Rome: Mgr Oscar Romero reconnu comme un martyr assassiné «en haine de la foi»
Rome, 10 janvier 2015 (Apic) L’archevêque salvadorien Oscar Arnulfo Romero, abattu le 24 mars 1980 par un tueur à la solde de l’extrême-droite pendant qu’il célébrait l’eucharistie, a été assassiné «in odium fidei» (en haine de la foi).
A l’unanimité, la commission de théologiens de la Congrégation pour les causes des saints à Rome a ainsi reconnu cette semaine que cet évêque engagé pour les plus pauvres, en fidélité à l’Evangile, a subi le martyre.
Le pape François ne cache pas qu’il souhaite la béatification «sans tarder» de cet évêque d’Amérique centrale qu’il a qualifié d’«homme de Dieu», en s’adressant aux journalistes dans l’avion qui le ramenait de Corée du Sud, le 18 août 2014. De même en 2007, lors de sa visite au Brésil, le pape Benoît XVI avait clairement dit qu’il considérait Mgr Romero comme «digne des autels». En novembre dernier, Mgr Luis Escobar Alas, actuel archevêque de San Salvador, affirmait que son prédécesseur serait béatifié en 2015, déclarant tenir l’information du pape François en personne.
«Saint Romero des Amériques» pour les petits
La décision finale reviendra au pape François, qui ordonnera la béatification. Il s’agit de la déclaration, par décret pontifical, qu’une personne de foi chrétienne a pratiqué les vertus naturelles et chrétiennes de façon exemplaire, ou même héroïque. La vénération publique de celui ou celle qui est alors appelé bienheureux ou bienheureuse est par la suite autorisée, localement ou universellement.
Dès le départ, cet homme de Dieu qui dénonçait les crimes commis contre la population désarmée durant les années de guerre civile qui ont ensanglanté ce pays d’Amérique centrale de 1979 à 1992, a été reconnu comme martyr par une grande partie de la population, qui l’appelait déjà «saint Romero des Amériques». Les petites gens se rendent toujours en nombre sur sa tombe, dans la crypte de la cathédrale de San Salvador.
L’Avvenire», le journal de la Conférence épiscopale italienne, souligne le 9 janvier 2015 que la procédure a été ralentie par la nécessité d’étudier et d’examiner à fond la conduite et les écrits de Mgr Romero dans le difficile contexte de la situation sociale et politique du Salvador à l’époque. «En définitive, l’assassinat de l’archevêque ne fut pas provoqué par ses positions ‘politiques’, mais exclusivement en raison de sa cohérence avec la foi et avec le magistère de l’Eglise. Une raison par conséquent exclusivement pastorale, religieuse».
Crispations idéologiques toujours bien présentes
Rappelons que pendant la guerre civile, les chrétiens engagés dans le combat pour la justice sociale étaient classés par les forces de sécurité et le gouvernement dans la rubrique des «subversifs» devant être éliminés. Prêtres, catéchistes ou délégués de la parole soupçonnés d’être des «communistes» étaient systématiquement assassinés. Face à ce lourd passé, l’Eglise catholique salvadorienne est, aujourd’hui encore, très «polarisée». La hiérarchie n’a pas encore dépassé ses divisions sur le plan idéologique.
Connu pour ses prises de position controversées, Mgr Romeo Tovar Astorga, l’évêque de Santa Ana sur le départ, a déclaré l’an dernier à l’Apic qu’il n’était pas très chaud à l’idée de voir Mgr Romero accéder à l’honneur des autels. «C’est une figure très manipulée par les politiciens de gauche… La canonisation de Mgr Romero, en ce moment, pourrait être dommageable, car ainsi on va canoniser ‘l’idéologie communiste’. Il vaudrait mieux attendre!», déclarait-il.
Scandale à San Salvador
L’évêque franciscain avait pourtant signé en son temps la lettre des évêques salvadoriens au pape Benoît XVI demandant «la conclusion rapide» du procès en canonisation de l’archevêque martyr. «La reconnaissance de la sainteté est une chose, mais savoir si le moment est opportun est une autre chose!», déclarait-il au journaliste de l’Apic qui visitait les diocèses salvadoriens.
Les crispations idéologiques sont toujours bien présentes dans le pays, à l’instar du maire de droite de San Salvador, Norman Quijano, qui a fait scandale à la fin de l’an dernier en annonçant son intention de baptiser une rue historique de la capitale salvadorienne du nom de Roberto D’Aubuisson. Cet homme est connu pour avoir organisé les escadrons de la mort durant la guerre civile. Des escadrons impliqués dans l’assassinat de Mgr Oscar Romero (1917-1980).
La dernière étape est en vue
De nombreuses voix se sont élevées pour dire qu’il n’était pas «approprié» de baptiser une rue du nom d’un criminel de guerre. En 1993, une Commission de la Vérité de l’ONU a déclaré que «l’ordre d’assassiner l’archevêque Mgr Oscar Romero était parti de Roberto d’Aubuisson et qu’il avait donné des instructions précises aux membres de son groupe de sécurité, agissant comme ‘escadron de la mort’ pour organiser et superviser l’assassinat» de cet évêque qualifié de «subversif» par les milieux d’extrême-droite.
Désormais, selon la pratique canonique, il ne reste plus, pour la béatification, que la prise de position du collège de cardinaux et d’évêques chargés du dossier qui doit se prononcer sur l’héroïcité des vertus. La décision finale reviendra au pape François, qui ordonnera la béatification. Il s’agit de la déclaration, par décret pontifical, qu’une personne de foi chrétienne a pratiqué les vertus naturelles et chrétiennes de façon exemplaire, ou même héroïque. La vénération publique de celui ou celle qui est alors appelé bienheureux ou bienheureuse est par la suite autorisée, localement ou universellement. (apic/be)