Elle a donné sa vie pour mettre au monde son enfant
Rome: Gianna Beretta Molla, icône de la défense de la vie, a été canonisée le 16 mai
Ariane Rollier, correspondante de l’Apic à Rome
Rome, 16 mai 2004 (Apic) Le 16 mai, Jean Paul II a canonisé six bienheureux. A cette occasion, l’Apic a rencontré le Père Paolino Rossi, postulateur de la cause de la bienheureuse Gianna Beretta Molla (1922- 1962), et également postulateur de la cause de Luigi et Maria Beltrame- Quattrochi, premier couple à avoir été béatifié. Le Père Rossi a par ailleurs annoncé l’ouverture du procès diocésain du couple Amendolagine le 18 juin 2004.
Fille de tertiaires franciscains, Gianna Beretta Molla est célèbre pour avoir donné la vie à son quatrième enfant sachant qu’elle allait encourir sa propre mort à cause d’un fibrome.
Apic: Quels ont été les miracles réalisés par l’intercession de Gianna Beretta Molla?
Père Paolino Rossi: Le premier a eu lieu au Brésil en 1977. Une femme, Lucio Silva Cirilo, après avoir perdu son quatrième enfant dont elle était enceinte, fut en proie à une infection dont elle devait mourir. Seule une intervention chirurgicale immédiate, alors impossible, pouvait la sauver. Une religieuse en service à l’hôpital fit alors prier Gianna dont elle connaissait l’existence. En l’espace de trois heures toute trace de fistule avait disparu.
Le second concerne une mère de famille de Sao Paolo, Betinha de Carlos César, qui, attendant son quatrième enfant, perdit tout le liquide amniotique à son troisième mois. On lui conseilla d’avorter, car elle encourait un risque pour sa propre vie et l’enfant n’avait aucune chance de survivre. Un évêque sur place dévoué à la cause de Gianna, la convainquit de prier la bienheureuse. La mère décida alors de ne pas avorter, et accoucha le 31 mai 2000 d’une petite fille en parfaite santé.
Apic: Pourquoi faut-il un miracle pour valider la cause d’un bienheureux?
P.R: Quand on fait l’enquête diocésaine sur la vie et les vertus du servant de Dieu, les témoins donnent leur point de vue externe, mais on ne connaît pas les profondeurs de son âme. On n’a pas de certitude absolue. Le miracle est donc une garantie de la part de Dieu qui valide le jugement humain exprimé par des théologiens et des cardinaux.
Apic: Les miracles sont-ils toujours en lien avec la personnalité du saint?
P.R: Non, il est vrai que pour Gianna Beretta Molla cela a été un peu la photocopie de son cas. La Congrégation pour la cause des saints prend en compte les guérisons physiques, dont la dépression, mais pas les guérisons morales ou les conversions.
Apic: L’histoire de la vie de Gianna Beretta Molla a connu un grand retentissement. A quoi est-ce dû?
P.R: Gianna est une femme pleinement réalisée, ce qui est rare. Elle a atteint la plénitude humaine à l’âge de quarante ans, en étant à la fois épouse, mère et médecin. Elle a su rendre compatible le fait d’être femme et chrétienne. C’était une femme religieuse et très responsable, notamment dans son travail, mais qui aimait aussi les choses de la vie comme la montagne, le théâtre, le ski, la peinture, la musique, la mode.
Apic: En quoi peut-elle être un exemple pour les croyants et les non- croyants?
P.R: Depuis son enfance, Gianna a toujours été dévouée aux pauvres, aux malades, aux personnes qui avaient besoin d’elle. C’est quelqu’un de très charitable, qui a su témoigner de sa foi avec courage, travaillant au-delà des horaires imposés, se rendant disponible aux autres, rendant notamment visite aux malades.
Apic: Comment expliquez-vous que son mari, l’ingénieur Pietro Molla, n’ait pas pris conscience de la sainteté de sa femme durant sa vie?
P.R: Probablement, parce que nous avons une conception trop cléricale de la sainteté. On pense souvent que la sainteté relève du domaine des religieux. Or la sainteté s’exprime aussi à travers les choses ordinaires de la vie normale et à travers le sacrement du mariage. Ce qui me touche dans la vie de Gianna Beretta Molla, c’est justement l’intensité avec laquelle elle l’a vécue. C’est une femme qui a vécu une vie ordinaire d’épouse, de mère et de médecin, mais qui l’a vécue de façon extraordinaire par son intensité.
Apic: Jean-Paul II ne cherche-t-il pas à canoniser des laïcs pour donner des exemples de sainteté ailleurs que dans la vie religieuse justement?
P.R: Si. Le Concile Vatican II a souligné l’appel universel à la sainteté. Et dans la constitution dogmatique Lumen Gentium et dans la lettre apostolique Novo Millenio Ineunte, le pape a parlé de ’la haute mesure de la vie ordinaire’.
Dans Familiaris Consortio, l’exhortation apostolique post-synodale, il y a un très beau chapitre sur la sainteté familiale. Le mariage apparaît comme un instrument de sainteté pour tous. L’intention du pape est donc de proposer des fidèles laïcs, des personnes mariées comme modèles de sainteté.
Apic: Le procès en canonisation de la future sainte Gianna a été rapide, pouvez-vous en rappeler les grandes étapes?
P.R: L’inspirateur de la cause a été Paul VI, encore archevêque de Milan en 1962. L’enquête diocésaine a commencé 1980 pour finir en 1986. Les vertus de la vénérable ont été reconnues à travers un décret le 6 juillet 1991. Le premier miracle a été reconnu en 1992 et Jean Paul II a béatifié Gianna le 24 avril 1994. Le second miracle a été reconnu en décembre 2003. La procédure a été simple. Il y avait aussi derrière une volonté de canoniser cette femme afin d’en faire un modèle au rayonnement mondial.
Apic: Gianna a-t-elle changé d’attitude quand elle a su qu’elle allait mourir en donnant la naissance à un quatrième enfant? A-t-elle hésité à renoncer à l’avortement? A-t-elle subi des pressions extérieures?
P.R: Non, Gianna a travaillé jusqu’à la veille de son départ pour l’hôpital, le 20 avril, alors qu’elle devait mourir le 21 avril 1962. Elle était médecin et savait que poursuivre sa maternité dans ces conditions la mènerait à la mort. Mais elle donnait autant de prix à la vie de son enfant qu’à la sienne. Quand elle s’est rendue compte du fibrome, elle a pris immédiatement la décision de garder l’enfant. Son mari était d’accord. Elle n’a jamais subi les pressions de son temps car elle est restée cohérente avec sa foi et ses principes moraux et c’est cette vie intérieure qui explique son attitude.
Apic: Ce choix impliquait ses enfants, qu’en est-il?
P.R: Gianna a toujours eu un sens très élevé de la Providence de Dieu. Elle la voyait intervenir au-delà de sa mort. Elle était certaine que Dieu trouverait les moyens pour poursuivre l’éducation de ses enfants même si elle venait à mourir. Elle ne pouvait pas douter que Dieu ne supplée à son absence. Ses trois enfants encore en vie sont croyants et Gianna Emmanuella, la dernière, est également médecin.
Informations sur sainte Gianna Beretta Molla sur le site http://www.giannaberettamolla.org
(apic/imedia/bb)