Mgr Michel Sabbah, nouveau patriarche latin de Jérusalem : (310588)
Reportage en Terre Sainte VI
«Je ne suis pas spectateur devant les souffrances du peuple palestinien»
Jérusalem (APIC/Jacques Berset) «Je suis du peuple, je vis la même situation dans toute son intensité, je ne suis pas du tout étranger ni spectateur devant les souffrances du peuple palestinien», nous affirme Mgr Michel
Sabbah en nous recevant au Patriarcat latin de Jérusalem.
Premier patriarche latin de Jérusalem d’origine palestinienne, Mgr Sabbah, né il y a 55 ans à Nazareth, a été nommé par le pape Jean Paul II en
décembre dernier pour remplacer Mgr Giacomo Beltritti, un Italien de 77
ans, qui s’est retiré pour raison d’âge. Réservé et prudent, Mgr Sabbah
n’est pas l’homme des déclarations tonitruantes : il hésite d’ailleurs à
accorder des interviews, pour que l’on ne manipule pas ses propos. C’est
cependant un homme chaleureux et ouvert, solidaire de son peuple, «une
bénédiction» dans la situation actuelle, peut-on entendre dans la rue de la
part non seulement des catholiques latins, mais également des autres
chrétiens palestiniens. Des musulmans nous ont même exprimé leur joie de
voir «l’un des nôtres» accéder à ces hautes responsabilités.
L’homme palestinien n’est pas le seul à souffrir de la situation
«Il y a un problème politique, mais le problème est également un problème humain : il y a des hommes qui souffrent, l’homme palestinien est en
train de souffrir, il est en train d’être battu, emprisonné, tué; il souffre, mais il n’est pas le seul à souffrir parce qu’il n’y a pas la paix.
L’homme israélien aussi est en train de souffrir, car il ne doit pas trouver agréable de faire le métier de bourreau ou de militaire qui bat et qui
tue; c’est pourquoi les deux souffrent, l’un de souffrances physiques,
l’autre de souffrances morales et psychologiques. Donc, c’est le même problème pour les deux parties, et comme homme d’Eglise, je ressens le problème de deux hommes, du Palestinien comme de l’Israélien, et je vois que ces
problèmes humains doivent être résolus pour la dignité des deux hommes.»
Pour le Patriarche Michel Sabbah, ce problème humain est également un problème politique qui ne peut trouver de solution que politique. A son avis,
partagé par l’immense majorité de la population palestinienne, «les Palestiniens, tout comme les Israéliens, ont droit à un Etat et à une souveraineté».
Une nomination d’un relief particulier dans la situation actuelle
La nomination par le pape Jean Paul II d’un chrétien de cette terre si
chargée d’histoire prend un relief particulier, admet Mgr Sabbah : «Je suis
né à Nazareth en 1933, du temps du Mandat britannique, avant la division en
1948 de la Palestine entre Israël et la partie restante arabe. Je me suis
trouvé ensuite dans la zone jordanienne et pour cela j’avais un passeport
jordanien. Lors de la guerre des Six Jours en 1967, je me trouvais ici à
Jérusalem. C’est alors qu’a commencé la période de l’occupation militaire,
et de ce fait je porte également une carte d’identité israélienne, comme
tous les habitants des territoires occupés de Cisjordanie, relevant toujours en principe de la Jordanie».
«Ma nomination, dans cette situation – et surtout depuis l’éclatement
des troubles actuels – de par la force des choses, a pris un sens qui s’insère dans le contexte social et politique actuel. Pour l’Eglise de Jérusalem, comme pour le Saint-Siège et toute l’Eglise catholique, cette nomination était une chose normale : ce diocèse avait besoin d’un pasteur à la
suite de la démission de son évêque; c’est tout naturel de nommer un pasteur et de le trouver parmi les fidèles du diocèse. Mais vu le contexte actuel, cela a pris une autre signification, c’est devenu un symbole. On espère que ce soit un symbole d’espérance, d’espoir. Et moi-même, j’espère
que Dieu puisse nous accorder ce que les hommes jusqu’à maintenant ne nous
ont pas donné, c’est-à-dire la paix!»
Parmi les problèmes auxquels il est confronté dans son diocèse, Mgr Sabbah mentionne encore le problème de l’émigration de la population palestinienne, en particulier des chrétiens, à cause de la difficile situation politique et socio-économique. «Nous essayons de faire comprendre à tout
chrétien ici que la vocation chrétienne dans cette Eglise de Jérusalem
n’est pas une vocation pour une vie facile; nous sommes appelés plutôt à
une vie difficile. Donc, pour être témoin, pour porter le message dans la
société dans laquelle il vit, le chrétien ici doit être prêt à accepter une
vie difficile pour pouvoir rester autour des Lieux Saints, pour qu’un jour
ils ne soient pas tout à fait désertés».
«Venez nous visiter»
«Je dis à tout le monde : soyez les bienvenus, venez et voyez, pour
avoir plus de communion de foi, plus de communion d’humanité également avec
l’homme de la Terre Sainte, qui a toujours été dans une situation de conflit, qui a tellement souffert peut-être à cause même du caractère sacré de
cette Terre, devenue objet de désir de tout le monde». Et le Patriarche latin de conclure : «Tout le monde a donc une dette envers cet homme qui
souffre dans cette Terre Sainte à cause précisément de sa vocation».
(apic/be)
(Les photos de ce reportage sont disponibles à CIRIC, Rue Voltaire 7, 1000
Lausanne 13 Tél. 021/27 52 50)