Rome: Rencontre avec Piotr Adamczyk, l’acteur polonais qui incarne Jean Paul II

Un film intitulé «Karol Wojtyla, un pape resté homme»

Propos recueillis à Rome par Ariane Rollier

Rome, 13 décembre 2005 (Apic) Après avoir tourné quelques scènes en Afrique du Sud puis en Espagne, le réalisateur italien Giacomo Battiato tourne à Rome, jusqu’à fin décembre 2005, la seconde partie du téléfilm sur Jean Paul II. Le documentaire est produit par Mediaset – l’empire médiatique contrôlé par la famille Berlusconi – pour la chaîne italienne privée Canale 5.

La première partie, intitulée «Karol, un homme devenu pape», était sortie en avril dernier, tandis que la seconde, «Karol Wojtyla, un pape resté homme», pourrait être diffusée sur les écrans de télévision en avril prochain. Les scènes manquantes du film seront tournées en Pologne début 2006. Inspiré de la biographie écrite par le vaticaniste italien d’origine polonaise Gian Franco Svidercovschi, ce film a pour acteur principal le Polonais Piotr Adamczyk. L’agence I.MEDIA, partenaire de l’Apic, a rencontré à Rome celui qui interprète Karol Wojtyla sur les écrans.

Q: Avez-vous rencontré Benoît XVI après la projection de la première partie du film dans la salle Paul VI au Vatican, le 19 mai 2005 ?

P.A.: Oui, j’ai beaucoup de chance d’avoir été béni par deux papes. Parce qu’avant que nous commencions à tourner le film, j’ai eu la belle opportunité de rencontrer Jean Paul II et de lui annoncer que nous allions commencer un film sur lui. Après la projection du film dans la salle Paul VI, j’ai aussi eu l’opportunité de parler avec le pape Benoît XVI.

Q: De quoi avez-vous parlé ?

P.A.: Il m’a parlé de façon privée. Il a dit des choses très positives sur le film et sur le portrait fait de Jean Paul II. Mais le plus important pour moi, est que notre réalisation ait été un prétexte pour lui permettre de faire un discours très important.

Benoît XVI a en effet eu des paroles significatives au sujet du totalitarisme et du nazisme. Ce qui était très important pour moi en tant que personne, mais aussi en tant qu’acteur. J’ai ainsi réalisé que, même avec ce type de travail, que je ne considère comme pas très sérieux, on peut parfois susciter des événements très importants.

Q: Pourquoi estimez-vous qu’être acteur n’est pas un métier sérieux ?

P.A.: Actuellement, j’ai un rôle très sérieux. Mais en tant qu’acteur, je fais beaucoup de choses diverses. Parfois, je ne joue pas une personne très sérieuse, ou je double des voix, donnant la mienne à des animaux dans des films pour enfants. Croyez-moi, parfois ce travail ne semble pas très sérieux !

Q: Etes-vous content d’interpréter actuellement Jean Paul II ?

P.A.: Bien sûr. En réalité, je n’osais même pas rêver d’un tel rôle. Parce que lorsque nous aurons fini cette partie, le film sur toute la vie du pape durera 6 heures au total. De l’âge de 19 ans, depuis les premiers jours de la seconde guerre mondiale, aux derniers moments de sa vie, dont tout le monde se souvient très bien.

Pour tout acteur, ce serait une vraie responsabilité, et particulièrement pour un acteur polonais. Pour moi, c’est aussi un parcours personnel.

Q: Un parcours personnel, dans quel sens ?

P.A.: Pour tout Polonais, Jean Paul II est un héros national. Je crois que, grâce à lui, le communisme a commencé à prendre l’eau en Pologne. Nous avons toujours cru qu’il prendrait fin un jour. Mais je me souviens des pèlerinages en Pologne de Jean Paul II. Même moi, qui n’avais que 7 ans, je comprenais que quand le pape disait «solidarité», le mot interdit à cette époque, cela signifiait beaucoup. J’ai compris aussi que les gens ont changé après ses pèlerinages.

Q: Y a-t-il quelque chose qui a changé pour vous entre les deux parties du film ? Du fait que vous jouiez désormais Karol Wojtyla devenu pape, et du fait que Jean Paul II soit mort entre temps.

P.A.: Il est vrai que nous ne filmons plus la vie d’une personne vivante. Durant la première partie, mon rêve était que le pape voie le film fait sur lui-même et me voie moi comme acteur l’interprétant. J’imaginais cela comme le moment le plus important de ma vie.

En réalité, je jouais ce rôle pour lui. Il aurait été le juge le plus important de ce film. Il a vu quelques extraits du matériel que nous avions déjà fait, et il l’a apprécié, mais c’est le seul message que j’aie. Le critère le plus important a été, pour moi, les larmes de Mgr Dziwisz (lors de la projection de la première partie, ndlr). Parce qu’il est la personne qui connaissait le mieux le pape, et depuis très longtemps. Ses larmes ont signifié que j’étais crédible pour lui, en tous cas telle est mon interprétation.

Q: Comment vous préparez-vous pour vous mettre dans la peau de Jean Paul II ? Lisez-vous, regardez-vous des films, avez-vous quelqu’un pour vous aider à prendre sa démarche ou le ton de sa voix ?

P.A.: Non, mais j’ai bien sûr beaucoup lu. En ce moment, je lis la seconde partie du livre que j’avais commencé pour la première partie du film, une oeuvre sur toute l’histoire de sa vie, jusqu’au moment où il devenait pape. Cette partie portait sur l’histoire de mon pays, ce qui était très important pour moi. Elle montrait l’histoire très difficile de mon pays qui n’est pas tellement connue à l’étranger.

Notre film est anglophone et grâce à Jean Paul II, il peut toucher beaucoup de spectateurs dans le monde entier. Maintenant, nous tournons l’histoire connue du monde, mais j’espère donner des détails intéressants sur sa vie. Quant à ma technique, mes mouvements et mes gestes, bien sûr j’ai essayé de me préparer autant que j’ai pu, mais ce n’est pas la chose la plus importante.

La chose la plus importante est de prendre les tonalités de sa personnalité. Je sais que je ne suis pas capable de le faire pleinement mais je serais content si j’arrivais à adopter le même air. Pas aussi riche, pas aussi fort, mais je rappellerais le pape aux spectateurs. Alors mon rêve serait réalisé, c’est le devoir que je dois remplir.

Q: Vous avez dit être ’seulement un acteur’. Etes-vous seulement un acteur ?

P.A.: Oui, c’est ce que je dis aux personnes qui viennent parfois me voir dans la rue quand nous filmons certaines scènes dehors. Avec de l’amour dans les yeux, elles veulent parfois me baiser la main. Et ce que je dis, alors, c’est que je suis seulement un acteur.

Q: Dans cette aventure personnelle, qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué ?

P.A.: Je me souviens de la scène de l’attentat filmée place St-Pierre, c’était vraiment difficile d’être là (début novembre 2005, ndlr). J’ai vu un groupe de Polonais regarder notre travail; à un moment j’ai souri à une femme qui était là, et elle a commencé à pleurer. Elle m’a dit alors ’je n’oublierai jamais’. Parce que je pense que nous n’oublierons jamais ce moment. Quand cette tentative d’attentat a eu lieu, j’étais un petit garçon, j’étais avec ma famille devant la télévision. Et cela nous a glacés.

Je me souviens de mes sentiments : je voulais tuer Ali Agça. Quand je l’ai vu partir l’air si fier vers le fourgon blindé avec les policiers, et qu’il n’était pas désolé de ce qu’il avait fait.. Mais quand j’ai entendu que le pape lui avait pardonné, je me suis dit ’quel mauvais garçon je suis !’ Je voulais tuer, alors que le pape, qui avait été la victime, disait qu’il lui avait sincèrement pardonné. Je pense donc que, pour tout le monde, et pas seulement pour les catholiques et les Polonais, l’exemple de sa vie a été un bel exemple. Et avec cet exemple, il nous a beaucoup appris. Je suis très content en tant qu’acteur et en tant qu’être humain d’être impliqué dans un travail qui répétera son message.

Q: Quel est, selon vous, le message de Jean Paul II ?

P.A.: Résumer un grand message en une phrase, en mots simples. Je pense qu’on peut le dire en un mot : ’Amour’.

Q: Avez-vous d’autres idées ou rêves pour la suite, quand ce film sera fini ? Choisirez vous d’autres sortes de films que ceux que vous tourniez avant ?

P.A.: Après la première partie, j’avais peur, parce que j’avais l’impression que c’était le rôle de mes rêves, que mon rêve se réalisait, et que je devais rêver d’autres choses parce qu’il prenait fin. Mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent, bien sûr.

Après ce rôle de la première partie, je suis retourné à un travail normal, et j’ai par exemple donné ma voix à une girafe dans la version polonaise de Madagascar. Peut-être que cela a semblé étrange à certains qu’un acteur ayant joué le pape donne sa voix à une girafe. Mais c’est mon travail et je suis content de pouvoir faire tant de choses différentes. J’ai aussi maintenant le sentiment que je dois trouver un nouveau rêve parce que le plus grand rêve de ma vie se réalise maintenant en ayant un tel rôle.(apic/imedia/ar/be)

13 décembre 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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