Reprise des messes: avec soulagement et en douceur
Par Bernard Litzler et Bernard Hallet
Ce week-end de Pentecôte 2020 marque la reprise des messes en Suisse. La joie de retrouver la communauté et de pouvoir à nouveau aller communier a prédominé malgré l’ambiance particulière de ces célébrations marquées par les normes sanitaires. Cath.ch a suivi les fidèles à la basilique de Lausanne et dans les églises de Collombey et de Muraz, en Valais.
Samedi 30 mars, 18h: «Heureusement, il n’y a pas trop de monde»: l’abbé François Dupraz est soulagé. Avant de présider la messe de la veille de la Pentecôte – la première des huit messes en français et en langues étrangères du week-end – le curé de Notre-Dame de Lausanne avoue sa satisfaction. Il craignait un afflux trop important pour la Pentecôte, synonyme de retour des célébrations religieuses en Suisse.
Aussi un bataillon de bénévoles a-t-il été mobilisé pour accueillir les fidèles. Il faut veiller au port du masque, recueillir les identités à l’entrée, demander la désinfection des mains, placer les personnes aux places vertes, de fait une place sur trois dans la vaste nef lausannoise.
«C’est émouvant de revenir»
Les conversations se font détendues dans le narthex. Jeune adulte d’origine alémanique, Félix confie «C’est émouvant de revenir. Je ne m’en rendais pas compte avant, mais de rentrer dans l’église, de voir des têtes connues, de revivre cette communion, ça fait du bien». Pour Louis, père de famille, le retour se vit en mode retrouvailles: «Le confinement a été long et de retrouver la communauté, on se sent revivre. A la basilique, on se sent comme à la maison».
Autre habituée de la messe dominicale, Annie, confie: «J’ai beaucoup de joie à revenir à Notre-Dame. J’ai regardé à gauche, à droite si tout le monde était là et ça m’a fait vraiment plaisir». Pasquale, d’origine italienne, renchérit: «Tout m’a manqué: la communauté, l’eucharistie, de venir à l’église, la Parole de Dieu. La messe me manquait depuis un moment. Je suis italien, donc très catholique. On allait tous les matins à l’église. Le dimanche, j’y allais trois ou quatre fois. D’abord j’accompagnais ma grand-mère, puis c’était ma mère, et à 11h, mon père avec l’arrière-grand-père. Alors deux mois sans eucharistie…»
La messe à la télévision
Les uns et les autres ont essayé de compenser l’absence de célébrations. Pour Annie, «au début, c’était très dur, dit-elle. Ensuite j’ai suivi la messe à la télévision et j’ai fait comme à l’église, en me mettant à genoux, en priant et ça m’a fait beaucoup de bien». Eliane, son amie, confinée en France pendant deux mois, sans pouvoir revenir en Suisse, a également apprécié les célébrations télévisées: «Avec la messe du Saint-Père à 7h le matin, le chapelet à Lourdes, et le soir, la messe à Paris, j’étais gâtée. J’étais joyeuse, car j’avais une chapelle à la maison, alors je n’étais pas triste».
Félix, plus jeune, a apprécié les offres spirituelles sur Internet : «C’était très agréable, car on a pu approfondir les méditations ou les lectures. Mais il manquait quelque chose: la messe avec son rythme, la Semaine sainte et Pâques qui sont des moments forts et qu’on a dû vivre à domicile. C’était quand même différent».
Les messes de Notre-Dame ont retrouvé désormais leur rythme habituel et leurs fidèles. Des assemblées hétéroclites, participatives, vivantes, en dépit du relatif silence dû à l’absence des chants. Mais il est clair que cette Pentecôte 2020 marque le signal d’un nouveau départ dans l’année liturgique.
Ambiance similaire de retrouvailles en Valais. Presque à la même heure, samedi, les fidèles s’installaient dans l’église Saint-Didier de Collombey après avoir accompli de bonne grâce les gestes barrière au covid-19. Tout comme ils l’ont fait à l’église Saint-André, récemment rénovée, de Muraz le dimanche.
Intimidés, les paroissiens s’approchent du parvis. Ils montent doucement les marches. L’abbé Jérôme Hauswirth les accueille et les salue, bras ouverts et tout sourire. A distance. Les servants de messe postés à l’entrée de l’église indiquent d’emblée les distributeurs d’alcool aux fidèles. Ils ont ensuite la possibilité de prendre de l’eau bénite et de se signer avec. «Je me suis inspiré de ce qui se fait à l’Abbaye d’Einsiedeln», explique, fier de son initiative, le curé des paroisses de Collombey et Muraz.
La joie de revoir les paroissiens
En ouvrant la célébration, l’abbé Hauswirth exprime sa joie de revoir ses paroissiens. Il rappelle en préambule les consignes de sécurité: les distances à tenir lors de la communion, l’hostie donnée dans la main, le sourire qui remplacera le geste de paix. Il explique l’absence de la chorale, «mais l’organiste est là, qui donnera du relief à la messe».
Une quarantaine de personnes ont franchi les portes de l’église ce samedi en fin d’après-midi, contre une centaine habituellement. Le curé se réjouit de la discipline observée par les fidèles lors de la communion mais concède sa surprise de voir aussi peu de monde. Les enfants sont en effet les grands absents de cette fin d’après-midi. «D’habitude les familles sont nombreuses, car les messes du samedi soir à Collombey et du dimanche matin à Muraz sont des messes catéchétiques». Faute de participants, la catéchèse, qui se tient en parallèle de la célébration, n’a pas eu lieu.
Reconquérir les jeunes
L’arrêt des messes a mis à mal des mois de travail et de fidélisation des jeunes à la catéchèse. Le curé craint que les tablettes et la télévision n’aient remplacé la présence à l’église. «Pour l’instant, nous sommes menés au score par le coronavirus. Cela prendra du temps de les faire revenir. Ces deux mois de confinement correspondent à une coupure estivale». Et l’été qui se profile ne va pas simplifier les choses. «Mais bon… C’est un redémarrage». Une reconquête s’annonce.
L’espacement, l’absence de chorale, le peu de monde également présent le dimanche matin à Muraz ont donné à l’abbé Jérôme l’impression de célébrer une messe de semaine. «Un peu froid», confie un paroissien qui n’a pas bien vécu la norme des 4m2 à respecter entre les fidèles ou les familles. Une quarantaine de fidèles se sont retrouvés à l’église. Le directeur de la chorale s’était dévoué pour accompagner la célébration à la guitare. Les chanteurs qu’ils dirige réinvestiront la tribune dans quelques temps.
«Je n’aurai jamais pensé que la messe m’aurait autant manqué», souffle Annie à la sortie. Tous étaient bien sûr heureux de revenir communier et de retrouver la communauté. A commencer par Bastien, 16 ans, le responsable des servants de messe. «C’est vraiment super de retrouver les paroissiens», lance-t-il. Il a aidé à sprayer le chœur, l’autel et les bancs et à poser le scotch de chantier qui compartimente désormais l’allée centrale. Oui, il a suivi les offices à la télé. Mais «La messe à la télé, ça va un moment!».
La messe de Mgr Lovey
Donnant lieu à débat et parfois décriées, les messes télévisées ont tout de même bien aidé à passer cette période de confinement. De fait, tous évoquent d’abord la messe de l’évêque de Sion, Mgr Jean-Marie Lovey, diffusée sur Canal 9 le dimanche. Ils ont aussi suivi le pape le jour de Pâques.
«Ce que je suis contente de revoir les autres!». A la sacristie, Josette, impliquée de longue date dans la paroisse, apparaît soulagée de retrouver l’équipe et les paroissiens. Pensez! les gens avaient tellement besoin de revenir et de communier. «Peut-être aura-t-il fallu cela pour nous faire réaliser à quel point c’est important dans notre vie de chrétien».
Pour que personne ne se sente exclu en raison du nombre de places imposé par les normes sanitaires, le curé est prêt, s’il le faut, à doubler les messes dominicales. «Vos prêtres sont reposés, n’hésitez pas à venir, vous ne prendrez la place de personne. Faites passer le mot!». Les fidèles doivent se réapproprier la messe. Leur messe. (cath.ch/bl/bh)