Suisse: Mgr Norbert Brunner est le nouveau président de la Conférence des évêques suisses
Rome doit prendre davantage au sérieux la propre responsabilité des évêques
Sion, 3 décembre 2009 (Apic) L’évêque de Sion, Mgr Norbert Brunner, prendra pour les trois prochaines années la présidence de la Conférence des évêques suisses (CES). Le Haut-Valaisan, âgé de 67 ans, fonctionnera comme le «primus inter pares», «premier parmi ses égaux», comme il aime à le souligner. Car la CES cherche toujours à obtenir le consensus de tous ses membres.
Mgr Brunner, dans un entretien accordé à l’Apic, souligne qu’il veut s’engager pour que l’on prenne davantage en considération la propre responsabilité de la Conférence des évêques et des évêques eux-mêmes. En tant que président de la CES ces trois prochaines années, Mgr Brunner souhaite emmener ses membres à fixer encore plus fortement que jusqu’à présent les priorités pastorales communes. Et de manière à ce que tout soit ne soit pas, tout de suite, considéré uniquement sous l’angle des possibilités financières.
Evidemment, cela n’a pas de sens de «bâtir des châteaux en Espagne» que l’on ne peut pas du tout financer. Mais, dans la discussion avec les instances financières de l’Eglise catholique en Suisse, on doit mettre davantage le poids sur les priorités.
La collégialité a ses limites
Pour l’évêque de Sion, la collégialité est excellente au sein de la CES. Mais, estime Mgr Norbert Brunner, elle laisse à désirer lorsque les limites d’une conférence épiscopale sont dépassées. Ainsi, la façon dont, au début de l’année, l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité sacerdotale St-Pie X a été levée, lui fait souci. Même s’il ne veut pas revenir sur le sujet, il estime que «cela aurait été mon souhait que dans ce cas, les évêques directement concernés ou les Conférences épiscopales eussent été un peu plus consultées». Pour mémoire: c’est d’Ecône, en Valais, dans le diocèse de Sion que les fidèles de Mgr Lefebvre ont commencé leur croisade dès les années 1970.
Le troisième accent de sa présidence sera le principe de subsidiarité. Cela signifie qu’une instance inférieure qui est en mesure de façon autonome d’accomplir des tâches et de résoudre des problèmes, doit aussi pouvoir le faire. «Il devrait pourtant être possible que dans l’Eglise, dans leur propre champ de responsabilité, la Conférence des évêques ou les évêques aient à nouveau leur mot à dire», insiste Mgr Brunner.
Un exemple? Le sacrement de baptême ou le mariage célébré par les laïcs est tout à fait possible selon le droit canonique, quand l’évêque en charge, après discussion avec la Conférence épiscopale, en donne le mandat. Le fait que ce mandat doive encore être confirmé par Rome est pour Mgr Brunner un centralisme qui n’est pas nécessaire. «Si j’ai cette compétence, alors la direction de l’Eglise doit aussi avoir confiance que je peux aussi prendre cette responsabilité vraiment dans le sens de l’unité!»
L’évêque de Sion fait partie de ces gens qui prennent toujours position de façon décidée et contre l’esprit du temps sur les questions du droit à la vie. Car dans ce domaine, ce sont vraiment des «valeurs humaines fondamentales» qui sont en jeu. Comme président de la Conférence des évêques, il veut maintenir cette attitude, et il se sent dans ce sens appuyé par la CES. Ainsi, les questions de l’assistance au suicide, de la bioéthique, de l’interruption volontaire de grossesse, mais également les questions relevant de l’éthique économique et de l’éthique du travail doivent pour les évêques suisses revenir davantage au centre de l’attention, dans le sens d’une «culture de la vie».
Mgr Brunner croit que la voix de l’Eglise est entendue dans la discussion de ces questions contemporaines, que ce soit dans la société ou dans le monde politique. «Les hommes politiques, particulièrement au plan fédéral, sont en tout cas intéressés à entendre le point de vue de l’Eglise». Il retourne volontiers la question: la Suisse est un pays dont les habitants sont à 80% chrétiens… Alors, dans quelle mesure ce milieu chrétien peut et doit également se répercuter dans la politique? «Naturellement, la théologie morale chrétienne ou catholique ne se laisse pas traduire un à un dans une loi; c’est tout à fait clair. Pourtant ce serait justement aux partis politiques qui se qualifient de ’chrétiens’ de se poser la question de savoir si la doctrine chrétienne joue également un rôle dans les décisions politiques qu’ils ont à prendre».
Le manque de prêtres et de fidèles
Il n’y a pas seulement dans l’Eglise catholique un manque de prêtres, dont on se plaint beaucoup, mais également un «manque de fidèles», que l’on ne remarque pas seulement au recul de la pratique de la messe dominicale, mais en fait de toute la pratique religieuse. Cela concerne aussi des cantons aux racines catholiques comme le Valais. Et cela a, tout comme le recul des naissances, aussi des conséquences sur les vocations au sein de l’Eglise.
Pour compliquer encore les choses: alors qu’en Suisse, comme dans toute l’Europe occidentale, les prêtres deviennent rares, et que leur âge moyen augmente, de grandes parties de l’Eglise universelle ont assez, voire trop, de vocations sacerdotales, notamment en Afrique et en Asie. Et cela rend vraiment difficile de trouver une solution pour l’ensemble de l’Eglise, relève Mgr Brunner. Pourtant, il estime tout à fait possible que l’Eglise ordonne aussi des hommes mariés. Car il n’y a aucune liaison essentielle entre le célibat et la prêtrise. Mais le célibat, comme signe particulièrement fort de l’imitation du Christ, doit être conservé dans l’Eglise comme forme de vie possible.
Les vocations sacerdotales deviennent rares également dans le Valais catholique. Et cela bien que les traditions religieuses soient encore fréquemment très vivantes, que ce soit à la Fête Dieu ou lors des grandes fêtes paroissiales. Depuis environ 15 ans qu’il est à la tête du diocèse de Sion, Mgr Brunner a enterré 75 prêtres diocésains tandis qu’il n’en a ordonnés que 27!
Pas de grands espoirs d’une réconciliation avec les lefebvristes
Mgr Brunner n’a pas de grands espoirs d’une réconciliation avec les lefebvristes. Il espère et prie pour que les discussions entreprises il y a peu entre la Fraternité sacerdotale St-Pie X et une délégation du Vatican conduisent à une pleine acceptation des enseignements du Concile Vatican II. Mais l’on ne doit pas nourrir de grands espoirs à ce sujet. Ainsi la Fraternité traditionaliste continue d’ordonner des prêtres sans autorisation, comme si rien ne s’était passé, et comme si le pape n’avait pas fait un geste «généreux» en levant les excommunications des évêques lefebvristes.
En tout état de cause, les églises et les chapelles du diocèse ne sont pas ouvertes aux prêtres de la Fraternité St-Pie X. Mgr Brunner le souligne clairement: «Je ne vois pas comment je pourrais mettre à disposition une église pour une célébration liturgique non autorisée». De toute façon, conclut-il, le diocèse de Sion n’a aucun contact avec la Fraternité St-Pie X. JB/JB
Encadré
Biographie de Mgr Norbert Brunner
Né le 21 juin 1942 à Naters, dans le Haut-Valais, Norbert Brunner, après sa formation théologique à Sion, Innsbruck et Fribourg (Suisse), a été ordonné prêtre le 6 juillet 1968. Il a tout d’abord été professeur et préfet de l’internat au Collège Maria Hilf à Schwyz (1970-1972) avant d’être nommé chancelier épiscopal et notaire au tribunal (1972-1987) ainsi que recteur de la cathédrale de Sion (1972-1987). Il fut ensuite désigné en 1988 chanoine de la cathédrale de Sion. De 1991 à 1995, il a été vicaire général du diocèse de Sion. Elu évêque le 1er avril 1995, il a été ordonné évêque le 9 juin 1995.
Mgr Brunner est chanoine d’honneur de l’Abbaye territoriale de Saint-Maurice, en Valais, et depuis 2001 membre du présidium de la Conférence des évêques suisses (CES). Au sein de la CES, il est responsable des dicastères «Aumôneries spécialisées» (Militaires, monde de la santé, foyers et homes, service de contact pour homosexuels, autres) et «Mobilité humaine» (Migration, tourisme et loisirs, autres). Il prendra ses fonctions de président de la CES le 1er janvier prochain. JB/JB
Des photos actuelles de Mgr Norbert Brunner peuvent être commandées contre honoraires auprès du photographe Jean-Claude Gadmer: Tél. 0041 (0)79 266 23 23, Courriel jc.gadmer@bluewin.ch (apic/job/gs/be)