Salvador: le Père Rutilio Grande, déclaré martyr, bientôt béatifié
Il y a 43 ans, le 12 mars 1977, le Père jésuite salvadorien Rutilio Grande, 48 ans, était assassiné par des «escadrons de la mort» d’extrême-droite avec deux compagnons, Manuel Solórzano, 72 ans, et Nelson Rutilio Lemus, 16 ans, dans sa paroisse d’Aguilares, à une trentaine de kilomètres de la capitale San Salvador. Martyrs tués «en haine de la foi», ils devraient bientôt être proclamés par l’Eglise «bienheureux».
Le 21 février 2020, le pape François a autorisé la Congrégation pour les Causes des Saints à promulguer les décrets qui permettent qu’ils soient prochainement proclamés bienheureux. Assassiné avant le début de la guerre civile salvadorienne, le Père Grande, qui était un ami proche de son compatriote et martyr, saint Oscar Romero, est devenu une icône des droits de l’homme dans les zones rurales d’Amérique latine.
Une icône des droits de l’homme
L’Eglise catholique du Salvador a célébré le 22 février une messe d’action de grâces pour la prochaine béatification du Père Rutilio Grande et de ses deux compagnons martyrs, Nelson Rutilio Lemus et Manuel Solórzano. A cette occasion, Mgr José Luis Escobar Alas, archevêque de San Salvador, accompagné par le cardinal Gregorio Rosa Chávez et par le nonce apostolique, Mgr Santo Rocco Gangemi, a souligné que «l’annonce nous remplit de joie» et a indiqué que c’est là «un acte de justice».
Il a invité toute la communauté catholique à remercier Dieu pour «ce don» et a invité «chacun de nous dans son cœur à rendre grâce à Dieu». Il a ensuite déclaré : «C’est la meilleure nouvelle que nous ayons pu entendre et nous en sommes tous très heureux!»
Proche de saint Oscar Romero
«Le pape François, à l’époque où il était provincial des jésuites en Argentine, était lui-même proche du prêtre martyr, nous avons une lettre de cette époque. Il écrit au provincial du Salvador, exprimant sa solidarité avec ce qui était vécu ici», a déclaré l’archevêque de San Salvador. Le «Père Tilo», comme l’appelaient ses amis et ses paroissiens, était aussi un proche de l’archevêque Oscar Arnulfo Romero, canonisé par le pape François en octobre 2018.
Prêtre de la Compagnie de Jésus, ce serviteur de Dieu, partisan de la théologie de la libération, initiateur de communautés chrétiennes de base, s’est distingué par son engagement social envers les paysans pauvres d’Aguilares et d’El Paisnal. Cela lui valut dès le début des années 1970 d’être taxé par la presse dominante de «crypto-communiste», à cette époque au Salvador une accusation synonyme de condamnation à mort à brève échéance. Le religieux dénonçait sans ambages les actions répressives contre les plus faibles menées par les militaires et l’oligarchie alors au pouvoir dans ce petit pays d’Amérique centrale.
Remerciements au pape François
Mgr Escobar Alas a adressé ses remerciements au pape François pour toute l’attention qu’il a accordée afin que le procès en béatification de celui qui était un ami proche de Mgr Oscar Romero, assassiné en pleine messe le 24 mars 1980, lui aussi tué par les «escadrons de la mort» d’extrême-droite qui persécutaient les chrétiens engagés pour la justice.
En raison de ses sympathies conservatrices et par peur d’une possible récupération idéologique par les milieux de gauche, la hiérarchie de l’Eglise salvadorienne fut longtemps, dans sa majorité, réticente à vouloir porter sur les autels Mgr Romero et d’autres prêtres martyrs de la répression.
Pour sa part, le gouvernement actuel du Salvador, dirigé par le président Nayib Bukele Ortez, a déclaré dans un communiqué soutenir cette décision du pape François et du Vatican, «qui confirme que, avec saint Romero, notre société possède deux des plus importantes figures de la foi catholique dans le monde». (cath.ch/be)