Romilda Ferrauto, alors rédactrice en chef de la rédaction française de Radio Vatican. (Photo: B. Hallet)
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Romilda Ferrauto, une «amoureuse» de la culture française au Vatican

La journaliste franco-italienne Romilda Ferrauto a reçu e 16 septembre 2021, des mains de l’ambassadrice de France près le Saint-Siège, les insignes d’Officier de l’Ordre national du Mérite. Depuis quarante ans au Vatican cette journaliste née en Tunisie occupe place décisive  et porte haut l’étendard de la culture française.

Camille Dalmas, I.Media

Une petite femme brune énergique au bronzage méditerranéen, avec un carré à frange impeccable et des lunettes ovales à montures colorées. Tout journaliste francophone passé par la Salle de presse du Saint-Siège, via della Conciliazione, connaît Romilda Ferrauto. Depuis quelques années, elle est l’intermédiaire incontournable vers laquelle se tournent tous les vaticanistes francophones, contents de pouvoir bénéficier de sa connaissance incomparable du microcosme du Vatican.

Une jeune laïque au Vatican

Cette expérience est le fruit d’une carrière au long cours: en 1981 – l’année où le pape Jean Paul II survit miraculeusement à un attentat place Saint-Pierre – elle est engagée à l’âge de 27 ans comme rédactrice à Radio Vatican. Les temps sont aux changements : la communication du Saint-Siège tente de se moderniser, de s’ouvrir un peu plus à l’actualité et Romilda Ferrauto, de par sa liberté de ton, fait partie des nouveaux venus choisis par le Père Pasquale Borgomeo, à l’époque directeur de la radio officielle. « Il avait trouvé que j’avais profil pour mener une révolution », plaisante-t-elle. 

Dans les années 80, sa présence représente de fait un grand changement: femme, jeune, laïque, elle cumule les caractéristiques de ce renouveau, ce qui lui attirera «certaines difficultés» pendant toute sa carrière. « À l’époque, c’était sans comparaison avec la situation qu’on peut retrouver aujourd’hui », se réjouit-elle. Malgré ces obstacles, son travail et son audace payent : dix ans après avoir été embauchée «un peu par hasard», on lui confie la direction de la section francophone de l’actualité de la radio du pape. 

La voix (et les oreilles) française(s) du pape

Un poste de vrai cadre qu’elle va assumer pendant 25 ans. «Elle a joué un rôle précurseur en termes de prise de responsabilité d’une laïque au sein du Saint-Siège», souligne un des journalistes qu’elle a embauchés. Lui comme bien d’autres à Radio Vatican font partie de ce que Romilda Ferrauto décrit comme sa «famille».

Elle y est encore aimée et respectée: «Romilda est une figure de référence et un modèle de probité intellectuelle», témoigne un des journalistes qu’elle a dirigé. Admiratif, il la déclare «capable de comprendre la dimension prophétique d’un pontificat tout en restant critique».

Formée en philosophie, elle aime de fait la complexité conceptuelle et le mot juste. Passionnée d’actualités internationales, la Franco-italienne accélère l’ouverture au monde de la radio papale, un volet longtemps négligé au profit des actualités purement spirituelles et vaticanes. Avec elle, la radio qui diffuse en français devient non seulement « la voix mais aussi les oreilles du pape », souligne-t-on a Radio Vatican. 

Trois pontificats

Sur les ondes, elle et son équipe ont narré, en langue française, les grands changements d’une époque et raconté de l’intérieur les pontificats de Jean Paul II, Benoît XVI puis François. 

«Ce sont trois papes très différents», souligne Romilda Ferrauto. Jean Paul II, très doué avec les médias, était «le plus facile à raconter, plus que les deux suivants». «Il est difficile de voir le grand public passer à côté de la pensée profonde d’un grand homme», déclare-t-elle ensuite à propos de Benoît XVI, qu’elle confesse aimer tout particulièrement. Enfin, elle voit en François un «pape complexe» parce que capable d’avoir «la formule qui parle à l’homme d’aujourd’hui» tout en étant «souvent difficile à suivre et à décrypter». 

Au gré de ces pontificats, Romilda Ferrauto a aussi accompagné les grandes métamorphoses des médias du Vatican, le passage à internet, la création des portails multimédias, l’ouverture aux réseaux sociaux… En 2015, un an avant de prendre sa retraite, elle assiste à la création par le pape François du Dicastère pour la communication, qui rassemble «sa» Radio Vatican avec les autres entités médiatiques du Saint-Siège. 

Une consultante de confiance

Romilda Ferrauto, à peine retraitée, ne chôme pas. Elle est d’abord mise à contribution par la communication de la Conférence des évêques de France pendant presque deux ans avant d’être rappelée momentanément au Vatican pour le Synode des jeunes en 2018. Il s’agit de sa première expérience d’interlocutrice, pour le Saint-Siège, auprès des journalistes francophones.

En janvier 2019, après la démission de la direction de la Salle de presse du Saint-Siège, on se tourne à nouveau vers celle que tout le monde appelle «Romilda». On lui donne alors la tâche de conseiller le directeur par intérim, Alessandro Gisotti, jusqu’à la nomination six mois plus tard du nouveau directeur, Matteo Bruni. Une nouvelle expérience qui semble avoir convaincu Paolo Ruffini, le préfet du Dicastère pour la communication, qu’il serait dommage de se passer d’elle. Il la nomme consultante – poste qu’elle occupe encore aujourd’hui – pour la plus grande joie des journalistes français. 

Une «amoureuse» de la France

C’est d’ailleurs le contact avec ces derniers qui l’a motivée à accepter ces nouvelles responsabilités, confie-t-elle. Plus largement, elle considère que ce lien avec la France comme «culture, au sens large», est primordial dans sa vie.

Sa relation à l’Hexagone est le fruit d’une histoire personnelle très riche et complexe : née en 1954 à Tunis, elle a connu une «très belle enfance» à l’époque de la jeune république tunisienne. Ses souvenirs de petite fille d’immigrés italiens, installés là depuis deux générations, lui reviennent en bribes émouvantes : «le soleil et la mer», «la vigile pascale sur la colline de Carthage, vers la cathédrale», «les reliques de nos martyrs», énumère-t-elle, rêveuse.

Francophile convaincue

Elle grandit dans un environnement pied noir où la culture française est vécue et valorisée, et voit en conséquence le déménagement de ses parents à Rome en 1976 comme un «traumatisme». Elle retrouvera un peu de cette France dont elle se dit «amoureuse» au sein des équipes francophones du Saint-Siège. 

Sa casquette bi-nationale lui donne dès lors toute la légitimité et la crédibilité pour poursuivre un combat important : défendre et promouvoir la langue française dans les couloirs du Saint-Siège. «Le français n’a pas perdu de son prestige mais une bonne partie de la place qu’il occupait il y a quelques années», regrette-t-elle, déplorant qu’étant devenue la quatrième langue derrière l’italien, l’anglais et l’espagnol, les traductions en français tout comme les nominations de francophones se fassent rares. Mais elle est en est certain : la beauté de cette langue et de cette culture mérite qu’on mène ce combat. (cath.ch/imedia/cd/mp)

Romilda Ferrauto, alors rédactrice en chef de la rédaction française de Radio Vatican.
19 septembre 2021 | 10:27
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 5  min.
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