Roland Loos: «Je suis prêt à relever le défi de présider la RKZ»
«Positif et optimiste, mais pas béatement naïf», le Vaudois Roland Loos reprend au 1er janvier 2024 la présidence de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) «Cela exigera beaucoup d’engagement et d’énergie face aux multiples défis de l’Eglise catholique en Suisse, je me sens prêt à contribuer à les relever .»
S’il est quelqu’un qui connait parfaitement le fonctionnement de l’Église catholique en Suisse, c’est bien Roland Loos. Il en a exploré tous les échelons: conseiller et président de paroisse, membre des structures cantonales, délégué à la RKZ, membre du présidium et vice-président. Sans parler de tout le reste.
«L’Église en Suisse (comme ailleurs dans le monde) traverse une crise, mais celle-ci pourra être salutaire. Pour continuer à m’engager encore plus, je sépare ma foi en Jésus-Christ ressuscité et au Créateur de l’Église-institution faite d’hommes et de femmes faillibles», explique-t-il à cath.ch avec un petit accent de son Luxembourg natal. «Il y a beaucoup de défis, dont la question des abus, qui vont nous poursuivre encore pendant plusieurs années. Mais je pense que nous pouvons nous en sortir et à nouveau regarder vers l’avenir»
Les catholiques seront moins nombreux
«Les catholiques, en Suisse et en Europe, seront probablement de moins en moins nombreux, mais ils vont continuer à jouer leur rôle dans la société, pour la sauvegarde de la création, la solidarité, l’encadrement des jeunes, etc. Se replier sur soi pour se concentrer sur la célébration de la messe et la distribution des sacrements n’est pas une bonne voie.
«Tout ce que l’Église fait dans la diaconie, la solidarité, l’accueil des familles, des jeunes et des enfants ne doit pas être négligé. «
Avant d’aborder la crise des abus sexuels commis dans le cadre ecclésial, Roland Loos tient à rappeler toutes les bonnes choses que l’Église accomplit. «Je trouve par exemple exceptionnel que la constitution vaudoise (et d’autres NDLR) reconnaisse explicitement les Églises pour leur engagement dans la société. Tout ce que l’Église fait dans la diaconie, la solidarité, l’accueil des familles, des jeunes et des enfants ne doit pas être négligé. «
Pour une Église plus synodale
Pour lui, le processus synodal, lancé par le pape François va dans ce même sens. «Les gens qui ont participé au synode à Rome sont rentrés illuminés, dans le sens positif du terme. Cela a amené des ouvertures. Même si les réformes effectives ne sont pas encore décidées.
«Ma vision est qu’il faudrait avoir, par conférence épiscopale ou par région, la possibilité d’introduire des réformes sur toutes les questions qui ne sont pas liées au dogme comme l’obligation du célibat pour les prêtres ou l’ordination des femmes et l’accueil de chacun.e sans se soucier de son mode de vie. Mais nous savons aussi que la question de l’accueil des personnes LGBTQI+ est un tabou dans beaucoup de pays africains, tout comme la question de la polygamie chez nous par exemple. »
«Pour moi, il n’y a pas la RKZ et les Églises cantonales d’un côté et de l’autre les évêques. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir des discussions parfois animées, comme dans toutes les familles. Mais nous sommes toutes et tous des baptisé.es qui s’engagent pour la même cause et la même foi et c’est bien parce que nous sommes de la même famille que nous pouvons nous dire les choses clairement, même si cela peut générer parfois des tensions, constate Roland Loos.
«Que serait l’Eglise catholique en Suisse sans les migrants qui forment souvent une part importante de nos pratiquants?»
Il n’oublie non plus le domaine de la migration. «Que serait l’Eglise catholique en Suisse sans les migrants qui forment souvent une part importante de nos pratiquants? ” À cela s’ajoute évidemment un œcuménisme actif avec nos frères réformés.
Un avenir financier plus difficile
Une des rôles principaux de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) est de collecter et de redistribuer les contributions des Églises cantonales pour les tâches nationales. «L’avenir financier sera aussi plus difficile, prévient Roland Loos. Dans les cantons qui connaissent l’impôt ecclésiastique, les sorties d’Église vont provoquer une baisse des ressources. Dans le canton de Vaud, où les Églises reçoivent une contribution directe de l’État, la situation est moins risquée à court terme. La RKZ et les Églises cantonales s’en préoccupent depuis plusieurs années. Les études menées il y a deux ans montrent une diminution à moyen-terme. Avec moins de ressources, l’Église devra se réinventer. Nous arriverons à une Église synodale où les baptisé.s seront toutes et tous impliqué.es, avec des rôles différents.»
Attentif aux sensibilités régionales
À la tête de la RKZ, Roland Loos devra aussi composer avec des sensibilités ecclésiales assez différentes entre la Suisse alémanique, la Suisse romande et le Tessin. «Mais en y regardant de plus près les oppositions ne sont peut-être pas si fortes. Prenons deux exemples : En Suisse romande, la question du mode et du style de vie des agents pastoraux laïcs, qui ne seraient pas en situation régulière selon la norme ecclésiale, ne fait guère débat et on applique une certaine tolérance. En Suisse alémanique, cela provoque souvent des tensions assez fortes. À l’inverse, avoir des responsables de paroisse laïques ou des femmes qui proclament l’Évangile et prononcent l’homélie lors de la messe ne se voit pratiquement jamais en Suisse romande.
«Il ne s’agit pas de dire ‘il faut que tout le monde pense et agisse de la même manière’, mais de se comprendre et de préserver l’unité.»
«Il ne s’agit pas de dire ›il faut que tout le monde pense et agisse de la même manière’, mais de se comprendre et de préserver l’unité. On peut craindre cependant que si rien ne bouge dans les dix à quinze prochaines années, il y ait un risque de rupture et de schisme du côté des progressistes, partant peut-être de l’Europe germanophone, mais peut-être aussi de l’Amérique latine. Mais si l’obligation du célibat et l’ordination des femmes tombaient dès l’année prochaine, on aura un schisme du côté des tenants de la tradition», avertit le président de la RKZ.
Crise des abus: les choses bougent!
La communication suite à la publication du rapport de l’UNI de Zurich sur les abus sexuels dans l’Église catholique en Suisse a mis à l’épreuve la collaboration entre la RKZ et la Conférence des évêques suisses et les communautés religieuses. Avec des frustrations, des mouvements de colère et des menaces de sanctions financières. Mais Roland Loos tient à mettre les choses au point: «Les choses bougent et la volonté de marcher ensemble s’exprime.»
Lors de la préparation de la publication de l’étude pilote, la RKZ, la CES (conférence des évêques suisses) et la Kovos ont élaboré ensemble une série de cinq mesures communes qui sont en train de se mettre en place. Ensuite la RKZ a elle-même produit quatre exigences particulières. «Ce qui était aussi une manière d’éviter que chaque Église cantonale n’arrive avec ses propres revendications. Certains ont proposé par exemple d’exiger la démission de tous les évêques. Ce qui n’aurait amené à rien», précise Roland Loos.
La RKZ a essayé de trouver une voie médiane en posant ses quatre exigences. La mise en place d’une cellule nationale de signalement des abus disposant aussi de prérogatives d’enquête et de contrôle se prépare. Celle d’adjoindre deux laïcs à l›enquête de Mgr Bonnemain sur les évêques mis en cause a été réalisée. La question du tribunal pénal canonique national a été reprise et est déjà discutée avec Rome. La question de la vie privée des agents pastoraux laïcs ne se pose pas vraiment en Suisse romande.
«Nous avons secoué le cocotier, rappelé des réalités. Après cela, il s’agit maintenant d’agir ensemble et de relever les défis.»
«Il fallait que la RKZ annonce ces exigences et rappelle que de fait, nous avons en tant que RKZ, l’option de conditionner le soutien financier aux diocèses. Nous avons secoué le cocotier, rappelé des réalités. Après cela, il s’agit maintenant d’agir ensemble et de relever les défis et non plus de jouer au bac à sable et de lancer des menaces dans un sens ou dans l’autre. «, commente Roland Loos.
«Depuis trois mois des diocèses ont bougé, par exemple à Bâle et à Sion, qui ont lancé des audits externes sur certaines questions du passé.» L’assemblée des délégués de la RKZ de fin novembre a constaté cette évolution et confirmé sa volonté de travailler en commun avec les évêques, sans désormais de menaces de restrictions financières. «Nous avons pour ainsi dire ›élevé le niveau’. Nous sommes de retour dans une nouvelle dynamique, mais nous maintenons la pression via le dialogue.»
«Nous avons ainsi passé un bon moment entre des membres de la présidence de la RKZ et quelques évêques à faire l’exercice synodal tel que vécu à Rome. C’est-à-dire que nous avons fait un tour de table pour dire chacun ce qui nous tenait à cœur, en respectant des temps de silence pour digérer cette parole, avant d’entamer une discussion avec l’échange d’arguments. La volonté de marcher ensemble s’est exprimée.» (cath.ch/mp)
Le jeune étudiant du Luxembourg qui a fait sa vie en Suisse
«Mes origines sont au Luxembourg. Ma socialisation dans l’Eglise a été pilotée par le mouvement scout et ma paroisse à Luxembourg, explique Roland Loos. Mes parents se sont rencontrés chez les scouts . Mon papa a été entre les années 1960 et 1990 une des figures marquantes de l’Action catholique au Luxembourg et de multiples responsables de l’Eglise sont régulièrement venus manger à la maison. On peut donc dire que je suis tombé dans la marmite quand j’étais petit.
En 1980, j’arrive en Suisse pour entreprendre mes études à l’EPFL. Le dimanche suivant mon arrivée, je suis allé à la messe à la paroisse Ste-Thérèse, à Lausanne. À la sortie de l’église, je salue le curé, l’abbé Jules Crausaz (qui nous a mariés par la suite), qui me dit: «vous êtes nouveau?- oui – Cela tombe bien. J’ai besoin d’un catéchiste pour les ados. Il y a une rencontre de préparation demain à 17h à la cure. Je vous y attends.» J’y suis allé et j’y ai rencontré des personnes qui me sont toujours très proches. C’est ainsi que mon intégration dans l’Église du canton de Vaud s’est faite. Je me suis engagé dans le mouvement de scout de la paroisse où j’ai vite eu des responsabilités avant de devenir quelques années plus tard le responsable des relations internationales du Scoutisme suisse.
Je n’avais pas au départ l’idée de m’établir à Lausanne puisque j’y étais venu comme étudiant. Mais après mes études, j’ai travaillé comme assistant au département d’électricité de l’EPFL, avant de partir à Berne aux PTT, dans les liaisons satellites. J’ai rencontré Fabiène (aux scouts , évidemment) et en 1996, nous nous sommes établis à Yverdon (avec nos 3 enfants, aujourd’hui jeunes adultes) où j’ai rejoint la paroisse St-Pierre dont je suis devenu le président de 1998 à 2001 et de 2004 à 2013.
Ensuite , j’ai été sollicité pour entrer au comité de la FEDEC comme décan de St-Romain. Plus tard j’ai repris la vice-présidence de la FEDEC.
Depuis 2016, j’ai été nommé délégué de la FEDEC au sein de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ), puis membre du présidium et ensuite comme vice-président.
Professionnellement j’ai crée et dirigé ma propre entreprise de télécommunication que j’ai vendue en 2015. Depuis, je suis responsable de Solarstratos, qui développe un avion solaire sur l’aéropôle de Payerne, et coach pour diverses start-ups dans le domaine spatial et télécom ainsi que médical.»
Parmi ses autres engagements, Roland Loos cite le soutien à de projets de développement en Afrique et sa passion pour l’exploration spatiale. «Depuis le premier pas de l’homme sur la lune, vu à la télévision, alors que j’avais 8 ans, je rêve de marcher sur Mars, la lune serait déjà pas mal.» MP