'Samaritanus bonus': offrir une présence aux souffrants
Il ne convient pas de faire un «quelconque geste extérieur qui puisse être interprété comme une approbation, même implicite, de l’action euthanasique», a relevé le cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer le 22 septembre 2020. Le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), s’exprimait lors de la présentation au Vatican de la lettre Samaritanus bonus publiée le même jour. À ceux qui souffrent et se trouvent dans une situation de détresse, une offre d’aide et d’écoute doit pouvoir être proposée.
La lettre Samaritanus bonus, dont la rédaction a été décidée en 2018 lors de la session plénière de la Congrégation pour la doctrine de la foi, se propose d’apporter, «une perspective d’espérance pour la souffrance vécue par ceux qui sont confiés aux soins affectueux des travailleurs de la santé», a expliqué le prélat espagnol. Dans un «environnement de droit civil international de plus en plus permissif en ce qui concerne l’euthanasie, le suicide assisté et les dispositions relatives à la fin de vie», l’Église catholique présente, avec Samaritanus bonus, «une nouvelle déclaration organique» s’inscrivant dans la continuité de ses enseignements sur le sujet.
Le cardinal a insisté sur le fait que ni l’absolution ni le sacrement des malades ne pouvaient être accordés à une personne qui demande officiellement à être euthanasiée ou à recourir au suicide assisté. Il s’agit d’éviter de faire un «quelconque geste extérieur qui puisse être interprété comme une approbation, même implicite, de l’action euthanasique», par exemple pour un proche, rester présent lors d’une euthanasie. Au contraire, une offre d’aide et d’écoute doit intervenir en amont.
Le Bon Samaritain – qui donne son nom au texte –, comme ceux qui se tiennent au pied de la Croix, se manifestent d’abord par leur «présence» auprès de celui qui souffre. Le cardinal Ladaria a beaucoup insisté sur le mot «stare«, qui exprime en italien la présence dans sa dimension active. C’est le «témoignage de la présence qui peut susciter l’espérance à celui qui ne croit pas. Même s’il ne l’accepte pas, il faut essayer de rester à ses côtés, car il y a de l’espérance chez tout homme».
Se tenir au côté du mourant
Quand la vie est «étouffée et alourdie» par ce que le pape François décrit comme la «culture du déchet», l’exemple du Bon Samaritain, modèle de témoignage chrétien, est une importante source d’espérance, a expliqué le préfet. C’est pourquoi le texte rappelle que «les soins palliatifs ne suffisent pas si personne ne «se tient» aux côtés du malade et témoigne de sa valeur unique et irremplaçable».
Le prélat a souligné la «dimension importante d’art thérapeutique» dans la pratique médicale. Dans le cas de la fin de vie, cela «implique une relation étroite entre le patient, les professionnels de la santé, les membres de la famille», a-t-il souligné.
La présence, une réponse au mystère de la mort
«La réponse chrétienne au mystère de la mort et de la souffrance n’est pas d’abord une explication, mais une présence», a renchéri Mgr Giacomo Morandi, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi. L’évêque italien a énuméré les quatre obstacles culturels qui «limitent la capacité à saisir la valeur profonde et intrinsèque de toute vie humaine».
Il regrette tout d’abord une «utilisation équivoque du concept de mort digne», corrélée faussement à de questions matérielles et superficielles, au dépens des dimensions profondes de la vie. Le deuxième obstacle est une «mauvaise compréhension du concept de compassion» pour justifier la fin de vie au dépens d’une aide au malade, notamment pour le soulager vraiment. «L’individualisme croissant, qui conduit à voir les autres comme des limites et des menaces à sa propre liberté», est le troisième problème. «Tout cela peut se résumer, enfin, à une conception utilitaire globale de l’existence, selon laquelle la vie est valable tant qu’elle est productive et utile», a-t-il conclu.
L’intérêt du patient
Gabriella Gambino, sous-secrétaire du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie a appuyé ce propos en désignant comme responsable «l’anthropocentrisme typique de la modernité, centré sur la culture de l’autonomie et de l’indépendance de l’homme par rapport à Dieu». Elle a au contraire réaffirmé «la valeur de chaque personne à n’importe quel stade et condition critique de l’existence».
L’Église catholique continue d’exclure tout acte ou intention de nature euthanasique ou suicidaire, a-t-elle insisté. Cela signifie que les «soins doivent être administrés au patient tant que le corps peut en bénéficier». Dès lors, il s’agit de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces soins soient administrés dans le véritable intérêt du patient, de manière personnalisée, douce, indolore et proportionnée.
Créer un cercle vertueux
Adriano Pessina, membre de la direction de l’Académie pontificale pour la vie, a insisté sur l’importance de mettre en place une «communauté de guérison» qui unit les malades et ceux qui les soignent. Ce «cercle vertueux» dépasse la «logique des protocoles et des procédures, aussi utiles soient-ils».
Ces derniers temps, les professionnels de la santé qui se sont portés au secours des malades atteints par le Covid-19 ont été un «Stabat Mater qui témoigne que lorsqu’il n’y a rien à faire, il y a en fait beaucoup à faire». L’épidémie a rappelé que «personne, dans sa souffrance ne nous est jamais étranger».
Le cardinal Ladaria a tenu enfin à souligner l’héritage de saint Camille de Lellis. Au XVIe siècle, ce prêtre avait décidé de confier les personnes incurables non plus à des «mercenaires» mais à des «gens prêts à rester avec les malades uniquement par amour». La lettre Samaritanus bonus a été officiellement signée le jour de la fête du saint italien le 14 juillet. (cath.ch/imedia/cd/mp)