Saint-Siège: Le pape François sécurise le «Denier de Saint-Pierre»
La gestion des fonds et des biens de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège est transférée à l’Administration du patrimoine du siège apostolique (APSA), la Secrétairerie d’Etat perdant ainsi toutes ses compétences économiques et financières, notamment celles concernant le ‘Denier de Saint-Pierre’. Ce «Denier» est une participation de tous les fidèles aux initiatives de charité de l’évêque de Rome envers l’Eglise universelle.
Cette mesure représente certainement une réponse claire du pontife à «l’affaire de l’immeuble de Londres», un scandale financier toujours en cours d’élucidation dans lequel le Denier de Saint-Pierre a été indirectement engagé. Une manipulation financière complexe avait provoqué des pertes évaluées à plusieurs centaines de millions d’euros.
Un «point fondamental» de la réforme de la Curie romaine
Le pape François a décidé cette réforme dans un Motu proprio (lettre émise par le pape lui-même, ndlr) «concernant certaines compétences en matière économique et financière» signé le 26 décembre 2020. L’information a été donnée par le Bureau de presse du Saint-Siège le 27 décembre. Il s’agit, affirme le pontife, d’un «point fondamental» de la réforme de la Curie romaine.
Le 25 août dernier, le pape François avait mis en place une «commission de passage et de contrôle» pour transférer la gestion des fonds contrôlés jusqu’alors par la Secrétairerie d’Etat à l’APSA, et la fonction de surveillance des mêmes fonds au Secrétariat pour l’économie. L’objectif fixé par le pontife était alors de mettre en œuvre cette réforme d’ici trois mois.
Vigilance financière renforcée
Cette réforme, «point fondamental de la réforme de la Curie» selon l’évêque de Rome, est désormais opérationnelle. Avec ce nouveau Motu proprio, l’APSA – la banque centrale du Vatican – récupère la charge de la gestion et de l’administration des fonds de la Secrétairerie d’Etat, qui doivent tous être transférés avant le 4 février 2021.
Cela concerne les fonds bancaires, les titres et biens mobiliers, les participations dans des sociétés ou fonds, les biens immobiliers détenus directement ou indirectement. La «décision intervient avant le 1er janvier, pour une mise en œuvre dans le budget 2021», souligne par ailleurs le Bureau de presse du Saint-Siège.
Le Secrétariat pour l’économie hérite, comme convenu, de la charge du contrôle des fonds et biens concernés. Il acquiert également la fonction de «Secrétariat pontifical pour les questions économiques et financières», souligne le texte législatif.
Une mise en œuvre immédiate
Dès 2021, tous les dons et sommes à verser par les entités vaticanes devront être attribués dans un compte unique appelé «Budget général du Saint-Siège» géré par l’APSA. Le transfert des sommes aux entités particulières sera soumis à l’approbation du Secrétariat pour l’économie.
De même, le paiement des dépenses ordinaires et extraordinaires de la Secrétairerie d’Etat seront effectués par l’APSA et soumis au contrôle du Secrétariat pour l’économie. Un poste de dépense spécifique pour les «urgences» sera créé et fera l’objet de «rapports réguliers». Le Secrétariat pour l’économie est aussi désormais en charge des audits.
Seule exception dans ce transfert général de fonds et de compétence, la question des «affaires réservées», ou fonds pour des affaires sensibles, reste gérée par la Secrétairerie d’Etat, mais dispose de sa propre commission de contrôle depuis le 5 octobre dernier.
Contrôle accru sur le Denier de Saint-Pierre
De plus, l’APSA doit mettre en place une «provision budgétaire» intitulée «Fonds pontificaux», indique le Motu proprio. Ce fonds, autrefois prérogative du Premier bureau de la Secrétairerie d’Etat, fera désormais parti du bilan consolidé du Saint-Siège.
Ce fonds est divisé en plusieurs «sous-comptes» dont un dédié au Denier de Saint-Pierre et un autre appelé «fonds discrétionnaire du Saint-Père», qui ne peut être utilisé que par le pontife en personne. L’APSA doit informer la Secrétairerie d’Etat de l’état des fonds, et cette dernière doit continuer à «collaborer à leur collecte».
La fin effective du Premier bureau?
Le Bureau administratif de la Secrétairerie d’Etat n’est désormais en charge plus que de «l’administration interne» du Dicastère, de la «préparation de son budget et de son bilan» et des autres prérogatives administratives jusqu’alors exercées, affirme le texte législatif. De plus, toutes les archives économiques et financières du «Premier bureau» doivent être transférées à l’APSA.
Ce Motu proprio est un «engagement personnel» du pontife et de la Curie, affirme le Bureau de presse du Saint-Siège. Il vise une «plus grande transparence», une «séparation plus claire des fonctions», et une «plus grande efficacité des contrôles». La finalité ultime de ces changements est «une plus grande adéquation de l’économie du Saint-Siège à la mission de l’Eglise».
Même si aucun lien formel ne peut être actuellement établi, il faut aussi noter que l’ancien substitut de la Secrétairerie d’Etat, le cardinal Angelo Becciu, en poste à la tête du Premier bureau au début de «l’affaire de l’immeuble de Londres», a été écarté de toute fonction officielle le 24 septembre dernier. (cath.ch/imedia/cd/be)