République centrafricaine: Le cardinal Nzapalainga dénonce le business de la guerre
Le cardinal Dieudonné Nzapalainga, qui participait aux assises des Caritas d’Afrique qui se sont achevées le 21 septembre 2017 à Dakar, a vivement dénoncé le «business de la guerre» qui a fait de nouveaux riches dans son pays, la République centrafricaine (RCA).
L’archevêque de Bangui, dans un pays qui est confronté à des violences meurtrières depuis décembre 2013, a déploré que dans cette crise, «il y a des personnes qui s’enrichissent. Il y en a qui ont occupé des zones où il y a des diamants et de l’or qu’ils exploitent pour ensuite aller les vendre dans le circuit informel, à l’étranger. Ces personnes- là ne veulent pas que la crise prennent fin!».
Des profiteurs qui s’enrichissent sur le dos de la population
Le prélat, qui participait à la deuxième assemblée des évêques présidents des Conférences épiscopales d’Afrique et leurs partenaires des Caritas africaines, a ajouté qu’en plus de cette catégorie, il y a d’autres personnes aussi qui payaient des taxes, mais qui ne le font plus, à cause de la crise.
De nouveaux riches attisent le feu, entretiennent même la crise, allant jusqu’à demander aux chefs rebelles de continuer la violence, a-t-il déclaré dans une conférence de presse. «Parce que derrière, ils en sont les pourvoyeurs, comptant s’enrichir davantage. Il ne faut pas se voiler la face, nous ne sommes pas dupes !» Il a exhorté les dirigeants politiques de la RCA à éviter la guerre des chefs qui fragilise le pays, sa population et les institutions.
Des journalistes des diverses confessions invités à «véhiculer la vraie vérité»
Pour le cardinal Nzapalainga, le plus grand rêve des responsables de la plateforme des dirigeants religieux catholiques, musulmans et protestants de RCA est de créer des lieux, des moments où les enfants pourraient se retrouver ensemble pour créer quelque chose. Dans ce cadre, ils ont mis en place un groupe de journalistes représentants chacun une confession religieuse différente. Ils travaillent ensemble pour «véhiculer la vraie vérité», non pas des positions partisanes, mais ce qui rassemble les communautés, les unit, créé la cohésion et la fraternité entre celles-ci.
«Nous rêvons encore d’avoir une école qui accueillerait des enfants musulmans, catholiques, protestants. L’Etat le fait déjà, mais à cause du conflit, il y a un repli communautaire», a-t-il déploré. «Ce que nous voulons, c’est dépasser cette situation, permettre à des communautés qui se regardent en chien de faïence de se rapprocher».
Préparer une nouvelle génération par l’éducation
Rappelant que l’école est «un lieu de brassage pour les enfants qui viennent y étudier, y apprendre à s’aimer comme les fils d’un même pays, à étudier, à jouer, à avancer ensemble, à rêver d’une nouvelle République de Centrafrique», il a regretté la situation générée par le conflit. «Nous avons l’impression que la génération actuelle est une génération sacrifiée…». Il faut maintenant préparer une nouvelle génération et cela passe par l’éducation.
«Nous rêvons de cette école où l’enseignant musulman enseigne à tout le monde, le chrétien et le protestant faisant la même chose». L’archevêque de Bangui regrette que pendant le conflit, il est arrivé que certains refusent de transmettre le savoir à l’autre groupe. «Ce qui fait que pendant trois ans, de jeunes musulmans sont restés dans un ghetto, ne pouvant pas aller à l’école, parce qu’il n’y avait pas d’enseignants pour eux. C’est injuste!», a-t-il déploré, en soulignant que les enfants ne doivent pas être pris en otages de ce conflit.
Des malades arrachés de leur lit d’hôpital pour être exécutés
Dans le domaine de la santé, la plateforme des religieux estime que «tôt ou tard, elle devrait avoir son propre hôpital, pour la plus simple raison que pendant la crise ses responsables ont vu des malades de telle ou telle confession arrachés de leurs lits d’hôpital pour être exécutés». «Il n’y a là plus de notion de respect, même pour les malades», a fustigé le chef de l’Eglise centrafricaine, qui a évoqué aussi des cas de médecins qui ont refusé de soigner des personnes parce qu’elles appartenaient à une autre communauté que la leur. «Nous ne voulons pas de cela. Nous voulons que le médecin soigne tout être humain, sans distinction de religion. C’est pourquoi nous nous disons que si nos amis nous soutenaient, nous pourrions avoir un hôpital à nous!»
«Nous ferons de tous ces endroits des lieux pédagogiques pour apprendre à nos populations à s’aimer, à collaborer, à travailler ensemble», a plaidé le cardinal Nzapalainga. En déplorant amèrement que dans une situation conflictuelle comme celle que vit son pays, «ce sont les porteurs d’armes qui dirigent à la place des autorités étatiques, qui n’ont plus le pouvoir. «Nous les associons en leur disant: nous voulons restaurer votre autorité!» (cath.ch/ibc/be)