En outre, certains États n’autorisent pas la double nationalité. Tout le monde ne peut ou ne veut pas renoncer à sa nationalité d’origine au profit de la nationalité suisse.

Que va-t-il se passer maintenant?
Les pétitions ont été remises à la présidence du Conseil. Le Conseil national et le Conseil des États s’occuperont également de ces revendications. La demande de droits politiques pour les personnes sans nationalité suisse n’est pas nouvelle. Des initiatives parlementaires consacrées à cette question sont également en cours. La question est sur la table et il faut maintenant agir. (cath.ch/kath.ch/mp)

Panorama des droits politiques accordés aux étrangers en Suisse
Seuls deux cantons de Suisse romande octroient aux étrangers le droit de vote au niveau cantonal. Le Jura depuis sa création en 1979 et Neuchâtel depuis 2001. Aucun canton n’octroie le droit d’éligibilité
Quatre cantons octroient aux étrangers le droit de vote et d’éligibilité au niveau communal. Neuchâtel depuis 1849, le Jura depuis 1979, Vaud depuis 2002 et Fribourg depuis 2006.
Depuis 2005, le canton de Genève accorde aux étrangers le droit de vote dans toutes les communes.
Trois cantons de Suisse alémanique autorisent leurs communes à introduire le droit de vote pour les étrangers: Appenzell Rhodes-Extérieures depuis 1995, les Grisons depuis 2004 (environ 20% des communes en ont fait usage) et Bâle-Ville depuis 2005 mais aucune commune n’a fait usage de ce droit.  MP

Sarah Paciarelli, au centre, lors de la Session des femmes au Parlement fédéral | DR
4 novembre 2021 | 11:22
par Rédaction
Temps de lecture : env. 4  min.
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