Réfugiés à Mon-Gré : le curé Pittet s’exprime
« Un geste pour contribuer au débat public ». L’abbé Gabriel Pittet explique ainsi à cath.ch la décision de la paroisse catholique du Sacré-Cœur, à Lausanne, d’accueillir à la chapelle de Mon-Gré, fin avril 2016, des réfugiés partis de l’église réformée St-Laurent. Le curé, qui a fait le lien entre le Collectif R, qui soutient les requérants, et le conseil de paroisse, souligne que la démarche d’accueil a provoqué des oppositions, mais pas de division au sein de la communauté.
Mettre en pratique les valeurs chrétiennes de solidarité et contribuer au débat public sur la question des renvois dits Dublin, auxquels sont exposés les réfugiés accueillis. Tel était l’objectif de l’accord donné par le conseil de paroisse du Sacré-Cœur, à la requête du Collectif R d’héberger les neuf personnes parties de l’église St-Laurent. Une décision qui a créé des vagues, notamment au sein de l’Eglise catholique.
Le Collectif R devant le conseil de paroisse
Avec l’aide du groupe, les migrants occupaient depuis mars 2015 la salle paroissiale de St-Laurent appartenant à l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV). Cette dernière demandait depuis fin mars 2015 que les occupants quittent les lieux, ce qui n’a été réalisé que fin avril de cette année. Gabriel Pittet explique que les membres du collectif, cherchant un lieu d’accueil pour leurs protégés, ont sollicité la paroisse du Sacré-Cœur. Le Collectif R a ainsi eu l’occasion de présenter sa démarche devant le conseil de paroisse qui, selon l’abbé Pittet, l’a trouvée généreuse et a décidé de s’engager.
Désaccord de l’Eglise cantonale
Le curé lui-même dit avoir été très favorable à cet hébergement, eu égard, notamment, aux nombreux liens qu’il entretient avec des mouvements et groupes d’aide aux migrants.
Les autorités de l’Eglise ont cependant signifié leur désapprobation face à cette démarche. Elle l’ont fait savoir en particulier par un courrier aux paroisses du diocèse de LGF. L’Eglise catholique dans le canton de Vaud (ECVD) a déploré le choix d’un partenariat avec le Collectif R dans le cadre de l’aide aux réfugiés. Jean-Brice Willemin, porte-parole de l’ECVD, avait confié à cath.ch que les méthodes d’action du collectif étaient en particulier en cause, regrettant que le groupe soit dans une « posture de rapport de force, de confrontation », et non dans une volonté de dialogue. Un argument que l’abbé Pittet n’accepte pas. Il déplore la « vision réductrice » du Collectif R, qu’il connaît depuis longtemps. Il considère qu’ils s’engagent pour un combat juste, qui a « droit de cité » et d’une manière susceptible de faire réagir l’opinion publique. Lui-même estime que l’accueil des réfugiés dans la chapelle de Mon-Gré est une manière de protester contre les renvois « Dublin ».
Une démarche en complément des autres
Il ne comprend pas non plus la critique émise notamment par l’EERV selon laquelle le Collectif voudrait « instrumentaliser » la situation des requérants. « Il est difficile de déterminer où s’arrête la politique et où commence la solidarité », souligne le curé du Sacré-Cœur. Il n’estime pas trahir ainsi l’Etat de droit, et pense de toute façon qu’il « faut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes », comme l’a dit saint Pierre.
Quant au fait que l’Eglise s’engage déjà pour l’aide aux réfugiés par bien d’autres canaux, l’abbé Pittet considère que cette initiative vient juste compléter, à sa façon, les « merveilleuses autres » démarches du même ordre.
Pas de division dans la paroisse ?
Concernant les dissensions que l’affaire a pu faire naître dans la paroisse, le curé rappelle que le conseil de paroisse a pris la décision à l’unanimité. Lui-même assure avoir averti les membres de l’assemblée qu’elle allait peut-être déplaire aux autorités de l’Eglise. Selon l’abbé, le conseil aurait donc statué en toute connaissance de cause. Il admet toutefois que le conseil pastoral était, lui, opposé à cet hébergement, tout en précisant qu’il avait été consulté dès le départ. « Plusieurs membres ne voulaient pas entrer en matière », explique-t-il. Le curé considère que le conseil pastoral a été « plus impressionné » par la réaction très nette de l’Eglise officielle que le conseil de paroisse. Il assure néanmoins que le débat n’a pas entamé l’esprit de communion au sein de la communauté et que « ceux qui disent le contraire ont un intérêt à le faire croire ».
Gabriel Pittet se dit de manière générale étonné de l’attitude des autorités de l’Eglise, qui veut parfois être « trop droite dans ses bottes ». (cath.ch-apic/rz)