Le cardinal Barbarin préoccupé par l’actualité politique française

Rome: Le pape salue la réorganisation des diocèses français

Rome, 8 février 2004 (Apic) Le pape Jean Paul II a salué samedi l’effort de réorganisation des paroisses et des diocèses en France «pour faire face au manque de pasteurs et à la sécularisation des mentalités» en recevant les évêques des diocèses de Lyon et Clermont-Ferrand, en visite «ad limina». Le cardinal Barbarin s’est pour sa part exprimé à propos du débat sur la laïcité en France, qui «manque de sérénité». Quant à la nouvelle loi de bioéthique, le jeune cardinal s’est dit «consterné du silence qui a entouré son vote. Le Primat des Gaules s’est enfin exprimé sur le «douloureux» problème de la pédophilie parce que «personne ne doit rester silencieux face à ce drame».

Je souhaite aujourd’hui m’arrêter avec vous sur la vie de l’Eglise diocésaine», a dit en préambule le pape aux évêques des provinces ecclésiastiques de Lyon et de Clermont. Pour le pape, la réorganisation actuelle des diocèses français relève plus que d’une «simple réforme administrative» – d’une «réflexion pastorale» qu’il encourage.

Depuis la dernière visite Ad Limina des évêques de France en 1997, beaucoup de diocèses ont entrepris une réflexion importante sur la vie et le rôle des paroisses, rendue nécessaire à cause de l’évolution démographique et de l’urbanisation grandissante, mais aussi en raison de la diminution du nombre des prêtres. Loin de se limiter à une simple réforme administrative et à un nouveau découpage des limites paroissiales, cette réflexion pastorale a permis de faire un véritable travail de formation permanente et de catéchèse avec les fidèles, a estimé le pape, rappelant alors «les missions prophétique, sacerdotale et royale» incombant à tout baptisé.

Unité au sein des mouvements

Outre son encouragement pour la formation des fidèles, le pape a montré l’importance de l’unité au sein des communautés paroissiales, tout en y laissant s’exprimer «la diversité des membres et la variété de leurs charismes». Le pape a insisté sur la nécessité de leur ouverture à la vie des associations et des mouvements, et de leur accueil à des groupes et des prêtres de «sensibilité plus traditionnelle». «Il importe de veiller à ce que la communauté paroissiale ne se ferme jamais sur elle-même», a lancé le pape, invitant «les communautés plus traditionnelles à s’ouvrir aux autres réalités et sensibilités locales» et «à manifester concrètement leur communion filiale avec l’évêque, et par-là avec l’Eglise universelle».

Pour le pape, les restructurations diocésaines ont permis la prise de conscience par les fidèles de «l’identité véritable de la paroisse», «communauté ecclésiale fondamentale» plus que «territoire géographique», et de l’identité de leur diocèse, «circonscription administrative», mais avant tout «manifestation d’une réalité ecclésiale».

Le diocèse est une entité vivante, une réalité humaine et spirituelle, famille de communautés que sont les paroisses et les autres réalités ecclésiales présentes sur le territoire, a expliqué Jean-Paul II, rappelant que l’Eglise diocésaine était une portion du peuple de Dieu confiée à un évêque.

Le pape a alors insisté sur «la visée missionnaire» des diocèses animés d’une «nouvelle dynamique d’évangélisation». Il a salué les diocèses associant leurs forces apostoliques en mettant au service de ceux plus démunis des prêtres disponibles pour la mission et les a félicités pour «leurs initiatives de valorisation de la liturgie», qui prennent souvent la forme de «messes solennelles dans la cathédrale».

A propos des diacres

Jean Paul II a enfin parlé du ministère des diacres permanents et de la mission de service des fidèles laïcs, ses premiers acteurs, dans leur témoignage quotidien de l’Evangile rendu par leur vie de travail et leurs engagements divers au coeur du monde. «Le fait de travailler longuement ensemble» dans la réflexion synodale contemporaine sur une question aussi décisive que l’avenir de la communauté chrétienne, a permis aux prêtres et laïcs «de se découvrir en profondeur, d’apprécier les implications et les rôles spécifiques des uns et des autres dans la vie de l’Eglise, et de mieux percevoir la communion ecclésiale qui met en valeur l’estime et la complémentarité des différences, ainsi que le service commun du Christ et de nos frères dans une même foi».

Les inquiétudes du cardinal Barbarin

Le cardinal Philippe Barbarin, s’adressant auparavant au pape, a abordé, outre les questions pastorales développées par Jean Paul II, plusieurs problèmes touchant la France contemporaine.

Parlant des déséquilibres sociaux dans sa région, l’archevêque de Lyon a affirmé que les problèmes les plus graves «sont devant nous, car la juste répartition des biens n’est pas le souci de ceux qui prennent les décisions touchant à l’équilibre du monde». Pour le cardinal, depuis quelques décennies, le système économique et social fait apparaître de nouvelles pauvretés et beaucoup de souffrances.

Concernant l’actualité française, le primat des Gaules a tenu à parler des lois sur la laïcité et sur la manipulation des embryons. «Dans un débat qui manque de sérénité, il est important que l’on perçoive à quel point les chrétiens sont engagés dans ce domaine et désireux de vivre en bonne intelligence et en paix avec les croyants des autres religions, nombreux en notre pays. L’enjeu en est aussi l’intégration de toutes les composantes sociales au sein de la Nation», a-t-il expliqué à propos de la première.

Quant à la nouvelle loi de bioéthique, le jeune cardinal s’est dit «consterné du silence qui a entouré son vote». Est-ce un signe d’indifférence? S’est-il interrogé. Comment des députés catholiques peuvent- ils voter une loi qui manque de clarté dans le refus du clonage et qui laisse entendre que l’embryon humain n’est qu’un matériel de laboratoire, en autorisant son utilisation à des fins thérapeutiques?. «Nous avons assez d’estime et de confiance dans la recherche médicale pour penser qu’elle saura trouver les moyens de répondre à l’espérance des malades et de leurs familles, sans blesser nos convictions», a-t-il développé. Pour lui, la situation est d’autant plus révoltante que la loi française déclare ’garantir le respect de tout être humain, dès le commencement de la vie.

Départs préoccupants

Le cardinal Philippe Barbarin a également confié ses questionnements quant au départ de certains jeunes prêtres dans les séminaires. «Nous n’arrivons pas à comprendre, ni à voir les raisons de ces départs. Y a-t- il eu des défauts dans la formation, des manques de discernement, des erreurs évitables dans la vie fraternelle, dans les ministères confiés?», s’est-il demandé avant de parler des «douloureux cas des prêtres pédophiles».

«Dans nos presbytérium, les cas de prêtres pédophiles, heureusement peu nombreux, sont pour nous très douloureux», a-t-il affirmé, les qualifiant de «blessure dramatique pour tout le corps ecclésial». «En évoquant cela, nous pensons d’abord aux enfants et à ceux qui, aujourd’hui adultes, ont eu à subir de telles violences de la part de certains de nos frères, et qui restent pour toujours marqués et meurtris. Nous avons conscience que ce sont des vies à jamais blessées et détruites. C’est à ces personnes, à leurs familles et à tous leurs proches que nous disons notre compassion» a-t-il expliqué.

A la fin de la rencontre, Jean Paul II a tenu à remercier les vicaires généraux ainsi que les membres des curies diocésaines pour leur aide dans le déploiement de la vie pastorale des diocèses. Il a également demandé aux fidèles de prier pour lui et pour l’accomplissement de son ministère papal. PR

Encadré

Les problématiques françaises abordées par le cardinal Philippe Barbarin

«J’ai souhaité aborder le thème de la défense de la vie dans le discours adressé au pape parce qu’en France, il y a beaucoup de tintamarre en ce moment mais un silence assourdissant en ce qui concerne la bioéthique». C’est ce qu’a expliqué le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, au cours d’une conférence de presse organisée en marge de la visite «ad limina».

Le cardinal a exprimé le souhait, que les députés catholiques français puissent suivre l’exemple italien et s’exprimer en faveur de la défense de la vie «au-delà de leurs divergences politiques». «Je souhaite que les députés catholiques soient en mesure d’exprimer ouvertement leur opposition contre la chosification de l’embryon humain. C’est la foi qui peut susciter le réveil de leur conscience»», a-t-il ajouté en reconnaissant l’insuffisance de l’information transmise à ce sujet par les instances concernées de l’Eglise catholique. Ce faisant, le cardinal français reconnaissait ses propres torts, étant lui-même président du Comité épiscopal pour la santé. «J’ai rédigé un communiqué en décembre, lors du vote de la loi sur la bioéthique, mais je reconnais qu’il a été envoyé trop tard». «Cette erreur sera corrigée dans l’avenir», a-t-il souligné en laissant entendre que l’épiscopat français pourrait prendre position de manière plus efficace lorsque la loi sera soumise au vote du sénat.

Le cardinal a encore regretté que la pression ressentie par les députés face aux citoyens dans le débat sur la laïcité était «largement supérieure» à celle ressentie dans le débat sur la bioéthique durant lequel beaucoup de députés lui airaient dit avoir voté de manière automatique. Parallèlement aux déclarations de l’institution ecclésiale, l’archevêque de Lyon a insisté sur l’importance d’accroître, dans ce débat, le rôle des «corps sociaux intermédiaires» en citant les associations de médecins ou d’infirmiers catholiques.

Très pessimiste quant à la tournure que prenne les événements dans ce domaine de la bioéthique, le cardinal a souligné que «ce genre de loi ne va qu’en s’aggravant». Pour lui, «le clonage thérapeutique n’est condamné que par une amende, et il sera donc sans doute autorisé dans 5 ans». Il s’est, en outre, demandé si «la condamnation véhémente» du clonage reproductif par le monde législatif était réellement «sincère».

Dans son discours adressé à Jean-Paul II, le cardinal Barbarin a par ailleurs souhaité s’exprimer sur le problème «douloureux» de la pédophilie parce que «personne ne doit rester silencieux face à ce drame». «Il y a de grandes souffrances, a-t-il souligné, et je n’aime pas ce que l’on ne dit pas. C’est une blessure pour l’ensemble du corps ecclésial», a-t-il ajouté en faisant allusion à une affaire de ce type qui a infligé «une giflé au diocèse de Chambéry», au mois de décembre. Il a noté que «ce genre de situations sont encore plus graves lorsqu’elles concernent des religieux parce qu’ils sont en face de coeurs purs». PR

Encadré

Prise de possession du titre de l’Eglise de la Trinité des Monts par le cardinal Barbarin

En tant que primat des Gaules, l’archevêque de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin a pris possession du titre de l’Eglise de la Trinité des Monts, lors d’une messe célébrée le 7 février 2004 en fin d’après-midi. Selon la tradition, il a été accueilli par le recteur de l’église du Mont Pincio, Mgr Patrick Descourtieux, qui a lu la «Bulle papale de remise» du titre de la Trinité des Monts au cardinal de 53 ans. Ce dernier a conclu par cette cérémonie sa semaine de visite ad limina.. Il était accompagné des évêques de Lyon, Mgr Giraud et Mgr Brac de La Perrière, ainsi que de la délégation épiscopale des provinces ecclésiastiques de Lyon et de Clermont.

Le Vatican et la curie romaine étaient représentés notamment par les cardinaux français Paul Poupard, président du Conseil pontifical pour la culture, et Robert Etchegaray, ancien préfet du Conseil pontifical Justice et paix, ainsi que par les cardinaux italiens Angelo Sodano, secrétaire d’Etat au Vatican, et Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques. (apic/imedia/pr)

8 février 2004 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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