Retour sur le document d'Aparecida, «feuille de route» de l'Eglise latino-américaine
Rome: Le pape veut davantage de collégialité dans l’Eglise, soutient la porte-parole des évêques latino-américains
Rome, 22 août 2013 (Apic) Le discours du pape François aux évêques du Conseil épiscopal latino-américain (Celam) au dernier jour de son voyage au Brésil, le 28 juillet 2013, est l’un des textes forts de ce début de pontificat. L’Uruguayenne Susana Nuin, porte-parole du Celam, était la seule femme présente lors de cette rencontre où le pontife est revenu en détail sur le document d’Aparecida. Cette membre du mouvement des Focolari, qui a contribué en 2007 à l’élaboration de cette véritable «feuille de route» pour l’Eglise du continent, revient pour l’agence I.MEDIA sur l’importance que le pape François accorde à la collégialité et au dialogue dans les structures ecclésiales.
Q: Depuis son élection, le pape François a cité à de très nombreuses reprises le document d’Aparecida. Pourquoi lui accorde-t-il tant d’importance ?
Susana Nuin: Pour trois principales raisons. Tout d’abord, le cardinal Jorge Mario Bergoglio, lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, a été un des acteurs principaux de la Conférence d’Aparecida, puisqu’il a dirigé la Commission de rédaction pour le document final. En second lieu, il est conscient qu’il s’agit là du fruit d’un travail unissant des éléments très différents, et pas seulement des experts. Cela correspond à sa conception d’assemblée, d’après l’ecclésiologie développée grâce au Concile Vatican II, qui redonne une place centrale au peuple de Dieu. Cette conception implique un dialogue permanent entre les composantes du corps de l’Eglise. Enfin, ce document est très important aux yeux du pape car il demande une «conversion pastorale» de chacun, évêques, prêtres et laïcs, un concept qui lui tient très à cœur.
Q: Quel est le point principal du document d’Aparecida pour le pape François?
SN: Pour le pape, il me semble qu’aussi bien au niveau de l’Eglise universelle que des Eglise locales, il ne peut plus y avoir de style de gouvernement qui ne soit pas collégial. Les conseils pastoraux doivent se généraliser, par exemple. Cela ne signifie pas corporatisme, mais bien mettre en place des modalités de décision communautaires. Tout ce qui ne se situe pas dans ce cadre n’a rien à voir avec ce que Jésus a dit et fait. Chaque Eglise doit mettre à jour ses structures, sans avoir peur de faire tomber ce qui est caduc. En effet, certaines structures ne sont pas au service des personnes mais d’intérêts.
Q: Le pape semble vouloir faire du document d’Aparecida la «feuille de route» de son pontificat. Comment envisager la transposition d’un document local à l’échelle de l’Eglise universelle?
SN: L’Amérique latine et les Caraïbes sont une réalité composée de cultures très diverses, où l’on retrouve cependant certaines caractéristiques communes. On ne peut pas transposer des modèles, mais insuffler un esprit. C’est pour cela que le pape a offert ce document à plusieurs présidents latino-américains qui lui ont rendu visite au Vatican. Il propose des choses qui sont encore et partout en vigueur, car elles sont issues de l’Evangile. C’est à chaque Eglise de comprendre en quoi elle est concernée et de remettre en question ses propres structures. Le pape est un homme extrêmement intelligent, bien formé et cultivé, et il est donc bien conscient qu’on ne transpose pas de cette façon un texte sur une autre réalité. En revanche, il est le fils d’une Eglise latino-américaine qui a été prophétique en termes de collégialité. En effet, cela fait 60 ans que le Conseil épiscopal latino-américain existe, avant même le concile. Il s’agit d’un organe consultatif et non pas de pouvoir, d’une véritable instance de dialogue à l’échelle continentale.
Q: Quelle est l’attitude du pape François face à ce défi ?
SN: Il est absolument convaincu de la nécessité de se rencontrer et de travailler en commun, afin de favoriser la communion. La création de structures semblables au Celam dans d’autres continents serait une bonne chose. Le pape est doué d’une très grande écoute et se préoccupe constamment de l’incarnation de l’Evangile. A ses yeux, la justice sociale est incarnation de la Parole. Il est aussi conscient du chemin qui reste à parcourir. A Rio de Janeiro, il nous a parlé de son expérience en tant qu’archevêque de Buenos Aires et des difficultés rencontrées pour mettre en place certaines choses. Le cardinal Bergoglio s’incluait toujours dans le nécessaire processus de conversion, et il le fait encore aujourd’hui en tant que souverain pontife. Le discours qu’il a tenu aux évêques lors de son voyage au Brésil est à approfondir, afin de renouveler le chemin de la collégialité. (apic/imedia/mm/rz)