Saint-Maurice: «Le visiteur devient acteur» au Moyen-Age
Un retour vers le Moyen-Age. Telle est l’invitation lancée à l’Abbaye de Saint-Maurice avec l’exposition «Ecrire au Moyen-Age». Présentée le 22 mars 2016, dans le clocher de la basilique, elle emmène le visiteur à l’époque médiévale, dans un scriptorium monastique – un atelier d’écriture médiéval – et à travers l’exposition de onze manuscrits. Après la fin du jubilé du 1500e anniversaire de la sa fondation, l’Abbaye poursuit son «ouverture au monde».
«Le visiteur devient acteur», lance Mgr Jean Scarcella, Père-Abbé de Saint-Maurice, en déambulant dans le scriptorium reconstitué au plus près de la réalité médiévale, au deuxième étage du clocher de l’abbaye. Tout le mobilier de la pièce, quatre écritoires, deux lutrins et un meuble de rangement, a été fabriqué par les artisans qui ont réalisés les meubles du scriptorium du film «Le nom de la rose». «Ce sont des spécialistes du mobilier médiéval. Ils ont travaillé à partir des plans que nous leur avons fournis», explique, plutôt fier, Michel Etter, muséologue et scénographe de l’abbaye, à qui l’on doit «Lumen», la fête de la lumière qui avait enchanté l’abbaye en décembre dernier.
«Depuis la conception des plans jusqu’à la salle, la réalisation de ce ‘décor’ a demandé quatre mois de travail», détaille le muséologue. Les encriers en terre cuite, les bougeoirs ont également été réalisés par ces spécialistes français. Il en va de même pour les dessins, des fresques devrait-on dire, qui reproduisent les scènes médiévales de chanoines de l’abbaye affairés à l’écriture et à la copie. Le muséologue a fait appel à des dessinateurs milanais, spécialistes du Moyen-Age. «Confiée à des spécialistes, la réalisation de cette salle a donc été rapide, il y a eu très peu d’aller-retours», confirme Michel Etter. L’ensemble de l’exposition a demandé un an de travail.
Le quotidien médiéval resurgit du passé
Un escalier très étroit amène le visiteur au premier étage, la chapelle Saint-Michel, où sont exposés onze documents du Moyen-Age. Ils ont été choisis parmi trente manuscrits reproduits et rassemblés dans un ouvrage publié en 2010. «Notre partenaire a opéré le choix», relève le chanoine Olivier Roduit, directeur des collections de l’abbaye. La plus ancienne pièce remonte à l’an 984. La chapelle plongée dans une semi-obscurité donne toute leur valeur aux manuscrits exposés. Des originaux? On pourrait s’y méprendre. En réalité des fac-similés parfaitement exécutés, jusque dans le détail du sceau de certains de ces manuscrits. Là encore, Michel Etter s’est entouré de spécialistes pour l’exécution de ces reproductions.
Trois thèmes rassemblent ces documents: La vie quotidienne dans la région, la vie de prière et de foi à l’abbaye et les actes officiels des autorités de l’époque, rois ou papes, proches de l’abbaye. Onze histoires vraies tirées des archives de l’abbaye d’où resurgit le quotidien de tout un chacun, humble comme puissant entre les Xe et Xve siècles. Ces documents reflètent l’importance de l’écrit dans les différents domaines d’activité de l’institution. Une dessinatrice a eu la tache délicate d’imaginer et de dessiner les scènes minutieusement décrites dans les manuscrits exposés. Le pari est réussi.
L’autre trésor de l’abbaye
Ces onze histoires racontées aux visiteurs ne représentent qu’une infime partie des archives des chanoines. Combien de manuscrits abritent les murs de l’abbaye? «Impossible à dire précisément, on n’a jamais compté», relève, perplexe, le chanoine Olivier Roduit qui estime à 10’000 le nombre de parchemins conservés aux archives de l’abbaye. Un trésor inestimable. Ils sont conservés dans un local fermé mais ventilé. «Paradoxalement, les spécialistes qui ont expertisé le local où nous gardons les manuscrits nous ont recommandé de ne pas changer les conditions de conservation», relève l’archiviste. Modifier fortement l’atmosphère du local d’archivage, en pensant l’améliorer aurait détérioré les manuscrits. «Il fallait absolument préserver les conditions initiales de conservation tout en modernisant la structure du local», explique le chanoine Roduit.
L’exposition est l’occasion de mettre en valeur le travail de numérisation et de conservation des archives effectué par la Fondation des archives historiques de l’Abbaye. A ce jour, la quasi totalité des documents anciens est numérisée et la restauration des manuscrits précieux est en cours. «Tous les documents antérieurs à 1800 ont été numérisés», ajoute Olivier Roduit. Le travail commencé en 2002 s’est achevé au printemps 2015. La Fondation avait lancé le projet en 2000.
Les écrits restent… les paroles aussi !
«Entre ‘Ecrire au Moyen-Age’ et ‘twitter au 21e siècle’, il y a ‘prêcher au 20e siècle’», souligne André Kolly, ancien directeur du Centre catholique de radio et télévision (CCRT). Il présentait le CD que vient d’éditer l’organisation du jubilé de l’Abbaye. Entre écrits et informatique, André Kolly rappelle que la radio a «amplifié», depuis le 12 mai 1940, date de la première messe radio, la voix des chanoines bien au-delà de Saint-Maurice. Le CD compile les prédications de dix chanoines et des interludes à l’orgue interprétés par Nicolas Viatte. Le CCRT a sauvé, dès les années 1980, ce qui permet d’attester ce que fut la prédication des chanoines. Parmi les dix chanoines dont la voix est « gravée », on pourra entendre, entre autres, Mgr Henri Salina, les chanoines Fernand Boillat, Jospeh Putallaz et Edouard Zumofen.
«Un patrimoine qui évangélise»
«Le jubilé est terminé mais n’est pas fermé », atteste Mgr Jean Scarcella. «L’ouverture de l’abbaye au monde» se poursuit, au gré des événements qui donnent à découvrir un patrimoine historique très riche. L’abbaye a reçu 40’000 visiteurs en 2015. Elle reste toutefois un lieu de prière. «Toute la difficulté consiste à trouver le bon équilibre qui allie culture et vie de foi qui se pratique ici depuis 1500 ans», souligne Michel Etter. Le Père-Abbé de Saint-Maurice se réjouit de cette nouvelle exposition qui, assure-t-il, «aura un impact sur le visiteur», celui-ci se trouvant «immergé» dans la vie de l’abbaye au Moyen-Age. «C’est une chance de continuer à donner vie aux archives dans ce mouvement d’ouverture que nous avons amorcé avec ce jubilé», se réjouit le prélat.
«L’abbaye a encore beaucoup de choses à dire. Comme l’a dit le Christ, ›les pierres crieront’. Les pierres de ce lieu parlent, les joyaux du trésor racontent la vie de Dieu. C’est un patrimoine qui évangélise», conclut, à mi-voix, Mgr Scarcella dans le silence retrouvé du scriptorium déserté où se font entendre des chants grégoriens. (cath.ch-apic/bh)
Exposition: Ecrire au Moyen-Age
Ouvert du mardi au vendredi de 10h00 Ã 17h30, les samedi et dimanche: de 13h30 Ã 17h30.
Fermé le lundi, excepté le lundi de Pâques (28 mars), de 13h30 à 17h30; Le lundi de Pentecôte (16 mai) de 13h30 à 17h30; Le lundi du Jeûne (19 septembre), de 10h00 à 17h30.
La face cachée des archives de l’abbaye de Saint-Maurice
Visite commentée des archives et de la bibliothèque de l’Abbaye sous la direction du chanoine Olivier Roduit, archiviste, et de M. Germain Hausmann, archiviste paléographe.
Durée: 1h30. Réservations obligatoires au 024 485 15 34 ou à visite@abbaye-stmaurice.ch Nombre maximal: 50 personnes Prix: 15 francs. Paiement comptant sur place avant la visite. Rendez-vous à 18h00 à l’accueil, sur le parvis de la basilique.
Dates: Mercredi 20 avril «»¢ jeudi 2 juin «»¢ jeudi 23 juin «»¢ jeudi 25 août «»¢ mercredi 28 septembre «»¢ jeudi 27 octobre «»¢ jeudi 24 novembre.