Régis Voirol, de Renens VD, a été garde suisse de 2015 à 2017 | © Grégory Roth
Suisse

Régis Voirol: «Le désert, c'est prendre conscience qu'on s'est éloigné de Dieu»

Garde suisse pendant deux ans, Régis Voirol a enrichi son expérience de vie. Son retour de Rome à pied, durant l’été 2017, lui a cependant fait prendre conscience des périodes de déserts spirituels qu’il a traversées durant son séjour romain.

Jamais Régis Voirol ne pourra oublier ces deux ans passés à Rome afin de servir le pape. Des souvenirs accumulés entre février 2015 et mai 2017, l’ex-garde vaudois pourrait en publier tout un livre. Sur la crise migratoire de 2015 notamment, qu’il a vécue de près. Et comment il s’est retrouvé à distribuer de la nourriture à des migrants dans la périphérie romaine, à l’initiative de l’aumônier du pape.

«On est allé dans un ‘centre d’immigrés’, se rappelle Régis Voirol. Il s’agissait en fait d’une usine désaffectée, où 400 migrants étaient entassés, sans personnel soignant. Je me rappellerai toujours du premier enfant qui s’est approché, mangeant, larmes aux yeux, le croissant que je venais de lui offrir». Pour cet homme de 24 ans, il est très facile de décrire son expérience romaine en une phrase. «Cela restera à tout jamais un moment-clé de ma vie».

«Mon désert à Rome»

Pourtant, lorsque nous évoquons le désert avec lui, Régis Voirol surprend. Ce n’est pas cette longue marche de 40 jours, qu’il a effectuée sous un soleil de plomb de Rome à Renens, à laquelle il pense en premier. Non. «Mon désert, mon temps de carême, je l’ai davantage vécu à Rome», révèle-t-il. Ce constat, l’ex-garde l’a fait après coup, pendant son pèlerinage vers la Suisse.

«Le service de garde à la messe était devenu un fardeau»

«A Rome, c’était compliqué de garder une foi forte! C’est sans doute le cadre de vie qui a mis ma relation à Dieu à l’épreuve. Par exemple, lorsqu’on était planifié pour le service de garde durant une messe, c’était une obligation». Une obligation, précise Régis Voirol, qui s’ajoutait souvent à huit heures de piquet préalables, debout et sans bouger. «J’en étais arrivé à un point où le service de garde à la messe était devenu un fardeau. Même si, malgré l’effort, on en ressortait toujours très satisfait». Un sentiment passablement déroutant pour ce jeune catholique qui fréquente habituellement les lieux de culte chaque dimanche.

Régis Voirol: «Le désert, c’est me rendre compte que je m’étais coupé de la relation avec Dieu» | © R. Voirol / DR

Confiné dans le cadre de travail

«A Rome, j’ai rencontré l’Eglise. Sur le chemin du retour, j’ai rencontré Dieu de manière personnelle», constate-t-il. Durant la marche, Régis a eu la possibilité de philosopher, de penser au passé et à l’avenir, et de contempler «la beauté de la création». De prier. Non pas qu’il n’ait pas pu le faire en deux ans de Garde. «Au contraire, il y a des jours où j’étais seul, mais je restais toutefois confiné dans un cadre de travail», précise-t-il.

«A Rome, j’ai rencontré l’Eglise. Sur le chemin du retour, j’ai rencontré Dieu de manière personnelle»

«Le désert, c’est me rendre compte que je m’étais coupé de la relation avec Dieu». Pour Régis, le désert a du bon dans la mesure où il lui a permis de prendre conscience de ce manque. Le pire, selon lui, serait de croire qu’on est proche de Dieu, sans se rendre compte que l’on a rompu la relation. «En ce qui me concerne, c’est arrivé à Rome. Mais cela pourrait très bien recommencer demain», prévient-il.

Les bienfaits de la garde

Pas question donc de dénigrer son ancienne vie de caserne. Si la Garde suisse lui a appris quelque chose, c’est que les confrontations, les efforts physiques et les événements imprévus font partie de la vie. «C’est très formateur de réaliser que tout ne peut pas toujours se passer comme prévu. Ne dit-on pas, à juste titre, que le saint n’est pas celui qui ne tombe jamais, mais celui qui se relève toujours», explique le Renanais d’origine jurassienne.

Régis Voirol: «Dieu est là, c’est à moi de faire le nécessaire pour me rendre présent à Lui.» | © Grégory Roth

Et de replacer sa propre histoire dans son contexte. «Chaque garde chemine différemment. Certains trouvent la foi en allant à Rome. D’autres la perdent. Moi, je l’avais déjà avant d’aller et je l’ai gardée, mais j’ai senti qu’à mon retour, elle était appelée à changer». Quels changements? «Prendre conscience, par exemple, que Dieu se manifeste de différentes façons: par des rencontres, dans la nature. Il est là, et c’est à moi de faire le nécessaire pour me rendre présent à Lui.»

Le regard sur autrui

Autre bienfait de la Garde: «il faut une bonne dose de patience, quand on représente ‘l’image du pape’. Il est nécessaire de prendre le temps de la considération!», clame-t-il. Pendant le service, Régis Voirol avait régulièrement affaire à des personnes affolées, qui voulaient voir le pape dans l’urgence. L’expérience de la garde lui a permis de regarder ces personnes autrement que comme «des fous». Et de réaliser que chaque comportement a une histoire particulière.

«Les grandes décisions ne se prennent pas dans l’urgence»

Cinquième d’une fratrie de sept enfants, Régis Voirol a développé cette fascination pour les comportements humains dès son plus jeune âge. Aujourd’hui, c’est certainement cet attrait pour la complexité du caractère humain qui l’a conduit vers la Faculté de droit, à Lausanne, bien qu’il n’ait pas encore décidé du débouché exact vers lequel ses études vont le mener. Fort de ses expériences de garde et de désert additionnées, Régis est néanmoins sûr d’une chose: «Les grandes décisions ne se prennent pas dans l’urgence, telle que notre monde l’exige de nous parfois. Afin de choisir nous-mêmes les priorités de notre vie, sans nous les faire dicter par les règles de la société.» (cath.ch/gr)

Régis Voirol, de Renens VD, a été garde suisse de 2015 à 2017 | © Grégory Roth
28 mars 2018 | 00:00
par Grégory Roth
Temps de lecture : env. 4  min.
Carême (160), désert (10), Garde suisse (159), témoignage (27)
Partagez!

Carême: traverser le désert


Accéder au dossier


cath.ch propose pour la période de carême, tous les mercredis, du 14 février au 28 mars, une série de portraits sur le thème du désert. Des personnes connues et moins connues de divers horizons témoignent de leur traversée du désert, véritable espace de sable ou plage de vie marquée par la solitude et l’épreuve. Histoires de marches forcées, de chutes, mais aussi d’oasis inespérés. Autant d’occasions d’inspirer de nouvelles rencontres avec soi-même sur le chemin vers Pâques.


1.Bernard Gabioud: «Au désert, on quitte tout sauf soi-même»


2. Ray Krone: renaissance dans le couloir de la mort


3. Jean-François Arnoux: «J’ai soif»


4. Catherine Menoud: Les petits déserts quotidiens


5. Marc de Pothuau: Le désert restaure le désir


6. Denis Junod: Le désert d’un pêcheur du lac


7. Régis Voirol: «Le désert, c’est prendre conscience qu’on s’est éloigné de Dieu»