Rome: Le cardinal Tarcisio Bertone, le «vice-pape»
Un secrétaire d’Etat globe-trotter
De Rome, Antoine-Marie Izoard, I.MEDIA
Rome, 17 mars 2008 (Apic) Le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, est en fonction depuis 18 mois et son rôle ne cesse de grandir au sein de la curie. Au Vatican, nombre d’observateurs ont qualifié cet Italien de 73 ans de «vice-pape», de «pape numéro deux» ou encore de «pape qui voyage», à l’inverse de Benoît XVI dont les apparitions publiques et les voyages sont relativement rares.
Un secrétaire d’Etat globe-trotter, Mgr Bertone, en fonction depuis 18 mois seulement, et qui partage la tâche du pape. Pour preuve, les récents voyages à l’étranger du cardinal Bertone ont été traités par différents organes du Saint-Siège comme de véritables voyages pontificaux.
Nombreux sont donc désormais ceux qui pensent que le ’numéro deux’, du Vatican, plus que d’assister le pape, partage la tâche de celui dont il est proche depuis de longues années, en assumant à sa place un certains nombre d’impératifs, en particulier en ce qui concerne les voyages internationaux. Agé de 81 ans en avril prochain, Benoît XVI devrait n’effectuer que trois voyages hors d’Italie en 2008 : aux Etats-Unis, en Australie et en France. Peu attiré par les grandes foules, il tente bien souvent de planifier des déplacements brefs, mais ses collaborateurs se font fort de le convaincre d’ajouter telle ou telle étape à son programme.
Le journaliste et ’vaticaniste’ italien Sandro Magister note que, face aux déplacements «rares et mesurés» de Benoît XVI hors de Rome, chaque voyage du cardinal Tarcisio Bertone «prévoit un agenda extrêmement chargé». Il explique ainsi que, lors de ses déplacements, le secrétaire d’Etat rencontre des autorités politiques, diplomatiques, académiques, des évêques, des prêtres, des religieux, des fidèles, des chefs d’autres confessions chrétiennes ou d’autres religions. Il visite ainsi des diocèses et des couvents, il inaugure également des églises, visite des synagogues et des mosquées. «Il célèbre, il prêche, il a un discours pour chacun».
Le cardinal Bertone a accompli sept voyages à l’étranger en l’espace de dix mois, de juin 2007 à mars 2008. Il s’est ainsi rendu à deux reprises en Pologne en juin et septembre 2007, au Pérou en août, au Portugal en octobre, en Argentine en novembre, puis à Cuba en février 2008, ainsi qu’en Arménie et en Azerbaïdjan au début du mois de mars. Son prédécesseur, le cardinal Angelo Sodano, accompagnait Jean-Paul II (1978-2005) lors de ses déplacements, mais, seul, n’accomplissait que très peu de voyages officiels.
Un «pape qui écrit et un pape qui voyage»
Ainsi, selon certains observateurs, il y aurait désormais «un pape qui écrit», Benoît XVI, et «un pape qui voyage», son bras droit, le cardinal Tarcisio Bertone. Récemment, de retour de son déplacement à Cuba, ce dernier, interviewé par L’Osservatore Romano, se voyait aisément à la place du pape : «C’était impressionnant et émouvant de voir tant de personnes – des enfants, des adultes, des familles – le long des routes qu’empruntait le cortège du secrétaire d’Etat. Ils saluaient, ils applaudissaient. Ils criaient : vive le pape».
Le cardinal Bertone est donc un grand voyageur et «rien ne l’arrête», estime encore Sandro Magister. «La veille de son arrivée au Pérou, rappelle-t-il, le pays a été secoué par un tremblement de terre. En Arménie, des émeutes dans les rues et l’Etat d’urgence ne l’ont amené à retarder son départ que de deux jours. Il a également visité l’Azerbaïdjan, en guerre avec son voisin arménien. Bertone s’est rendu à Cuba précisément au moment où Fidel Castro se retirait de la présidence de l’île au profit de son frère Raúl».
En outre, le Bureau de presse du Saint-Siège a publié la totalité des discours prononcés par le secrétaire d’Etat à Cuba – comme c’est le cas avec les textes du pape lors de ses voyages à l’étranger – ainsi que de nombreux discours prononcés en Arménie puis en Azerbaïdjan. L’Osservatore Romano, dont le cardinal Bertone a récemment changé la direction, a également fait largement écho des derniers voyages du secrétaire d’Etat.
Un «activisme» remarqué
Depuis son arrivée à la tête de la Secrétairerie d’Etat, en septembre 2006, le cardinal Tarcisio Bertone fait preuve d’un «activisme» remarqué par nombre d’observateurs. Outre ses nombreux voyages, il participe aussi à de nombreuses conférences ou cérémonies inaugurales. Prenant la parole en de multiples occasions et ne fuit pas les micros des journalistes. Particulièrement présent sur la scène italienne, l’ancien archevêque de Gênes s’est récemment vu reprocher son attitude par l’ancien chef de l’Etat de la péninsule, Francesco Cossiga. Dans une lettre ouverte au cardinal Bertone, celui-ci a demandé au prélat de laisser la Conférence épiscopale italienne s’occuper des questions de politique nationale.
Benoît XVI avait annoncé en juin 2006, un peu plus d’un an après son élection, la nomination de son nouveau secrétaire d’Etat, le cardinal Tarcisio Bertone. Il devait prendre ses fonctions trois mois plus tard. Ces précautions s’expliquaient peut-être par le fait que le pape avait décidé de prendre pour principal collaborateur un religieux salésien qui avait été pendant 7 ans son bras droit comme secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Pasteur affable et médiatique, sa nomination avait en effet suscité quelques interrogations au Saint-Siège car il était le premier secrétaire d’Etat non diplomate depuis le cardinal français Jean Villot, nommé par Paul VI en 1969.
En avril 2007, le pape a également nommé le cardinal Tarcisio Bertone ’camerlingue de la sainte Eglise romaine’. Après la mort du pape et jusqu’à l’élection de son successeur, le camerlingue devient le personnage central du Vatican et de l’Eglise catholique. Il a quasiment les pleins pouvoirs. Quand le pape meurt, c’est lui qui en constate officiellement le décès puis il est chargé de veiller à l’administration des biens et des droits temporels du Saint-Siège, avec l’aide de trois cardinaux assistants. Avec les deux casquettes de secrétaire d’Etat et de camerlingue, le cardinal Bertone est ainsi assuré d’être en haut de la hiérarchie de l’Eglise du vivant du pape mais aussi après sa mort. Ce fut aussi le cas du cardinal Eugenio Pacelli, futur Pie XII. (apic/imedia/ami/vb)