Saint Grégoire VII, grand réformateur du XIe siècle
Le 25 mai 2020 est célébré Grégoire VII (1020-1085), un pape réformateur qui, soucieux de répondre aux maux de son temps, a donné à l’Eglise de véritables piliers qui la soutiennent encore aujourd’hui.
Pape du célibat sacerdotal et du sacrement du mariage monogame, opposant farouche aux nominations d’évêques par les pouvoirs temporels, Grégoire VII (*) a lutté toute sa vie pour imposer l’autorité du trône de Pierre.
Fils de charpentier, à l’instar du Christ, Hildebrand de Soana (ce qui rappelle l’origine germanique de sa famille) vient d’un village du même nom en Toscane. Envoyé au couvent Sainte-Marie de l’Aventin à Rome dès son plus jeune âge, puis au palais du Latran pour parfaire son éducation, le futur pape épouse la vocation monastique bénédictine à Cluny en France, dont, selon certaines sources, il devient par la suite le prieur. Rappelé à Rome, il endosse cette fois-ci la charge d’abbé du monastère de Saint Paul-hors-les-murs, et devient dès lors une personne sur laquelle de nombreux papes vont s’appuyer.
Conseiller de Léon IX (1049-1054), qui le crée cardinal, il poursuit ses fonctions auprès de Victor II (1055-1057) qui l’envoie en France en tant que légat a latere, pour faire reconnaître à l’archevêque de Lyon sa faute. En effet, le prélat pratique, comme de nombreux évêques à l’époque, la simonie, c’est-à-dire la vente de biens spirituels, notamment des hosties consacrées. Quelques années plus tard le futur Grégoire VII est fait archidiacre par Nicolas II (1059-1061), et dès 1059, il participe à la promulgation d’un décret interdisant la simonie. Un vent de révolte souffle dès lors sur l’Eglise.
Un pape réformateur du mariage
Très proche du pape suivant, Alexandre II (1061-1073), Hildebrand se voit élire après lui sous la pression de la foule romaine qui crie «Hildebrand évêque !» dès la mort de son prédécesseur. Le 22 avril 1073, Hildebrand devient alors Grégoire VII.
Constatant des dérives dans la pratique matrimoniale au sein de la noblesse européenne, Grégoire VII réforme le sacrement du mariage. Selon le modèle grégorien, il devra désormais être unique, monogamique et indissoluble, s’appuyant sur l’Evangile: «Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni !» (Matthieu 19,6). Ce sacrement repose de plus sur le consentement mutuel des époux, et porte une condamnation sévère de l’adultère.
Les Dictatus papae, lettre intransigeante sur la théocratie pontificale
Dès 1074, le pape interdit aussi par un décret le mariage et le concubinage des prêtres, alors encore beaucoup pratiqués. Intransigeant, il ordonne aux fidèles de ne pas assister aux offices des prêtres qui n’ont pas encore renvoyé leurs femmes. Grégoire VII ne s’arrête pas là. En 1075, ce dernier rédige une lettre en 27 points intitulée Dictatus papae (les «Dits du pape») affirmant sa supériorité face au pouvoir temporel.
Comme ses prédécesseurs, il s’élève contre la simonie, encore pratiquée par le clergé à l’époque comme moyen de subsistance. Les prêtres et prélats convaincus de pareil trafic sont systématiquement et durement punis par Rome.
Dans tous les domaines, Grégoire VII souhaite de plus en plus réaffirmer l’autorité du pontife. Il considère ainsi que seul le pape a autorité pour nommer les évêques, et sur ce point il s’oppose très frontalement à de nombreux monarques soucieux de placer à ces postes d’influences décisifs des personnes qui leur sont fidèles, aux dépens de la mission spirituelle qui incombe à une telle dignité.
Dans ses Dictatus papae, Grégoire VII réforme dès lors en profondeur l’institution papale, à commencer par l’élection du successeur de Pierre, qui devient désormais l’apanage du collège des cardinaux seul, et non plus des nobles romains comme cela avait été le cas. A peu de chose près, l’élection telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui fonctionne toujours sur les bases de cette réforme grégorienne.
L’empereur Henri IV, forcé d’aller à Canossa
Il en est de même pour les évêques qui ne sont plus nommés par le pouvoir temporel, mais bien par le Saint-Siège. Le chef de l’Eglise catholique tend aussi à minimiser le pouvoir de l’Empire sur les abbayes et monastères, et en général sur les ordres religieux. En ligne de mire: le Saint-Empire germanique qui élit ses évêques et leur confie des missions régaliennes en leur confiant l’administration de provinces, recevant ainsi de nombreux privilèges: c’est la «Querelle des investitures».
En réaction à la lettre pontificale, les évêques germaniques dont la mission est remise en cause par le chef de l’Eglise catholique sont mécontents et poussent l’empereur du Saint Empire romain germanique Henri IV à destituer le pape lors de la diète de Worms en janvier 1076. En danger et menacé par les partisans de l’empereur, Grégoire VII est alors recueilli par la comtesse Mathilde de Toscane, qui sera une précieuse alliée en ces temps difficiles.
L’empereur excommunié
Néanmoins, le pape Grégoire VII va rapidement inverser la tendance. En excommuniant l’empereur, il délégitime son action et le force à implorer le pardon du chef de l’Eglise catholique. En effet, la décision du pontife provoque la rébellion de certains de ses vassaux qui ne veulent pas d’un prince excommunié à leur tête. En janvier 1077, lors d’un épisode historique mémorable, Henri IV se rend alors au château de Canossa chez la comtesse de Toscane pour rencontrer le pape. Ce dernier le fait attendre pendant trois longs jours dans le froid d’un hiver rigoureux. C’est les genoux dans la neige que l’empereur aurait obtenu finalement de Grégoire VII qu’il lève l’excommunication pesant sur lui.
Un geste proverbial, qui n’empêchera pas Henri IV de se lancer à nouveau dans un conflit avec le Saint-Siège quelques temps plus tard. Abandonné par tous, Grégoire VII est cette fois-ci chassé de Rome par l’empereur quelques années plus tard, et va mourir seul à Salerne en 1085. Sur son lit de mort, il expire ainsi : «J’ai aimé la justice et j’ai haï l’iniquité; c’est pour cela que je meurs en exil». La «Querelle des investitures» durera jusqu’en 1122, quand l’empereur Henri V, successeur d’Henri IV, accepte finalement, de laisser la nomination des évêques dans les mains du Saint-Siège seul.
Enterré dans la cathédrale de Salerne
Le pape réformateur trouve sa dernière demeure dans la cathédrale de Salerne. Il est canonisé par Paul V en 1606 et fêté depuis le 25 mai. Il est connu pour le legs historique qu’il laisse à l’Eglise, la réforme grégorienne, et pour sa pugnacité contre ses adversaires, fussent-ils empereur ou rois. (cath.ch/imedia/aqj/be)
(*) A ne pas confondre avec Grégoire Iᵉʳ, dit le Grand, 64ᵉ pape de l’Eglise catholique. Ce dernier est l’auteur d’œuvres patristiques majeures qui ont marqué et marquent toujours l’histoire de l’Eglise. Né vers 540, il est élu pape en 590 et décède le 12 mars 604.