Le film Matilda raconte la vie amoureuse du tsar Nicolas II (capture d'écran trailer YouTube)
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Russie: un film «blasphématoire» sur Nicolas II menacé d'interdiction

Le film russe Matilda, sur la vie amoureuse du tsar Nicolas II, est menacé d’interdiction dans le pays. Les milieux monarchistes et fondamentalistes orthodoxes le soupçonnent de contenir des scènes «blasphématoires» sur le souverain canonisé en 1981.

Pour l’instant, la bande-annonce de Matilda est l’unique élément visible du film. Elle semble montrer des scènes érotiques entre Nicolas II et la danseuse de ballet Mathilde Kschessinska, rapporte début février 2017 l’agence de presse allemande DW. Cette présentation de la vérité historique offusque une certaine frange de la société russe, qui estime qu’en tant que saint, le tsar n’a pu avoir de relations sexuelles qu’avec son épouse, Alix de Hesse-Darmstadt, connue sous le nom d’Alexandra Fiodorovna Romanova. Nicolas a connu Mathilde Kschessinska avant l’impératrice. La romance a pris fin en 1894, quand le futur souverain épouse l’aristocrate allemande. Après la rupture, la belle danseuse vivra des relations sentimentales conflictuelles avec d’autres membres de la famille Romanov. Dans le cadre de la révolution bolchévique, le tsar et sa famille seront assassinés en juillet 1918. Les suppliciés furent déclarés ‘martyrs du communisme’ par l’Eglise orthodoxe russe et canonisés en 1981.

Ils menacent d’incendier les cinémas

Dès l’annonce de la sortie du film, la députée à la Douma (parlement russe) Natalia Poklonskaya, proche des milieux monarchistes, a engagé une procédure juridique pour faire interdire le film. La politicienne estime qu’il serait susceptible «d’offenser les sentiments religieux» des fidèles. L’organisation orthodoxe «Sainte Russie-Etat chrétien», de laquelle elle est proche, a signé une pétition demandant que l’œuvre ne soit pas diffusée dans le pays. Ses membres ont prévenu qu’ils exerceraient des actions violentes dans le cas contraire. Ils ont notamment promis de provoquer des troubles et d’incendier des salles de cinéma. Ils s’élèvent également contre le fait que le rôle de Nicolas II soit interprété par un acteur allemand, Lars Eidinger.

La liberté d’expression en danger?

L’Eglise orthodoxe russe a quant à elle tenté de tempérer le débat. Son porte-parole, Vashtag Kipshidze, a tout d’abord exhorté à ne pas juger le film avant sa sortie en salles. Il a appelé à respecter la liberté artistique de l’auteur. Le responsable orthodoxe a néanmoins souligné qu’il fallait «également prendre en compte les émotions des personnes qui pourraient être blessées».

De nombreuses personnalités et organisations progressistes en Russie se sont indignées de ces tentatives de censure, qui rappellent le régime soviétique. Le Kremlin lui-même a condamné les menaces contre le réalisateur de Matilda, Alexis Ouchitel. Elles sont, selon le pouvoir russe, l’œuvre «d’extrémistes anonymes», le groupe «Sainte Russie-Etat chrétien» n’étant pas enregistré officiellement.

Le cinéaste a aussi reçu le soutien de nombre de ses collègues. Le metteur en scène russe Vitaly Mansky a farouchement mis en garde contre le risque de régression de la liberté d’expression en Russie. «Je me souviens du temps où les gens étaient chassés des universités parce qu’ils allaient à l’église. J’ai peur que bientôt, nous serons expulsés parce que nous n’allons pas à l’église», avertit-il. (cath.ch/dw/ag/rz)

Le film Matilda raconte la vie amoureuse du tsar Nicolas II (capture d'écran trailer YouTube)
13 février 2017 | 12:33
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 2  min.
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